Charlotte gratta sa joue gauche, signe d'anxiété, et releva la tête vers l'homme. Elle soupira puis se rassit sur la chaise en bois brut. L'homme eût un sourire amer et posa sa main sur l'épaule de la fillette.
- Où est ma mère ? demanda cette dernière, avec un mélange d'irritation et de peur.
- Ta mère ? Elle est sûrement morte en ce moment ! Te fais pas d'illusions, à partir de maintenant, t'es seule au monde ! il ricana grassement avant de sortir de la médiocre pièce. Charlotte gronda et se retint de sangloter. Elle n'avait que dix ans et elle était déjà abandonnée de tous. Elle soupira de nouveau et sortit elle aussi de la pièce. Elle n'avait nul part où aller, personne pour la réconforter mais elle ne se laisserait pas abattre.
- neuf ans plus tard -
Charlotte prit ses vêtements et couru s'habiller dans la salle de bain. Elle en ressortit vêtue d'un jean simple, d'une chemise à carreau, d'un t-shirt bleu nuit et d'une paire de basket. Elle remonta ses cheveux blonds en un chignon décoiffé et attrapa son sac à la volée avant de dévaler les escaliers au pas de course.
Comme tout les lundis, elle était en retard. Elle réussit malgré tout à monter dans le bus, alors que les portes se fermaient, et elle trouva une place près d'un vieil homme. Elle s'approcha et demanda à ce dernier si la place était occupée. Il répondit d'un geste négatif de la tête et la blondinette s'assit à ses côtés.
Elle prit son téléphone portable, brancha ses écouteurs dessus et les mit dans ses oreilles. La musique la berçait doucement tandis qu'elle regardait les divers passagers présents. La plupart avait le visage penché sur l'écran de leurs smartphones dernier cri tandis que le reste des gens regardait par la fenêtre, visiblement ennuyés. Elle n'était pas comme eux. Ni une accro du téléphone, ni une ennuyée. Elle regardait par la fenêtre avec un certain entrain. Chaque matin, elle prenait ce même bus qui faisait le même parcours mais chaque matin ce bus contenait des visages différents. Comme les rues d'ailleurs.
Elle fût ramenée à la réalité par un message de Carolina qui lui disait qu'elle ne viendrait pas travailler aujourd'hui. Charlotte soupira pour la énième fois depuis son réveil et répondit à son amie. Carolina était constamment en retard ou absente et elle savait que si ça continuait, elle se ferait virer. La blondinette sortit sept arrêts plus loin et rejoignit le bâtiment gris où se trouvait le journal pour lequel elle travaillait.
Le Flutcher était sans contester le journal le plus lu de la ville. Autant par les jeunes que par les vieux. Contenant des jeux, des histoires, des faits divers et les actualités, il ravissait tout le monde et c'était donc une aubaine pour Charlotte de pouvoir travailler là-bas.
À la fin de sa journée de travail durant laquelle Charlotte avait écrit quelques articles et préparé des interviews, la jeune fille rentra chez elle en reprenant le même bus que chaque soirs. Elle salua le chauffeur et alla s'asseoir tout au fond du bus.
Le froid de l'extérieur lui avait délicatement engourdi les membres et elle profita de la chaleur du véhicule pour se réchauffer. Elle frotta ses mains l'une contre l'autre et sa jambe droite se secouait au rythme de la musique qui provenait de ses écouteurs.
Charlotte n'était pas de nature bavarde et sociable. Elle restait en marge et ne se manifestait seulement si elle pensait que ça valait le coup donc quand sa colocataire, Skyla, l'avait prévenue de la petite fête qu'elle organisait le soir même, Charlotte avait cherché un endroit où passer la soirée. Finalement elle avait conclu que le meilleur endroit serait sûrement sa chambre et c'est comme cela qu'elle se retrouvait cloîtrée dans ladite chambre, regardant de vieux films avec son chat, Jean - Baptiste, et un pot de glace chocolat - pistache. Mais alors que Sam allait embrasser Jake dans le film, un couple de jeunes entra dans la chambre.
- C'est déjà occupé... prévint Charlotte, coupant les deux amoureux dans leur élan. Ils la regardèrent en ricanant puis continuèrent, sans gêne.
Charlotte soupira, prit son chat dans les bras et se fraya un passage jusqu'à la porte d'entrée. Elle sortit de l'appartement et dévala les marches jusqu'à la dernière, juste avant le hall. Elle s'y assit et posa sa tête contre le mur, Jean - Baptiste ronronnant contre sa poitrine.
- Tu dors ? Eh ! appela une voix lointaine. Charlotte releva la tête, toujours endormie. Un garçon se trouvait face à elle.
- Ah, tu es réveillée ! Tu t'endors super vite !
- Excuse moi mais, t'es qui ?
- Ah ! Je m'appelle Baptiste ! Je t'ai vue sortir de l'appart' avec ton chat et donc je suis venu voir ce qu'il y avait et tu dormais déjà !
- Ah. Et pourquoi tu es venu voir ce qu'il y avait ? Tu es tellement indiscret que tu t'occupes des affaires d'une fille que tu ne connais pas ?
- Oh, non ! Enfin, je ne suis pas comme ça ! Mais... Je voulais juste voir si tu n'avais pas un problème, excuse moi de m'inquiéter du bien-être des gens qui m'entourent !
- Tu dois être un ami de Skyla. Tu leur ressembles.
- En fait, non. Je devais retrouver une fille mais elle a décidé de ne pas venir et voilà !
- Comment elle s'appelait ?
- Ah, mademoiselle décide de fourrer son nez dans les affaires des autres ? Si tu veux tout savoir, elle s'appelait Carolina !
- Je la connais. Elle doit encore être en retard, comme d'habitude... comme pour appuyer sur ses paroles, la jolie brune arriva dans le hall, le souffle court. Elle avait couru, sûrement pour éviter d'arriver trop en retard.
- Eh Baptiste ! Et... Charlotte ? Qu'est-ce que tu fais là ? Avec ton chat ?
- Des gens ont envahis mon espace vital, je suis venue en chercher un autre.
- Pauvre Jean - Bapichou ! s'exclama la brunette, caressant le dos du chat qui se mit à ronronner bruyamment.
- Jean - Bapichou ?
- Oui. En vrai il s'appelle Jean - Baptiste mais c'est tellement nul comme nom, sans vouloir te vexer Charlotte, que je l'appelle comme ça !
- Ton chat s'appelle comme moi ! s'exclama Baptiste en se mettant à rire.
- Mon chat ne s'appelle pas comme toi. Il s'appelle Jean - Baptiste et pas Baptiste.
- Eh, ça vous dit on va boire un truc ? proposa nonchalamment Carolina avant de remarquer que sa meilleure amie était en pyjama.
- Par contre, la demoiselle devrait peut être aller se changer ? devança Baptiste en pointant la tenue du menton. Charlotte vira au rouge et tendit son chat à Carolina avant de monter quatre à quatre les marches la menant à l'appartement. Elle se changea, enfermée dans les toilettes, prit son sac à main et rejoignit Carolina et Baptiste. Ces derniers discutaient tout en caressant Jean - Baptiste.
- Ton amie elle est bizarre !
- Non, elle est sympa et même si elle est un peu décalée, elle est adorable !
- Son chat a un nom super bizarre quand même...
- Baptiste ! Arrête de chercher les problèmes où il n'y en a pas ! Charlotte est géniale, elle a pas eu une enfance facile donc laisse la tranquille !
- Vous parlez de quoi ? fit semblant la concernée en déboulant dans l'escalier.
- Oh, du nom de ton chat ! répondit Baptiste en affichant un grand sourire. La jeune femme lui trouvait quelque chose de faux mais elle ne savait pas mettre le doigt dessus. Elle récupéra Jean - Baptiste des bras de Carolina et le mit dans son sac.
- Tu va le prendre ?
- Je ne laisserais jamais ce petit ange là-haut, avec tout ces horribles gens ! Carolina pouffa et Baptiste regarda Charlotte comme si elle venait d'une autre planète.
- C'était sympa hier, non ? demanda Carolina à son amie alors qu'elles travaillaient ensemble sur un article.
- J'ai connu mieux... marmonna la jolie blonde en tapant sur son clavier.
- Ah oui, j'ai oublié que tu adorais passer tes soirées enfermée dans ta chambre en regardant des films et en mangeant de la glace !
- C'est pas ça...
- Non mais je te comprends. C'est sûr que la compagnie de Jean - Baptiste doit être beaucoup plus agréable... déclara Carolina, ironiquement.
- Webling, Davis ! Vous pensez que votre article sera fini quand ? demanda alors l'impitoyable Dora, la sous-chef du Flutcher.
- Tout sera bouclé ce soir ! informa Carolina en levant le nez de son appareil photo. Dora partit, l'air visiblement ravie.
- Pour reprendre... commença Carolina mais elle se fit couper par Charlotte.
- Écoute, je sais que je suis détestable et bizarre mais je te jure que je fais de mon mieux ! Maintenant, montre les photos que tu as faites pour l'article. Carolina s'exécuta et présenta son appareil à la blondinette. Cette dernière sélectionna les photos qui allaient le mieux avec ce qu'elle avait écrit et Carolina mit le tout en page.
- Skyla fait une fête ce soir ? demanda la brune alors qu'elles rangeaient leurs affaires.
- Non, elle va chez Maricia. Je suis libre ! s'exclama Charlotte en sautillant sur place.
- Désolée, mais non. Ce soir je viens chez toi avec "The Breakfast Club" et un gros pot de glace !
- Mais... J'avais des trucs à faire !
- Comme ?
- Et bien... Il faut que je...
- Ça marche ! Ce soir à sept heures trente ! força Carolina en souriant.
- Je te déteste ! marmonna Charlotte en sortant de l'immeuble où résidait le Flutcher.
Le soir même, Carolina sonna à la porte à sept heures trente tapantes.
- Entre ! C'est ouvert ! cria Charlotte depuis la salle de bain où elle appliquait un masque reposant sur son visage. Ses cheveux étaient remontés en chignon, elle portait un vieux t-shirt de basketball et un jogging.
- Charlotte ? Tu es habillée correctement ?
- Pas vraiment pourqu... commença la blondinette avant de voir Carolina accompagnée de Baptiste. Elle se stoppa net et couru se cacher dans la salle de bain.
- Carolina ! Je te déteste profondément ! hurla-t-elle alors qu'elle essayait d'être un peu plus présentable.
- Désolée ! s'excusa la grande brune en suppliant son amie de la laisser entrer.
- Tu as oublié "The Breakfast Club" et le pot de glace ou je rêve ?
- Non ! Je les ai avec moi ! Mais sur le chemin j'ai croisé ! Baptiste qui n'avait rien à faire et...
- Baptiste n'a jamais rien à faire !
- C'est pas faux mais... intervint le concerné avant de se taire sous les signes de Carolina.