L'Ange qui trompait la Mort

fanfiction South Park incomplète, 6 chapitres


– Vous voulez me tuer ? Me détruire ? Je suis un ange déchu ! Je suis déjà mort ! Même mieux : je suis éternel ! il hurlait, se débattait et tous le fixaient, mi-effrayés, mi-amusés. Quel était donc cet étrange jeune homme qui criait de telles inepties sur la place du village ? Ses yeux étaient injectés de sang et sous-lignés par d'énormes cernes violettes. De nombreuses cicatrices et ecchymoses parsemaient son visage. Et malgré tout ça, il restait beau. Sublime même. Ses cheveux blonds retombaient en bataille sur son front et ses lèvres, pleines de sang elles aussi, semblaient douces. Son nez avait dû être cassé par le passé car il était tordu mais cela ne faisait que lui rajouter du charme.

Une jeune fille se détacha de la foule et s'approcha de lui. Elle était grande et belle; des cheveux rouges tombants en cascade sur ses épaules et assortis à ses lèvres, une peau blanche comme la neige et des yeux bleus transperçants. Elle déposa délicatement une main sur sa joue.

– Moi, je te crois. lui chuchota-t-elle à l'oreille avant de l'aider à se relever. Il la toisa un instant avant de lancer un regard négligé vers les badauds qui continuaient de les observer.

– Emmène-moi loin d'ici, je t'en supplie. elle acquiesça et, sa main toujours dans la sienne, traversa la foule sans ciller. Plus personne n'osait parler.

C'est ainsi que le premier ange déchu fit la rencontre de la première sorcière rouge. Et c'est ainsi que notre histoire débute. A l'aube des heures les plus sombres que la petite ville de South Park ait connues.

Toute cette histoire avait débuté un mardi matin. La petite ville de South Park était plongée dans un épais brouillard qui empêchait quiconque de voir à plus de trente centimètres. Mais cela n'empêchait en rien les habitants de suivre leur train-train quotidien. En réalité, ils étaient même habitués à tout ça.

Ce même matin, Kenneth McCormick, plus connu sous le diminutif de « Kenny » s'était réveillé en retard. Cela ne changeait pas vraiment des autres jours. Excepté le fait que la veille, il était mort. Percuté de plein fouet par un véhicule, il s'était vidé de son sang sur la chaussée, sous la pluie, juste devant la demeure des Stotch. Il se souvenait encore du froid l'envahissant, des cris stridents de Butters, de l'eau glacée coulant sur sa peau et du liquide rougeâtre et chaud se répandant tout autour de lui sur la chaussée. Il ressentait la douleur jusque dans ses os et chacun de ses poils s'hérissait bien droit.

– Bordel de merde... s'exclama-t-il en regardant autour de lui. Rien n'avait changé. Tout était pareil. Son coeur rata un battement. Est-ce qu'il était devenu un fantôme ? Non, sinon les meubles le traverserait, se convainc-il avant de se lever d'un bond et se rendit en courant dans la cuisine. Sa petite sœur, Karen, était attablée et grignotait sa tartine tout en lisant un magazine. Elle ne lui lança qu'un regard rapide en le voyant débarquer. Comme si tout cela était totalement normal.

– Karen ! Dis-moi ce qu'il s'est passé hier ! il faisait les cents pas devant elle.

– Tu crois vraiment que je sais ce que t'as fait de ta journée ? Je passe pas mon temps à t'espionner, tu sais. elle rabaissa les yeux sur sa lecture mais son frère se mit à hurler.

– Joue pas à ça avec moi Karen ! Réponds ! elle soupira et le regarda dans le blanc des yeux.

– Bah, t'es allé en cours et après t'as fumé de l'herbe avec Craig Tucker dans sa voiture je crois. Pis le soir t'es allé voir Butters Stotch. oui, il avait rendu visite à son ami. Ils avaient joué à la console et fait d'autres choses. Et en sortant de sa maison, en voulant courir pour rentrer chez lui, pour éviter la pluie, il était mort.

– Et ? Après ? la pressa-t-il. Elle devait forcément se souvenir !

– Bah rien. T'es rentré, on a dîné et t'es allé t'enfermer dans ta chambre. il la fixa, ébahit et perdu. Ne se rappelait-elle pas de sa mort ? Peut-être était-elle trop choquée encore ? Elle le niait parce que c'était trop dur pour elle ? Kenny se dit qu'il s'agissait sûrement de ça ou alors d'un cauchemar ? Il lâcha l'affaire et se prépara pour aller en cours. Il savait bien que tout cela n'était sûrement qu'un mauvais rêve mais... Tout lui semblait si réel ! Chaque détail lui revenait en mémoire. Il était sûr que c'était vraiment arrivé. D'une manière inexplicable, il le savait.

Il avait décidé de demander à Stan et Kyle s'ils s'en rappelaient. Et surtout, à Butters !

– Mort ? Un fantôme ? Mec, t'as fumé quoi ? Ça a l'air d'être de la bonne ! s'exclama Kyle, hilare, quand il lui posa la question. De son côté, Stan se contenta de secouer la tête en soupirant, signe qu'il ne croyait pas un seul mot de ce qu'il leur racontait. Alors Kenny grogna et laissa ses deux amis en plan. Il avait besoin d'une réponse. Il avait besoin de voir Butters. Hors, ce jour-là, il était absent. Intérieurement, il le maudit. Extérieurement, il hurla. Et c'est à ce moment-là qu'il la remarqua pour la première fois. Pas qu'il ne l'ai jamais vue traîner dans la cour ou passer dans les couloirs mais c'était la première fois qu'il la regardait vraiment. Un corps long et svelte, une peau pâle et des cheveux rouges assortis à ses lèvres. Elle possédait des tatouages sur les bras et traînait avec Craig. Elle s'appelait Rebecca. Et elle était vraiment belle. Dans le genre poupée de porcelaine. Leurs regards se croisèrent et elle maintint le sien sans sourciller. Un rictus naquit sur son visage tandis qu'elle continuait de discuter avec Craig. Finalement, tout en continuant de regarder le blond, elle se pencha en avant pour embrasser le noiraud. Et, de manière imperceptible, Kenneth sentit quelque chose de briser en lui.

Après cette journée qui tirait en longueur, il prit une décision : il irait voir Butters chez lui ! Tant pis s'il devait escalader le mur et rentrer par sa fenêtre pour avoir des réponses ! Ce ne serait de toute façon pas la première fois qu'il pratiquerait cet exercice, pensa-t-il alors qu'il approchait de chez son ami.

Il monta les marches du perron et sonna trois coups à la porte. Cette dernière s'ouvrit sur madame Stotch. Elle le toisa avec un regard mauvais et ne le laissa pas placer un seul mot.

– Butters est malade. Il ne peut recevoir personne. et avant même qu'il ne puisse répondre, elle lui claqua la porte au nez. Kenny grogna mais au lieu de s'en aller, fit simplement le tour de la maison. Il retira sa parka et la jeta dans l'herbe, se craqua les os et entreprit d'escalader la parois. Ce qui, en soit, n'était pas vraiment compliqué. Il s'agissait seulement d'un mètre ou deux, peut-être trois. Et il l'avait fait bon nombre de fois pour savoir quels endroits étaient assez fiables pour s'y agripper.

Au bout d'une quinzaine de minutes d'efforts, il parvient à toquer contre le carreau. Là, c'était plus compliqué. Il se tenait nonchalamment sur le rebord de la fenêtre, position qui, en plus d'être dérangeante, était quelque peu dangereuse. Il fallait donc que Butters se dépêche de venir lui ouvrir. Chose qui, bien évidemment, il ne fit pas. Alors Kenneth tambourina à la fenêtre. De plus en plus fort. Et finalement, il vit apparaître la tête soucieuse de son ami.

– Butters fais pas l'con, ouvre-moi ! mais au lieu de faire un geste si simple, l'autre secoua la tête.

– Butt— commença Kenny. Mais la surprise le fit taire. Le visage angélique de son ami disparaissait. Mais pas parce qu'il avait repoussé le rideau ou fermé les stores. Non. Parce qu'il tombait. Et avant même qu'il n'eût réalisé cela, son corps percuta le sol de plein fouet.

***

Quand il se réveilla dans son lit, le mercredi de cette semaine-là, Kenneth était en sueur. Ses yeux s'ouvrirent en grand tandis qu'il caressait sa nuque. Il avait mal au dos mais c'était tout. Et pourtant, il le savait très bien : il était à nouveau mort. En tombant, il s'était brisé la nuque dans le jardin de Butters.

– Qu'est-ce... il se pinça le bras, se donna une claque puissante et se renversa même un verre d'eau dessus mais rien n'y faisait ; tout était exactement pareil.

– Je dois vraiment être en plein cauchemar... maugréa-t-il. Avec toute la peine il se leva, s'habilla et se prépara. Il fit tomber sa brosse à dent dans l'évier, passa son t-shirt blanc à l'envers et ne prit même pas la peine de mettre deux chaussettes de la même couleur. Et quand il parvint à sortir de chez lui, à l'heure pour une fois, ce fut pour se retrouver nez-à-nez avec Rebecca.

De près, elle était encore plus belle. Ses yeux n'étaient pas complètement bleus mais plutôt gris.

– Kenneth, c'est ça ? sa voix était monotone mais douce. Il ne détacha pas son regard du sien.

– Mhmh, je préfère Kenny. Et toi c'est ? Rebecca ?

– La plupart des gens m'appellent Red, en fait. Mais Rebecca, ça joue aussi. Je préfère les noms complets.

– Et donc ? Tu m'veux quoi ? il tacha de prendre un ton pressant tandis qu'elle observait les ongles de sa main gauche tout en enroulant ses cheveux du bout des doigts de sa main droite.

– Tu es mort, n'est-ce pas ? Deux fois ? elle prononça ces mots sans lui décocher un regard. C'était sur un ton distant qui fit presque peur à l'adolescent.

– T'es au courant ? Comment tu sais ? Explique-toi !

– T-T-T. Pas ici. Trop d'oreilles indiscrètes. Rejoins-moi dans mon jardin après les cours. elle lui tendit un morceau de papier puis tourna les talons et s'en alla. Et Kenneth, bien que surprit, se dit que même ses fesses étaient jolies.

Toute la matinée, il était resté perdu dans ses pensées. Il se demandait si cette fille possédait réellement les réponses à ses questions et si elle pourrait l'aider. Il se demandait aussi ce que cela faisait de l'embrasser et de la toucher. Chaque fois que leurs regards se croisaient ou qu'ils se voyaient dans les couloirs, il se sentait comme envoûté. Il avait envie de la prendre dans ses bras et bien plus encore.

– Eh mec, tu viens fumer un truc avec nous après ? demanda Kyle Broflovski en le tirant de ses rêves.

– Mh ? Quand ?

– Ce soir ? Craig a refait le plein ! Et Stan se charge de l'alcool.

– Non, j'peux pas. J'suis occupé. un sourire malicieux prit place sur le visage du roux qui se pencha en avant pour être à la hauteur de son visage.

– Occupé ? Tirer un coup est plus important que de traîner avec tes potes ?

– Non, c'est pas c'que tu crois ! C'est Karen. Elle a besoin de moi à la maison. l'autre se releva et abdiqua; les désirs de la toute puissante Karen étaient bien plus précieux que tout ce qui occupait la vie de son ami, et ça il le savait bien.

– Bon bah, une autre fois alors ! On te gardera un joint si on y pense ! ajouta-t-il en lui faisant un clin d'œil. Mais Kenny n'y fit pas gaffe. Son esprit était retourné auprès de la belle et intrigante Rebecca.

L'heure du rendez-vous arriva plus vite que prévu et Kenny se rendit compte qu'il n'était pas prêt. Ses mains étaient moites et son cœur palpitait dans sa poitrine. Il relu plusieurs fois l'adresse notée sur le morceau de papier pour être sûr d'être au bon endroit puis, sans faire plus de cérémonie, contourna la maison et se rendit tout droit dans le jardin. Il y trouva Rebecca qui semblait parler dans le vide. Elle ne le vit pas arriver.

– Hey. lâcha-t-il tout en détaillant l'étrange spectacle. L'adolescente levait les bras devant elle et ses yeux étaient clos. Elle disait des choses qui n'avaient pas vraiment de sens du point de vue de Kenny. Autour d'elle, se trouvaient plusieurs grigris en tous genres. Des clochettes tintaient à chaque coup de vent. Et le sang du garçon se glaça quand il remarqua un corps, apparement sans vie, dans un coin, sous des feuilles mortes. Mais il ne put réagir car Rebecca se tut et se tourna dans sa direction à cet instant-là.

– C'est bien, tu es à l'heure. Quoiqu'un peu en avance... elle souriait mais il put facilement deviner qu'elle était embêtée.

– Bon, qu'est-ce que tu peux me dire ? demanda Kenny, après quelques secondes d'un intense silence.

– Tu n'en a donc aucune idée ?

– Si c'était le cas, j'te poserais pas la question. son ton se faisait agacé; il voulait des réponses. Il s'en fichait des devinettes de cette fille, aussi sublime soit elle.

– Ça fait deux fois que tu meurs en une semaine. Tu dois te poser des questions, n'est-ce pas le cas ? Et moi, j'ai les toutes les réponses. Absolument toutes.

– Okay donc, quel est le but de notre existence ?

– Ne te moque pas de moi. elle parla d'un ton sec et froid. Ce changement d'attitude surprit Kenneth.

– Pardon... il baissa le regard et se sentant étrangement coupable. Sentiment qu'il ne ressentait jamais habituellement.

– Ce n'est rien. elle lui sourit tendrement puis lui tendit un gros manuel.

– Aide-moi donc ! Et je répondrai.

– Tu veux que je t'aide à quoi ? pour toute réponse, elle désigna alors le cadavre sous les feuilles mortes.

– On va l'enterrer ? s'écria Kenny, bouleversé.

– Mais non, crétin. On va le ramener à la vie. et sur ces mots, un sourire apparu sur son doux visage et elle s'approcha du corps, armée de son grimoire.

Kenneth n'était pas sûr de bien avoir saisi les propos de l'adolescente. Réveiller un mort ? Ce n'était pas possible ! Non ! Enfin... Lui l'avait bien fait donc pourquoi elle n'en serait pas capable ?

– Comment tu veux t'y prendre ? Pourquoi il est mort ? C'est qui ?

– Il y a énormément de choses que tu ignores, Kenneth. Comme l'existence des sorcières, par exemple.

– Hein quoi ?

– Je t'expliquerai tout mais après. Je te l'ai déjà dit. Maintenant, tire-le de sous les feuilles et appuie-le en position assise contre le tronc s'il te plaît. il y avait quelque chose de si puissant et terrifiant dans le regard de la jeune fille que Kenny ne put refuser. Il se mit donc en position accroupie et épousseta les feuilles. C'était un homme de corpulence moyenne. Il devait avoir l'âge de ses parents. Quelque chose dans son visage, lui rappelait étrangement Rebecca.

– Ils ont le même nez... pensa-t-il en tirant avec peine le cadavre jusqu'au tronc. La puanteur qui en émanait lui provoqua plusieurs hauts-le-coeur qu'il contint avec peine. Mais il se dit que si vraiment, ils pouvaient le ressusciter, alors ce serait mieux qu'il devienne un miracle sans être rempli de vomi.

– Bon, et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? demanda l'adolescent en observant sa complice. Cette dernière s'était postée face au cadavre et feuilletait un gros grimoire. Kenny se surprit à penser à Harry Potter. Tout en se disant que même le sorcier aux lunettes rondes était bien moins sexy que la jeune fille qui l'accompagnait.

– Je ne suis pas sûre qu'il s'agisse de la bonne formule en fait.

– Quoi ? Comment ça ? s'inquiéta Kenneth.

– Écoute, c'est du latin et je n'ai jamais appris le latin. Je me suis servie de google traduction et... elle tapota du pied et referma son grimoire, gardant tout de même un doigt entre les pages.

– Et alors quoi ?

– Le latin est une langue complexe. finit-elle par dire en soufflant dans le vide. Le blond se gratta la nuque et leva les yeux vers le ciel. Beaucoup de sentiments contradictoires se bataillaient en lui sans même qu'il ne sache le pourquoi du comment. N'était-ce pas un mauvais rêve ? Se trouvait-il réellement dans le jardin d'une fille à qui il n'avait jamais parlé auparavant pour ressusciter un mort ? En parlant de mort d'ailleurs, de qui s'agissait-il ? Le père de Rebecca ?

– Ah ! C'est bon ! Allons-y ! s'exclama au même instant cette dernière, le sortant de ses pensées. Elle attrapa Kenny par le bras et le posta a quelques centimètres à peine du cadavre. Ensuite elle se mit à son tour dans la lignée qu'ils formaient.

– Okay, ferme les yeux, Kenneth.

– Pourquoi ?

– Ferme-les. Et ne les ouvre pas jusqu'à ce que je t'en donne la permission. Compris ? il accepta en râlant et baissa ses paupières. Une excitation palpable se dit sentir en lui et pour une fois, elle ne se situait pas au niveau de son entrejambe. Non. Son coeur battait la chamade et ses mains tremblaient imperceptiblement. Et alors qu'il patientait, un grand vide se fit. Il n'entendait plus rien et avait l'impression que ses pieds ne touchaient plus terre mais il s'interdit d'ouvrir les yeux. Il voulait gagner la confiance de cette fille. Il voulait l'aider. Il voulait qu'elle l'aime. Alors il ferma ses yeux encore plus forts. Il serra les poings et se mordit la lèvre inférieure. Et, pendant un temps qui lui sembla durer une éternité, il fut seul. Privé de tout. Il ne lui restait plus que lui-même. Et son coeur qui battait fort.

La première chose que Kenneth retrouva, ce fut son odorat. Son nez se plissa devant la puanteur terrible qui flottait dans l'air. Ses sensations revinrent lentement, d'abord dans la plante des pieds puis enfin jusqu'à sa tête. Mais tout restait terriblement silencieux. Un goût âcre prit alors possession de sa bouche et de sa gorge. Comme si l'on versait un liquide nauséabonde dans sa trachée. Il se redressa subitement et se mit à vomir. Il ne pouvait s'en empêcher. Et à chaque fois qu'il parvenait à se contrôler, l'odeur devenait plus violente. C'était insupportable. Son estomac le brûlait. Il ne se demanda pas combien de temps cela dura. Mais quand il parvint à enfin se calmer, il était toujours prisonnier du silence et de ses paupières closes. Il voulu tâter ce qui se trouvait autour de lui mais il avait trop peur de mettre ses mains dans son vomi. Alors il essaya de se relever et d'appeler Rebecca. Mais, sa voix lui parut déformée et lointaine. Avait-il réellement perdu l'ouïe ? L'excitation qui l'habitait auparavant céda à la panique. Il plaqua ses mains sur ses oreilles et se mit à hurler. Kenneth cria jusqu'à ce que gorge le brûle. Des larmes dévalaient ses joues.

Il finit par se recroqueviller sur lui-même. Et, quand il eut terminé, il sentit des mains sur lui. Elles étaient délicates, tendres. Elles caressèrent ses cheveux puis encadrèrent son visage. D'abord, il se sentit en sécurité. Mais l'idée que ces gestes si doux puissent être ceux d'une personne néfaste germa dans son esprit. Alors il la repoussa violemment et recula. Sa main gauche rencontra les restes de ses dégobillages mais il n'y fit pas attention. Il prit appui sur sa main droite et se releva. Il voulu courir mais il n'avait aucun moyen de se repérer dans l'espace. Rien qu'être debout lui semblait une affaire compliquée. Mais alors qu'il tentait de chercher une solution, des millions de sons percutèrent ses oreilles. Des croassements de corbeaux au dessus de lui, le passage de voitures dans la rue, des enfants jouant au ballon, un avion dans le ciel et par dessus tout, la voix de Rebecca.

– Mais t'es pas bien ? T'es vraiment trop con Kenneth McCormick ! Pourquoi t'as fait ça ? Qu'est-ce que... ses jérémiades furent interrompues par des bruits de luttes. L'inquiétude serra la gorge du blond.

– Rebecca ! Je peux ouvrir les yeux ? son cri sonnait comme une plainte. Mais il ne reçut pas de réponse. Il entendait toujours des petits sons significatifs d'une bagarre mais rien de plus. Il serra les poings et décolla ses paupières.

La seule chose qu'il perçut fut une lumière aveuglante. Il crut d'abord qu'il s'agissait du soleil mais quelque chose en lui le convainquit que ce n'était pas le cas. Il cligna des yeux mais rien ne changeait. Il voulu appeler Rebecca mais aucun son ne sortit de sa gorge. De rage, il frappa l'espace devant lui, donnant des coups de poings rageurs dans les airs. Et subitement, il perdit l'équilibre et tomba. Tout allait vite autour de lui. En dessous, s'étendait la ville de South Park. Et au dessus, rien que l'infinie du ciel rempli de nuages.

– C'était donc ça. lâcha-t-il simplement comme si tomber du ciel était une chose habituelle pour lui. Kenneth referma simplement ses paupières et attendit la chute. Il se dit que c'était une étrange semaine. « Mourir trois fois, ça va donc être ça mon quotidien désormais ? » Se demanda-t-il en ricanant.

Et quand il percuta le sol de plein fouet, que la douleur terrible lui tordit la nuque et que son coeur s'arrêta de battre, il essaya de comprendre comment tout cela était arrivé.

De son côté, Rebecca n'était pas plus avancée que lui non plus. Tout ce qu'elle avait fait, c'était de prononcer la formule. Bien évidemment, Kenneth ne se trouvait pas là par hasard. Elle en avait besoin comme d'une loupe ; utiliser une partie de son immortalité pour rendre la vitalité d'un autre être.

Tout était censé bien se dérouler, elle en était persuadée ! Pourtant, le blond avait été propulsé violemment contre l'arbre et le corps de son père ne s'était pas relevé. Il avait fondu. Devant ses yeux.

Elle ne savait pas ce qu'il se passait. Elle ne comprenait rien. Elle appelait Kenneth, le suppliait de se réveiller mais l'adolescent restait inerte. Elle avait couru à l'intérieur pour farfouiller dans ses potions et quand elle était revenue, le blond était à quatre pattes au milieu de la pelouse, dégobillant puis hurlant. Elle s'était dépêchée de le rejoindre mais alors qu'elle lui caressait affectueusement la tête pour le rassurer, il l'avait brutalement repoussée. Ses paupières fermées, il semblait totalement paniqué. Rebecca le regardait, complètement décontenancée. Elle l'appelait, lui disait que tout allait bien mais quelque chose semblait clocher. En effet : ses yeux restaient clos et il ne réagissait à aucune de ses paroles.

C'est alors que, du vomi de Kenneth, s'échappa quelque chose. Une marre visqueuse et sombre qui s'évapora bien vite dans les airs. Et un frisson parcouru tout le corps de la jeune fille. Elle se demandait si il s'agissait bien de ce qu'elle croyait quand quelqu'un l'attrapa par derrière. Une main se plaqua sur sa bouche et une autre la ceintura à la taille. Elle mordit son assaillant et lui décocha un coup de pied rageur. Parvenant à s'en échapper, elle lui fit face et son coeur s'arrêta ; face à elle se tenait une pâle copie de son père. Il s'agissait de lui, aucun doute là-dessus, mais son corps partait en lambeau. Et elle comprit l'erreur qu'elle avait faite. Elle comprit que google traduction n'était pas une source fiable pour traduire une formule permettant de faire revenir les morts à la vie. Non. Tout ce qu'elle avait fait c'était de faire renaître son père dans le corps de Kenneth. Ce dernier, bien évidemment, n'était pas assez fort pour supporter ça et le choc lui avait fait momentanément perdre tous ses sens. La seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher était la promesse de ne surtout pas ouvrir ses paupières.

Alors que Rebecca se battait avec son père qui, malgré son apparence, possédait toujours la force de dix hommes, Kenneth quant à lui retrouva l'usage de son ouïe et, de ce fait, de sa voix.

– Rebecca ! Je peux ouvrir les yeux ? supplia-t-il mais la jeune sorcière était dans l'incapacité totale de lui répondre, coincée sous la masse impressionnante de l'homme qui l'avait élevée. Elle se débattait toujours quand une lumière aveuglante envahit l'espace. D'un seul coup, son père disparu et Kenneth avec lui. Elle se retrouva seule, au milieu de son jardin. Il y avait du sang et du vomi partout. Stupéfaite, elle resta assise sans réagir durant de longues minutes avant de se lever. Elle ramassa son grimoire et les fioles qu'elle avait sortit de la maison. Puis elle décida qu'il s'agissait du moment idéal pour ratisser les feuilles mortes. Ce fut le moment que choisit Craig Tucker, son petit ami, pour faire son entrée en scène. Ce fut aussi le moment où Kenneth, plus affectueusement surnommé « Kenny », McCormick tomba du ciel.

Et ce fut la vue du blond, complètement nu, se fracassant la nuque contre le toit de sa maison qui réveilla Rebecca le lendemain matin. Elle eut alors la conviction, au plus profond d'elle, qu'il était le garçon dont elle avait besoin. Celui qu'elle cherchait depuis toujours.


– Et donc... Je suis encore mort. Hier ? l'interrogea Kenneth en s'installant en tailleur sur son lit.

– Exactement. répondit Rebecca en se grattant le crâne.

– Et comment ça se fait que je ne m'en rappelle pas alors ?

– Mhhh j'ai quelques hypothèses là-dessus !

Dès qu'elle s'était réveillée, Rebecca avait couru jusqu'à la bicoque qui servait de maison aux McCormick. Elle avait tambouriné à la porte pendant cinq bonne minutes avant que quelqu'un ne vienne lui ouvrir. C'était une fille rousse, à peine plus petite qu'elle.

– Kenny ! Y'a ta copine qui est là ! s'exclama-t-elle alors avant de tourner les talons sans laisser à Red le temps de lui expliquer qu'elle n'était pas sa petite amie. Le blond déboula quelques secondes plus tard, seulement vêtu d'un caleçon rouge et d'un t-shirt blanc.

– Rebecca, seigneur dieu ! Il faut qu'on parle ! et sans plus de concessions, il l'attrapa par la manche et l'emmena dans sa chambre. C'était une petite pièce mal rangée. Le sol était jonché de vêtements sales et de canettes de bières. Il y avait aussi quantité de sachets louches et autres ustensiles utiles à la débauche. Mais Rebecca était bien trop préoccupée par les événements de la veille pour s'y attarder. Ce fut donc, sans attendre plus longtemps, qu'elle raconta la prophétie à son nouveau camarade.

– Il y a bien longtemps, notre ville était une véritable mine d'or pour les sorciers et les démons. Ils se nourrissaient de la puissance magique particulièrement forte des âmes perdues qui étaient mortes là. Une grande sorcière gouvernait sur eux tous. Elle était la reine du sabbat, elle était la Sorcière Rouge. A ses côtés se tenaient un ange déchu et un fantôme. Tous trois étaient craints par la communauté. Les démons, les sorcières, les créatures magiques et tous les autres se pliaient à leurs ordres. Mais un jour, à cause d'une mutinerie de la part de leurs plus proches acolytes, les trois grands seigneurs tombèrent de haut. Mais, avant ça, tous trois eurent le temps de laisser une flopée d'héritier à notre terre. Et... Nous voilà, toi et moi ! expliqua Rebecca avec une excitation non-contenue. Ses yeux brillaient et, malgré le fait qu'elle fut assise, elle ne pouvait s'empêcher de sautiller sur place, attendant la réaction de l'autre.

– Quoi ? fut le seul mot que celui-ci fut capable de prononcer.

– Je suis la descendante directe de la grande Sorcière Rouge et toi, Kenneth, tu es un ange déchu.

– Qu'est-ce que c'est qu'un ange déchu ? demanda l'adolescent qui semblait totalement perdu.

– Tu es incorrigible. elle rigola tout en soupirant avant de replacer correctement ses cheveux et de tirer un peu sur son t-shirt.

– Tu vas te moquer de moi encore longtemps ou m'expliquer ?

– Un ange, tu sais ce que c'est ?

– Je suis pas si débile quand même. grogna-t-il.

– Un ange déchu est une sorte de serviteur de Satan — ou de n'importe quel autre dieu démoniaque en réalité. Mais, au contraire des démons, il reste encore une part d'humanité en eux. Ils arrivent à vivre durant des années sans que leur part d'ombre ne s'éveille ou qu'ils ne soient dérangés par cette aspect. Et ils sont immortels. il la fixa sans savoir quoi dire. Il était choqué. Lui, un serviteur de Satan ? Vraiment ? Kenny n'osait le croire. Il en était incapable.

– Comment est-ce que ça a pu arriver ?

– Oh, il n'y a pas des millions de façons de devenir un ange déchu tu sais ? Bon. Soit l'un de tes ancêtres direct en est devenu un en vendant son âme au diable. Soit tes parents ont pratiqué un rituel satanique. Ou alors... Tu l'as désiré et cela a réveillé ta part d'ombre.

– Je l'aurais voulu ? Mais ! Non ! C'est impossible !

– En es-tu bien certain ? elle arqua les sourcils et croisa les bras, provoquant un doute chez Kenny. Était-ce vrai ? N'avait-il vraiment jamais voulu vivre éternellement ? Il n'était qu'un ado après tout ! Bien sûr qu'il l'avait désiré ! A chaque fois qu'il passait un bon moment à vrai dire. Quand il buvait à outrance avec Stan et Kyle. Quand il couchait avec une fille. Quand il faisait la fête. Ou même encore quand il était avec Butters. Dans ces moments-là, il se sentait invincible. Éternel dans sa luxure et dieu qu'il aimait ça.

– Bordel... lâcha-t-il, une fois sa réflexion terminée.

– Enfin, tu commences à comprendre ! Bravo ! elle ricana et il lui lança un regard mauvais.

– Mais...

– Mais ?

– Si ce n'est que ça alors la plupart des ados de cette ville seraient eux aussi des ange déchus !

– Sauf que toi tu as un truc en plus, Kenneth. elle ponctua sa phrase en posant son index sur le nez du pauvre garçon.

– Ah bon ?

– L'ange déchu qui accompagnait la grande Sorcière jadis s'appelait "McCormick". Il avait vendu son âme à Satan pour pouvoir rester à ses côtés pour l'éternité. expliqua-t-elle, ce qui laissa Kenneth un brin perplexe.

– Alors...

– Oui. C'était ton destin en quelques sortes.

– Mais je n'en veux pas moi ! s'offusqua-t-il en se levant de son lit où il s'était assis.

– C'est trop tard maintenant, Kenneth.

– Tu as dit que les trois avaient été tués ! Il doit bien avoir une fin à l'immortalité alors, non ?

– Une sorcière faisant dans la magie blanche ou un vrai ange. Ce sont tes seules options mais je doute...

– Butters ! C'est un vrai ange ! J'en suis persuadé ! dans sa tête, il vit apparaître le visage parfait du petit blondinet. Il se dit d'ailleurs qu'il devrait aller le voir pour lui demander ce qu'il se passait.

– Quoi ? Pas du tout. elle déclara cela d'un petit ton sec qui ne plût pas à Kenneth.

– Mais c'est la personne la plus gentille et la plus adorable que je connaisse !

– Avoir une gueule d'ange et être naïf ne signifie pas qu'il en est un. Par contre, je connais une personne qui pourrait faire l'affaire !

– Qui ça ?

– Bebe.

– Un ange ? Elle ? Je refuse d'y croire. il secoua la tête, un rictus collé aux lèvres tout en se rasseyant sur son matelas.

– Non, elle est loin d'être un ange mais c'est une sorcière adepte de magie blanche. C'est une bonne sorcière.

– Ah ça pour être bonne, elle est bonne...

– Kenneth.

– Pardon.

– Reprenons. Tu as donc le choix entre Bebe ou Tweek.

– Qu'est-ce que Tweek vient faire dans toute cette histoire ?

– Lui, c'est un ange. Un vrai. même si elle le disait d'une manière gentille, Kenny discerna une certaine réserve sous ses paroles.

– Je n'y crois pas un mot.

– Pourquoi ? Il est adorable et j'ai des preuves.

– Il est amoureux de ton petit copain. s'exclama-t-il comme s'il s'agissait d'une évidence.

– Et alors ? Butters est bien amoureux de toi, je me trompe ? le blond grogna en baissant les yeux.

– C'est pas pareil.

– Bien sûr que si !

– Absolument pas !

– Bon. Stop. En tout cas, sache que si tu veux pouvoir mourir un jour, il faut que l'un des deux te tue, boive une quantité astronomique de ton sang ou tombe passionnément amoureux de toi. S'il s'agissait de moi, je prendrais la mort. C'est beaucoup plus facile.

– Aucun des deux serait capable de me tuer. Je les connais. Ils ne feraient pas de mal à une mouche. Enfin, Tweek en tout cas...

– Tu n'as pas tort. Mais bon, ne compte pas sur moi pour t'aider à mourir ! J'ai besoin de toi, vivant.

– Comment ça ? Pourquoi est-ce que tu aurais besoin de moi ?

– Pour reprendre le contrôle des morts.

– Quoi ? cette fois, elle l'avait vraiment perdu.

– Les âmes qui dorment dans cette ville, elles sont en plein éveil. Et si on ne les contrôle pas, elles vont sûrement tout détruire. J'ai besoin d'un ange déchu, donc toi, et d'un fantôme. Je suis trop inexpérimentée pour parvenir à les contrôler seule !

– Je refuse. dit-il catégoriquement.

– Tu es incroyablement égoïste. Je ne pensais pas ça de toi, Kenneth.

– Non. Je ne veux pas le faire parce que... Je ne comprend même pas comment je me suis retrouvé lié à tout ça alors je peux encore moins t'aider à contrôler je-ne-sais-quoi !

– Mais... Je cherche un ange déchu depuis tellement longtemps ! Tu ne peux pas me laisser comme ça !

– Je suis pas sûr d'y arriver...

– Mais c'est pas grave ! On apprendra !

– Et pour le fantôme alors ?

– Je... Je ne l'ai pas encore trouvé...

– Comment est-ce qu'on est censés trouver un fantôme déjà ?

– A vrai dire... Aucun de mes grimoires n'en parle...

– C'est con ça.

– Oui...

– On est mal partis alors.

– Attends... Ça veut dire que tu acceptes ?

– Si ce n'est pas le cas, je suppose que tu vas me jeter des sorts et me tuer à répétition donc... elle lui lança un large sourire avant de le serrer dans ses bras.

– Merci Kenneth ! Merci beaucoup ! le garçon rigola avant de passer ses bras autour du corps de sa nouvelle amie.

Kenny avait décidé de ne pas aller en cours, de toute manière il était déjà en retard à cause de Rebecca. Alors il se rendit chez Butters. D'une part pour avoir des réponses, de l'autre parce qu'il lui manquait. Sur le chemin, il tenta tout de même de recomposer les morceaux de la veille qui flottaient dans son cerveau mais tout restait étrangement flou. Il se rappelait du corps sous les feuilles, d'avoir fermé les yeux puis d'être tombé de très haut et de s'être brisé la nuque. Et le problème n'était pas d'être encore mort, il résidait dans le fait qu'il ne savait pas pourquoi. Un accident de voiture : oui, ça arrive. Tomber d'une fenêtre : plus rare mais plausible. Mais chuter de si haut qu'on en atterrit sur un toit ? Personne n'a jamais vu ça ! Il soupira puis se reprit ; il venait d'arriver devant la maison de Butters.

Il sonna trois petits coups brefs et deux plus longs, c'était leur signal. Quelques secondes plus tard, la petite touffe blonde apparut devant lui. L'odeur qui envahit ses narines quand la porte s'ouvrit lui donna chaud au cœur. Mélangeant senteurs de gâteaux en pleine cuisson et celle des fleurs en pleine explosion, elle lui rappelait de bons moments. Tant de bons moments.

– Kenny ? Qu'est-ce que tu fais ici ? s'inquiéta Butters en baissant instantanément les yeux sur ses mains.

– Mhhh, je crois que tu me manquais... lâcha le concerné en tentant de prendre son ton le plus nonchalant possible. Il ne pouvait se permettre de sauter au cou de l'autre et de l'embrasser à chaque fois qu'il se voyaient. Cela faisait partie des règles qu'il s'était fixé.

– Mais... Ma mère est là...

– Sortons alors ?

– Je... Je suis privé de sortie.

– Qu'est-ce que Leopold a encore fait ? rigola le plus grand en caressant affectueusement les cheveux de son vis-à-vis. Mais ce dernier repoussa vivement sa main et fit un pas en arrière.

– Écoute, Kenny. Ma mère trouve que tu as une mauvaise influence sur moi.

– Et toi aussi ? Tu le penses ? il tenta de ne pas paraître peiné quand Butters hocha timidement de la tête.

– Mais ! Mais ! Ce n'est pas si mauvais ! Le problème c'est... Quand je suis avec toi... J'oublie presque qui je suis, tu comprends ? Je ne suis que Butters Stotch. Alors que quand on est ensemble... Je me sens comme le roi du monde... il rougit jusqu'aux oreilles et tortille ses doigts, n'osant pas lever le regard jusqu'à Kenny. Ce dernier, soulagé, posa délicatement ses mains de chaque côté du visage du blondinet et embrassa tout aussi doucement son front puis la cicatrice surplombant son œil gauche. Vif souvenir d'une enfance dépassée depuis bien trop longtemps.

– Eh, Butters. Ce n'est pas qu'une impression. Tu es le roi du monde. Et je fracasserai la gueule à quiconque osera te faire croire le contraire. Sauf à ta mère parce que, avouons-le, elle est flippante. chuchotant ces mots à l'oreille de son petit ami, le coeur de l'immortel lui rappela l'une des raisons pour lesquelles il était venu lui rendre visite.

– Bon et sinon, Leopold, si je venais toquer à ta fenêtre, que je te suppliais de m'ouvrir, est-ce que tu me laisserais en plan ?

– Quoi ? Non ! Jamais ! s'excita alors le concerné en en faisant de grands gestes. Et Kenneth su alors qu'il l'aimait vraiment beaucoup trop.

Comme chaque vendredi soir, il y avait une fête organisée chez Clyde Donovan. Et comme chaque vendredi soir, Kenneth avait décidé d'y aller. Seul. Étant donné que Butters était puni, que Stan et Kyle se faisaient un bowling — sérieusement quel ado normal de dix-sept ans jouait encore au bowling le vendredi soir ? aucun ! — et qu'il n'avait pas vraiment d'autre ami proche. Il s'était dit qu'il rejoindrai la bande à Craig Tucker et pourrait sûrement se trouver une jolie fille avec qui aller dans une chambre. C'était, en général, de cette façon que se déroulaient ses vendredis soirs à South Park.

L'été se rapprochant à grands pas, le temps se faisait plus clément. Kenneth ne mit donc pas son anorak orange mais seulement un t-shirt blanc. C'était son « piège à minette » comme il aimait l'appeler. À chaque fois qu'une fille le voyait là-dedans, elle devenait folle. Et il aimait ça. Il aimait le contact de sa peau contre la leur. La sueur. La chaleur. Le bonheur intense. Rien de tout cela n'était comparable à ce qu'il ressentait quand il se trouvait en compagnie de Butters, bien évidemment, mais cela restait tout de même grandement appréciable.

– Hey Kenny ! piailla Bebe en le voyant entrer dans la maison de Clyde. Elle sauta à son cou et, en guise de salut, l'embrassa à pleine bouche. Kenneth répondit à son baiser, laissant ses mains se balader.

– T'es déjà bourrée ? demanda le blond en ricanant avant de lui tapoter le crâne et d'aller se chercher à boire. Il attrapa une bière sur la table bancale qui trônait au milieu du salon puis alla se poser dans le jardin. Il jaugea le niveau des filles présentes à la soirée, reluquant à outrance leurs formes. Mentalement, il tenait un petit carnet sur lequel tout était marqué. Sirotant sa boisson, Kenny cherchait laquelle avec qui il allait finir sa nuit. Ou la commencer. Cela dépendait de sa motivation et de son envie. De toute façon, les filles, elles, s'en fichaient de son classement. Elles ne savaient sûrement même pas qu'elles n'étaient pas les seules à toucher son corps chaque soir. Et même si elles avaient été au courant, cela n'aurait rien changé pour lui. Il aimait la sensation de sentir leurs peaux s'entrechoquer mais c'était tout. Kenny n'aimait pas penser à leur sentiments. Une fille, dès qu'on y pense, on commence à trop l'apprécier. Et quand on l'apprécie trop, on finit par être prisonnier de ses propres sentiments. Et ça, c'était la signification de la fin du plaisir. L'amour, tout ça, ça gâchait toujours tout. De toute manière, il n'avait pas besoin de filles pour aimer. Il avait déjà Butters et ça lui suffisait amplement.

– Alors McCormick, on traîne tout seul ? une tête brune se tenait juste au dessus de lui. Il releva son visage et se retrouva face à Clyde qui affichait un petit rictus. Kenny se leva et lui sourit. Il le dépassait d'une bonne tête. Les deux seules choses qui étaient plus grandes chez Clyde Donovan que chez lui étaient son égo et ce qui se trouvait entre ses jambes. Sinon, Kenny le surpassait en tout.

– Salut. Ouais, mes potes m'ont lâché pour aller faire un bowling.

– Un bowling ? Quels tocards. répondit simplement le brun avant de rire et de lui tendre une autre bière.

– Passe une bonne soirée, McCormick ! s'exclama Clyde tout en s'éloignant vers Bebe. Le blond secoua la tête en voyant le pauvre adolescent se prendre un vent monumental. Cette fille pouvait vraiment être une peste.

La soirée avait bien avancé. Une brune s'était collée contre lui dans les toilettes tandis qu'une jolie rousse lui tenait compagnie dans une chambre à l'étage. Il avait abandonné les bières pour des cocktails plus forts du genre de ceux qui nous font oublier les meilleurs moments. Mais même avec tout ça, Kenny ne pouvait s'empêcher de penser à ce que lui avait dit Rebecca plus tôt dans la journée. Il aimait bien l'idée d'être immortel. Et même s'il s'était engagé à l'aider, cela ne l'empêchait pas de se sentir invulnérable.

Il lança un regard vague à la rouquine qui finissait son affaire et, l'espace d'un instant, il cru percevoir les longs cheveux rouges de la sorcière. Ses paupières se fermèrent d'un coup et il ne sut si c'était dû au plaisir ou à cette envie de garder plus longtemps cette image en tête.

En même temps, elle était la petite copine de Craig Tucker et même si elle se trouvait être l'une des plus belles filles de cette ville, c'était une chasse gardée. Pas le droit d'y toucher.

Se rhabillant, Kenny se demanda si Craig savait que sa petite amie était une sorcière. Ou alors lui aussi se trouvait dans la confidence ? Peut-être qu'il était un sorcier ou un ange. Il ne put s'empêcher de rire en imaginant le noiraud coiffé d'un chapeau pointu.

– Pourquoi tu rigoles, bébé ? Je n'ai pas été à la hauteur ? la rousse le regardais depuis en bas. Il l'avait complètement zappée la pauvre.

– Oh non pas du tout, t'as été excellente. Appelle-moi si tu t'ennuies ! il lui caressa délicatement l'épaule avant de quitter la pièce. Kenny aimait peut-être un peu trop les rapports charnels mais il avait pour règle d'or de toujours faire ressentir autant de plaisir à ses partenaires qu'elles le lui en procurait. Il se disait que ça les consolerait un peu. Durant l'espace d'un pur moment, chacune d'entre elle se sentirait importante.

Après ce charmant interlude, le blond décida de rentrer chez lui. Il était assez alcoolisé à son goût et il avait passé une bonne soirée. Son vendredi était gagné, désormais il pourrait dormir en paix.

C'est ce qu'il pensait jusqu'à ce qu'il tombe sur Craig en quittant la soirée. Comme d'habitude, il était épaulé de Token Black et Tweek Tweak.

– Salut Tucker.

– Alors McCormick, ma copine te plait ?

– Quoi ? le noiraud lui lança un regard méchant et esquissa un geste avant sa main. Spontanément, Token sauta sur Kenny et le ceintura pour l'empêcher de bouger.

– T'approches pas de Rebecca. C'est clair ? Craig se trouvait tout près de lui, juste à côté de son oreille. Sa main enserrait sa gorge, ses doigts appuyants sur sa jugulaire. Kenny ne put rien faire d'autre que de le fusiller du regard. Ils le lâchèrent avant de s'en aller sans lui adresser un dernier coup incendiaire.

– C'est elle qui me court après, espèce de con. susurra l'ange en grognant avant de se dépêcher de partir.

Habituellement, il appréciait la compagnie de Craig mais depuis qu'il s'était mit en couple avec Rebecca, il le trouvait facilement irritable. Kenny ricana en se disant qu'elle avait dû lui jeter un sort. En faire son petit chien de garde anti-mecs lourds. C'était sûrement ça, oui. Craig Tucker n'était plus désormais que le golem de la sorcière rouge. Une poupée de chiffon entre les doigts fins de cette beauté étherique. Il l'imaginait facilement glisser des aiguilles sur sa peau quand il lui désobéissait. Le doberman se retrouvait chiot face à cette femme tyrannique qu'elle était en réalité.

Le blond ferma ses paupières et l'image qu'il avait eue auparavant lui revint en mémoire. Ses courbes semblaient onduler telle les flammes d'un feu puissant. Un brasier de désir envahit sa poitrine et Kenny soupira d'aise. Elle le rendait fou. C'était étrange. Trop même. Lui aussi, elle avait dû l'ensorceler.

En parlant de la sorcière, elle avait passé la soirée dans sa chambre à tester des potions et faire des recherches. Elle avait besoin de ce fantôme pour que son plan puisse être accompli mais comment trouver un fantôme quand on ne sait pas si on peut le voir ? Aussi, l'histoire de ses ancêtres ne disait pas s'il s'agissait plus d'un fantôme, d'une simple apparition ou alors d'un poltergeist. Et cela avait le don de la rendre folle. Elle avait passé déjà tant de temps à trouver cet ange déchu ! Elle ne pouvait pas se permettre d'encore perdre du temps comme ça. Tout s'emballait. Elle devait mettre la main sur ce fantôme au plus vite.

– La personnification d'un fantôme hein ? elle lisait son grimoire à voix haute. Bien évidemment, rien dans ses bouquins ne permettait de faire la différence entre les multiples types de visiteurs. Par contre, elle venait de mettre le doigt sur quelque chose d'assez intéressant.

– Une peau pâle, des yeux sombres, de larges cernes, des cheveux ternes, une démarche lente presque flottante. énuméra-t-elle lentement avant de rire ; cette description ressemblait parfaitement à Craig.

– Oh mon dieu, Craig ! elle se leva d'un seul coup et dévala l'escalier pour se rendre au rez-de-chaussée. Elle devait vérifier si cela pouvait être possible. Une simple goutte de sang suffirait, c'était ce que disait le grimoire ! Le sang d'un fantôme se trouvait être très froid en réalité. Logique vu qu'il n'avait plus besoin de circuler.

La jeune fille se dépêcha d'enfiler ses chaussures et se mit à courir dans la nuit fraîche. Elle savait qu'il se trouvait à la fête donnée par Clyde comme tous les vendredis soirs.

Quand elle arriva, tout le monde était déjà saoul et rares restaient les personnes encore debout. Clyde Donovan était réputé pour ses cocktails explosifs capables de mettre k.o. n'importe quel buveur émérite. Et ce soir encore, il l'avait prouvé.

Bien sûr, Craig connaissait tout ça et elle le débusqua dans le salon. Il rigolait avec Tweek sur l'un des canapés.

– Tucker ! elle cria en sautant sur lui, sa seringue prête à l'usage. Le noiraud fut surpris, ne comprenant pas ce qu'il se passait et il hurla quand elle enfonça sans crier gare l'aiguille dans son bras.

– Mais t'es pas bien ? Qu'est-ce que tu fous, Red ?

– Rien bébé, juste un me procédure d'usage. elle lui sourit et l'embrassa langoureusement tout en tirant sur sa seringue. Elle s'était dit que prélever son sang pourrait lui être bénéfique si il s'agissait réellement d'un fantôme.

Craig profita du fait qu'elle était à califourchon sur lui pour passer sa main libre sur sa hanche et approfondir leur baiser. Après tout, il se fichait d'avoir une seringue plantée dans le bras si elle appartenait à une fille si jolie. Sa paume continua sa course pour se poser sur ma poche arrière du short de sa petite amie. Clyde siffla en entrant dans la pièce mais Rebecca n'y fit pas attention. Elle s'était éloignée des lèvres du noiraud et terminait son expérience. Ou la première partie du moins. Désormais, elle devait rentrer chez elle pour analyser l'échantillon.

– Merci Tucker t'es vraiment le meilleur ! s'exclama-t-elle en se relevant. Elle l'embrassa une dernière fois avant de s'éloigner à grandes enjambées. Les chuchotements amusés de Clyde volèrent jusqu'à ses oreilles mais elle s'en fichait. Rien ne pouvait l'atteindre. Jamais. C'était une sorcière après tout.

Rebecca se hâta de rentrer chez elle et d'identifier les composants de son échantillon. Elle ne put s'empêcher de lâcher un petit couinement d'excitation quand elle se rendit compte que le sang contenu dans sa seringue était toujours identique à ce qu'elle avait prélevé sur Craig. Cela signifiait que c'était bien du sang de fantôme, un sang qui ne coagule pas, qui reste froid. Qui n'a plus besoin de circuler dans les veines de son propriétaire. Mais son sourire disparut quand elle comprit ce que cela signifiait.

– Craig est... mort ? Mais.. quand est-ce que ça a bien pu arriver ? cela faisait deux ans qu'elle sortait avec un fantôme et elle ne s'en était jamais rendu compte auparavant. La jeune fille fut prise d'un haut-le-cœur. Elle courut aux toilettes et soupira, penchée par dessus la cuvette.

– Ce n'est pas comme s'il était un zombie. Sa chair n'est pas flétrie, il ne pue pas, il n'est pas en pleine décomposition... elle tenta de se convaincre mais des tonnes d'images affreuses de Craig lui venaient en tête. Il était mort et elle ne l'avait même pas vu, quel genre de petite amie était-elle ? Sa joie d'avoir trouvé son fantôme fut de courte durée. Dépitée, elle sortit son téléphone portable et composa le numéro de Kenny. Elle devait tout de même l'informer qu'elle l'avait trouvé. Le fantôme.

Kenneth venait à peine de rentrer dans sa chambre quand son portable se mit à sonner. Ses paupières étaient alourdies par la fatigue et l'alcool mais il prit tout de même la peine de répondre quand il vit le nom qui s'affichait sur l'écran.

– Rebecca, que me vaux ce plaisir ? demanda-t-il en se laissant tomber lourdement sur son lit. Il n'avait même pas prit la peine de se déchausser ou d'enlever ses vêtements.

– Je l'ai trouvé !

– Qui ça ?

– Notre fantôme ! elle avait des étoiles dans la voix, cela fit sourire le blond malgré l'info étrange qu'elle venait de lui transmettre.

– Alors c'est qui ?

– Craig ! il ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux et de se redresser.

– Attends, attends. C'est quoi ce bordel ?

– Viens chez moi, Kenneth. Ce serait trop long à t'expliquer par téléphone ! et sans lui laisser plus de temps, la jeune fille lui raccrocha au nez. Kenny considéra quelques instants son téléphone avant de se relaisser tomber sur le matelas. Alors Craig Tucker serait un fantôme ? Mais cela voulait dire qu'il était... Mort ? L'adolescent frissonna à cette pensée. Mais s'il avait été capable de revenir d'entre les morts alors tout lui semblait possible désormais.

Finalement, malgré la fatigue qui pesait sur tout son corps, Kenneth s'était rendu chez Rebecca. Il se rappelait mal de la dernière fois. Juste du jardin. Il sonna à la porte et, à peine trois secondes, plus tard montre en main, la jolie rouquine vont lui ouvrir. Ou plutôt, lui sauta dessus. Au sens littéral du terme.

– Eh ! Qu'est-ce que... il s'apprêtait à lui dire de ne pas s'accrocher à lui de la sorte mais les larmes qui dévalaient ses joues le stoppèrent. Ses yeux étaient rouges et gonflés. Comment cela était-il possible alors que moins d'un quart d'heure auparavant elle avait l'air euphorique ? Il n'osa pas poser la question à voix haute. Mais il n'en eut pas besoin.

– Je suis la pire des petites amies.

– Pourquoi tu dis ça ?

– Craig est mort. Et je ne le savais même pas... elle renifla puis invita Kenneth à la suivre à l'intérieur.

Il se déchaussa, laissa son anorak dans l'entrée et monta avec elle jusqu'à sa chambre. C'était une pièce assez vaste mais tellement poussiéreuse et bordélique qu'elle semblait minuscule. À gauche se trouvait un simple matelas, un bureau fabriqué à base de chevalets et d'un plateau de verre et une robuste armoire en bois sombre allant de paire avec le parquet. Si on lui avait demandé un jour d'imaginer la chambre d'une sorcière adolescente, Kenny l'aurait sûrement décrite exactement comme la pièce dans laquelle il se trouvait. Au sol, des tonnes d'épais livres finement reliés se chevauchaient avec des tas de vêtements. Dans un coin il y avait aussi une vingtaine de fioles et deux fois plus de pots soigneusement fermés avec de jolis rubans aux couleurs sombres. Sur les murs et tout autour de l'unique fenêtre (une large ouverture au milieu du mur face à la porte, surplombant une couchette) reposaient des tonnes de plantes. Grimpantes, grasses, cactus, jolies fleurs, il y en avait de tous les genres. Et finalement, au centre, se trouvait un large fauteuil molletonné vert sapin. Rebecca s'y précipita, attrapant un grimoire au passage, et s'y installa, à moitié roulée en boule. Elle paraissait si minuscule et fragile dans ce gigantesque fauteuil que cela déstabilisa le blondinet.

Sans lever la tête de son livre, l'adolescente points du doigt les fioles.

– Celle avec un ruban vert, c'est le sang que j'ai prélevé à Craig. Complètement froid. Alors que je venais à peine de le prélever.

– Le... Prélever ? demanda Kenny en s'accroupissant face à ce mini-laboratoire de chimiste improvisé.

– Oui. Je lui ai fait une prise de sang... À son insu. elle eut un petit sourire triste avant de se replonger dans sa lecture. Il en profita pour l'observer. Sa longue tignasse de feu tombait nonchalamment sur ses épaules et venait chatouiller les pages de son grimoire. Elle plissait le nez par moments et tordait sa bouche. Ses sourcils étaient froncés comme pour prouver à quel point elle était concentrée. Et ses yeux, gonflés et remplis de tristesses parcouraient les mots à toute vitesse. Elle cherchait quelque chose. Il se releva et s'approcha d'elle timidement. Il avait l'impression de ne pas avoir le droit d'être ici. C'était son jardin secret après tout. Sa chambre à elle. L'espace qu'elle avait sûrement déjà dû partager avec Craig. Craig le fantôme. Rebecca la sorcière. Kenneth l'ange déchu. Quelle drôle d'équipe. Est-ce que le corbeau savait ? Pour son rôle ? Encore une fois, la question n'osait pas franchir les lèvres du blond. Il avait peur de la blesser d'une quelconque manière.

– Craig n'est pas au courant, non. lâcha distraitement la sorcière en levant les yeux sur lui. Le blond fronça les sourcils et s'apprêtait à parler quand elle reprit.

– Non, je ne lis pas dans ton esprit. Mais tu devais sûrement te le demander. Là, j'essaie de trouver une manière courtoise de lui annoncer qu'il est mort.

– Qu'est-ce que tu lis ?

– Les archives mortuaires de la ville. Les cinquante dernières années.

– Attends, ça veut dire que...

– Non. Craig à notre âge. Enfin, il l'avait quand il est mort. Et il n'est pas mort il y a cinquante ans. Mais c'est très probable qu'une personne lui ressemblant, ayant le même visage ou le même nom soit aussi mort ici. Dans ce cas-là, le défunt le plus... Mh récent... Revient à la vie. Mais il n'est pas au courant.

– Comment ça se fait ?

– J'en sais rien. Ça n'a aucune logique, je ne comprends pas comment ça fonctionne mais apparement cela n'arrive qu'à South Park.

– J'suis bien immortel alors un mec qui est à moitié vivant et à moitié mort... C'est presque banal. il tenta un petit rire pour détendre l'atmosphère mais Rebecca ne répondit pas. Elle semblait à bout de nerfs. L'ange déchu fit alors un tour sur lui-même afin de mieux observer ce qui l'entourait. Puis une nouvelle question germa dans son esprit : « Comme Rebecca est sortie avec Craig alors qu'il était déjà mort est-ce que Rebecca peut être considérée comme étant une nécrophile ? » Il se gratta le menton et se retint de rire. Il devrait poser la colle à Kyle ee Stan, ça les ferait sûrement cogiter durant plusieurs jours.

– Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? demanda la jeune fille en posant le livre sur une pile de vieux grimoires.

– Euh r-rien... il se gratta la nuque et tenta un sourire bancale. Rebecca haussa les épaules, se leva et s'étira.

– Bon, si je t'ai appelé c'est que j'ai besoin de toi, Kenneth.

– Tu as besoin de moi depuis le début, nan ?

– Tch. elle claqua sa langue et roula les yeux en arrière. Le blond se dit qu'elle avait été bien plus gentille les autres fois. Voyant le regard qu'il lui lançait, elle soupira et passa ses mains sur son visage. Le blond se rendit alors compte à quel point elle semblait fatiguée.

– Ça fait combien de temps que t'as pas dormi ?

– Je sais plus.

– T'es pas immortelle, toi. Tu veux pas qu'on discute de tout ça demain ?

– Non je... C'est important de faire vite ! Il faut agir avant... la rouquine souffla. Depuis l'incident avec son père dans le jardin, elle n'osait plus fermer l'œil. Et quand elle parvenait à dormir, elle sombrait en plein cauchemar. Kenneth s'était rapproché d'elle et posa une main sur son épaule.

– Va dormir.

– Kenneth ?

– Rebecca ?

– Ce serait trop te demander de... Rester ? Pour la nuit. il fronça les sourcils face à sa demande quelque peu surprenante puis secoua la tête.

– Non, c'est bon, je reste. Je suis là. il la poussa gentiment jusqu'au matelas sur lequel elle se laissa tomber et s'enroula dans son duvet. Elle était à bout de forces. Mais quand elle vit le blond s'installer sur le fauteuil, son cœur et ses pensées s'apaisèrent. Quelques secondes plus tard, elle dormait comme un loir. Et Kenneth, son ange gardien attitré désormais, ne se lassa pas d'observer son visage. Il ne le lâcha pas des yeux de toute la nuit. Et quand elle commença à se débattre contre un monstre invisible, il la prit délicatement dans ses bras pour la protéger. Et là encore, son visage restait magnifique. Sa beauté l'épatait.