Melodie Mortelle

histoire originale, 15 chapitres


Sasha se sentait vivante alors qu'elle faisait glisser son archet sur les cordes de son violon. Elle aimait ça autant que de voir ses amis ou de manger du pudding, et dieu ce qu'elle aimait le pudding !

- Sasha ! Concentre toi ! ordonna Amelia, sa professeur. L'adolescente soupira et recommença le troisième mouvement de l'été de Vivaldi. Ses gestes étaient précipités, vifs et pourtant ils étaient précis et doux.

- Voilà ! C'est ça ! Tu es une virtuose ma chère Sasha ! s'exclama Amelia quand la jeune fille eut fini de jouer. Elle souffla sur une mèche rebelle et posa son instrument.

- Je peux me reposer ?

- Trois minutes de pause ! accorda la professeur de musique. La jeune fille sortit précipitamment, ouvrant la porte à la volée. De l'autre côté se trouvaient Thibault et Gaëlle, deux élèves de piano qui étudiaient au troisième étage.

- Qu'est-ce que vous faites là ?

- On t'attendait ! répondit Gaëlle avec un sourire sournois.

- Gaëlle, retourne faire joujou avec ton clavecin et laisse moi tranquille !

- Alors ça... Tu peux rêver ! Pourquoi laisserais-je ma meilleure amie ?

- Gaëlle... On devrait retourner là haut... tenta Thibault, posant sa main sur l'épaule de son amie. Cette dernière le repoussa et s'approcha dangereusement de la violoniste. Mais avant qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit, la voix chantante d'Amelia retentit à l'intérieur de la salle. Gaëlle ricana, partant en direction de l'escalier.

- Désolé... murmura Thibault à l'égard de Sasha.

- Si tu étais vraiment désolé, tu arrêterais de suivre Gaëlle dans toutes ses affaires. Un jour, tout ça va te revenir dans la tête !

- Sasha...

- Non. Je dois aller travailler.

- Attend ! Rejoins moi demain soir au Capitol. Comme la semaine dernière !

- Je verrai... marmonna l'adolescente avant de rentrer dans la salle de répétition. Mais pour elle, tout était clair; elle n'hésiterait pas du tout alors que Thibault Deaven lui proposait un deuxième rendez-vous à elle, Sasha Robber !

Quand Amelia laissa enfin son élève rentrer chez elle, il était plus de huit heures du soir et la nuit était déjà tombée sur le mois frais de décembre. Elle empoigna son étui et marcha rapidement, sans faire attention à a neige qui tombait paisiblement. Elle écoutait en boucle "tempo impetuoso d'Estate" depuis qu'elle avait apprit qu'elle devrait jouer ce morceau au concours régional des jeunes talents. Elle s'entraînait depuis plus de deux mois, jouant tout les jours jusqu'à ce que les crins de son archet soient bousillés.

Il y avait aussi Gaëlle, une pianiste douée qui traînait toujours avec Thibault. Ce dernier était aussi un pianiste et étudiait au même cours que son amie. Et il y avait Guillaume, le meilleur amie de Sasha, rockeur dans l'âme et violoncelliste à ses heures perdues.

Sasha ne semblait pas vraiment supporter Gaëlle mais au fond, elle l'aimait bien. Avec Thibault, c'était différent. Ils se connaissaient depuis aussi longtemps que Sasha s'en souvienne et pourtant, leur relation était étrange. Aucun des deux n'osait faire le premier pas, étant trop timide, alors ils discutaient rapidement, ses faisait des signes mais c'était tout. Jusqu'au jour où, deux semaines plus tôt, Thibault avait invité Sasha à aller voir une représentation inédite d'une jeune nouvelle artiste au Capitole. Le capitole était la salle de concert la plus primée de la ville et y aller voir un spectacle était le pied !

Elle traversa la ruelle, tourna à gauche, passa devant le café où traînaient la plupart des jeunes de son âge et marcha encore dix longues minutes avant d'arriver chez elle. Elle rentra dans la maison, se déchaussa et commença à monter l'escalier quand une voix retentit dans son dos.

- Sasha Robber ! Ton professeur principal nous a encore téléphoné !

- C'était pour se plaindre de quoi, cette fois ?

- Du fait que tu sèches encore des cours !

- Désolée, maman... Mais il y avait une représentation unique de violoncelle au Capitole et...

- Tu n'as pas d'excuses ! Tu seras privée de sortie jusqu'au concours !

- D'accord... soupira l'adolescente en rejoignant sa chambre.

Elle posa délicatement son instrument sur son lit et attrapa des affaires de douche avant de partir se laver. Une fois qu'elle eut fini, elle noua une serviette autour de sa taille et une autour de ses cheveux avant de s'étaler sur son lit.

- Sasha ? On mange dans une demie heure ! annonça en criant le père de la jeune fille. La concernée se roula sur le dos et marmonna quelque chose à l'égard de son père avant d'envoyer un message à son meilleur ami, Guillaume. Elle et lui se connaissaient depuis leur entrée au conservatoire et depuis ils étaient autant inséparables que Gaëlle et Thibault. Ses pensées se dirigèrent alors vers ce dernier et elle soupira. Dès qu'elle avait vu Thibault, elle avait voulu devenir son amie mais elle était trop maladroite avec les mots, trop peu sûre d'elle et, à présent, elle avait raté sa chance. Parfois, quand la plupart des élèves s'en allaient après leurs cours, elle se glissait timidement derrière la porte de la salle de répétition des cours de piano et elle l'écoutait jouer. Une fois, elle l'avait même enregistré sur son téléphone et, quand elle se sentait d'humeur maussade, elle l'écoutait jouer la sonate au clair de lune. Elle se disait que c'était pour elle qu'il jouait.

- Sasha ! Viens manger maintenant ! hurla Mme Robber en bas de l'escalier, faisant sortir la jeune fille de ses pensées.

- J'arrive ! hurla-t-elle à son tour, enfilant à la hâte un pantalon de jogging et un t-shirt noir. La brunette descendit rapidement les escaliers et, arrivée en bas, elle eut l'impression que quelque chose clochait. Un mauvais pressentiment l'emplit et pourtant elle se sentait vide.

- Je suis sûrement malade... marmonna-t-elle en s'asseyant à table. Elle cru confirmer sa pensée quand elle eut un haut-le-cœur devant ses spaghettis.

- Ça ne va pas ? demanda alors son père, inquiet.

- Je suis sûrement tombée malade...

- Va te coucher alors ! Je vais t'apporter une bouillotte et une lingette fraîche.

- Tu es contradictoire, maman !

- Et toi tu es malade ! la brunette grogna et remonta dans sa chambre. Peu après, elle dormait à poings fermés.

En effet, la brunette était tombée malade mais elle ne voulait pas rater un seul cours au conservatoire, ni la chance de pouvoir aller au Capitol avec Thibault le soir même.

- Tu es sûre de vouloir aller au conservatoire aujourd'hui ?

- Oui maman, je suis sûre ! s'exclama la jeune fille en empoignant l'étui de son violon et en réajustant son sac à dos. Tout était comme d'habitude. Ses cheveux étaient noués en une tresse, comme d'habitude, et elle portait une jupe noire avec une chemise blanche, comme d'habitude, mais pourtant, elle avait toujours ce poids sur l'estomac et cette mauvaise impression.

Toujours comme d'habitude, elle sortit de chez elle aux alentours de huit heures et marcha jusqu'au conservatoire en écoutant du Beethoven. Il était l'artiste classique favori de Thibault et elle l'appréciait aussi beaucoup. Elle se disait qu'un jour, peut être, ils écouteraient le concerto pour violon au coin du feu dans leur jolie petite maison. Elle soupira intérieurement et continua son chemin avant d'arriver devant la porte principale du bâtiment. Elle entra et tomba sur Amelia, Guillaume et Gaëlle.

- Ah ! Vous êtes enfin tous là ! Allez dans mon bureau ! s'exclama la professeur en les entraînant vers ledit bureau.

- Euh, je viens d'arriver ! Laisse moi le temps ! Et où est passé Thibault ? répondit l'adolescente en enlevant son manteau.

- On verra ça plus tard ! s'emporta la jeune femme.

Ils étaient donc tous allés dans le bureau de la professeur de musique. Cette dernière marchait de long en large de la pièce sans leur jeter le moindre regard.

- Quelque chose ne va pas ? demanda Sasha au bout d'un moment.

- Et où est Thibault ? continua Gaëlle.

- Les enfants... commença Amelia en regardant les trois adolescents assis devant elle. La jeune femme soupira et reprit la parole.

- Vous n'êtes plus des gosses, hein ? Ça doit être pour ça que je n'arrive pas à vous l'annoncer. Ça doit être pour ça... des larmes commençaient à perler aux coins de ses yeux mais elle les effaça du plat de la main.

- Et bien... Thibault est mort... annonça finalement la jeune femme, plongeant son visage entre ses mains. De leur côté, les trois adolescents étaient sous le choc.

- Mort ? Comment ça ? Il ne reviendra plus ? Plus jamais ? pensa Gaëlle en regardant dans le vague. Sasha s'était levée. Elle tremblait de partout et ses yeux gris étaient voilés. Quant à Guillaume, il restait assis sur sa chaise, stoïque. Il aurait voulu faire milles choses. Crier, frapper, pleurer, protéger Sasha, la réconforter, faire revenir Thibault pour qu'elle ne soit pas triste, l'aimer, se battre, mourir.

- Non... Non ! Thibault ne peut pas être mort ! Thibault est trop gentil, trop bon pour mourir ! C'est un mauvais canular ! hurla soudainement Sasha, encore plus tremblante qu'avant. Guillaume se leva à son tour et encercla Sasha de ses bras avant de la serrer contre lui.

La brunette continuait de trembler mais elle semblait plus apaisée par ce contact. En réalité, elle s'imaginait être dans les bras réconfortants de Thibault. Sauf qu'elle ne pourrait plus jamais y être. Elle ravala ses sanglots, poussa Guillaume et s'en alla en courant.

Elle couru et quand elle s'arrêta, dans un parc situé à l'autre bout de la ville, elle était lessivée.

- Non ! Thibault... murmura Sasha en essayant de se souvenir de son sourire. Elle ne pouvait pas croire qu'elle ne le reverrait plus.

Thibault était mort. Mais comment ? Pourquoi était-il mort ? Ces questions sans réponses tournaient en boucle dans son esprit.

Au bout d'un moment, elle se mit à hurler en frappant dans un arbre, attirant les regards étonnés ou moqueur des badauds.

- Mademoiselle ? Est-ce que ça va ? demanda même une jeune femme accompagnée de deux enfants. Elle la regardait avec un air doux qui la réconforta un peu. Elle lui répondit d'un hochement de tête et se décida à retourner au conservatoire. Elle y avait laissé son violon et son portable donc elle y était obligée même si elle ne voulait pas croiser Gaëlle, Guillaume ou Amelia.

La jeune fille longea les murs, baissa la tête et arriva enfin devant la grande bâtisse. Elle souffla un coup et pénétra dans le bâtiment, elle se rendit au bureau d'Amelia, qui était vide, prit ses affaires et rentra chez elle.

Sasha ne voulait pas pleurer. Elle ne voulait pas que Thibault parte. Ils avaient un rendez-vous ! Et aussi, elle se posait des questions. Amelia ne leur avait pas dit comment, ni pourquoi il était mort et cela la tracassait. Elle réfléchissait à tout ça, les jambes parallèles au mur, quand son père entra en trombes dans la chambre.

- Sasha ! Amelia m'a appelé ! Elle a dit que tu t'étais enfuie et j'ai...

- T'inquiète pas papa. Je suis là. Vivante... le rassura-t-elle, baissant ses jambes et d'approchant de son géniteur. Ce dernier avait la respiration saccadée et semblait nerveux. Ses grands yeux gris étaient remplis d'inquiétude et ses cheveux bruns étaient dans un désordre des plus total.

- Je sais ce que ça fait de perdre quelqu'un à qui on tenait, Sasha. Mais je ne peux pas imaginer la peine que ressentent les parents de Thibault. Je ne peux pas non plus imaginer ta propre peine mais tu ne peux pas abandonner.

- Je n'avais pas l'intention d'abandonner.

- Ah. Et ben, c'est bien ça !

- Non. Ce n'est pas bien. Thibault est mort. D'ailleurs, tu sais comment il est mort ?

- Que... Quoi ?

- Tu sais comment Thibaut est mort ?

- Non, Sasha. On ne m'a rien dit.

La jeune fille soupira et s'étendit sur son lit.

- Papa ?

- Oui ?

- Pourquoi est-ce que ça lui est arrivé à lui ? Il y a au moins un milliard d'autre gens qui méritaient de mourir. Alors pourquoi lui ?

- Ma chérie... La moitié du milliard dont tu parles est sûrement morte en ce moment. Avec des tas d'autres gens mais c'est le cycle de la vie et...

- Papa. Je ne veux pas tomber dans les sentiments. De plus, on est pas dans le roi lion donc épargne moi le cycle de la vie. Je le connais bien assez.

- Tu es sans cœur ma fille... marmonna son père, ironisant.

- Non. Je suis tout simplement réaliste... murmura l'adolescente. Son père sourit, l'embrassa sur le front et se leva avant de sortir de la pièce.

Sasha se roula en boule sur son lit, et écouta l'enregistrement de Thibault. Elle avait l'impression de sentir son regarde qui l'épiait et connaissait par cœur le mouvement de ses doigts sur l'instrument. Elle sursauta quand, à sa gauche, un énorme bruit retenti. C'était son cochon d'Inde, Mia.

- Hey, tu fais du bruit, aujourd'hui !

- Oink oink ! Sasha se leva et alla s'asseoir devant la cage du rongeur.

- Tu dois t'ennuyer non ? Dans ta cage à longueur de journées...

- Oink ooooink !

- Tu sais quoi ? Demain je te prendrais au conservatoire avec moi. Il y a Guillaume, tu le connais, il est vraiment sympa mais un peu protecteur. Et aussi Gaëlle. C'est une pimbêche mais au fond elle est sympa ! Et Thib... Amelia. C'est ma prof. Elle est vraiment super sympa et douée !

- Oink ?

- Thibault ? C'était pas vraiment mon ami. J'aurais voulu qu'il le devienne. Mais maintenant... Il est partit.

- Oink ooink ?

- Il est mort. Ne me demande pas comment. Je ne le sais pas.

- Oink...

- Si je suis triste ? Forcément. Thibault je le connaissais depuis... Très longtemps... Je me souviens de l'avoir rencontré au cours d'initiation au conservatoire... Je le connaissais même avant Guillaume ! Il avait déjà ces mêmes cheveux en bataille et son sourire timide qui te souffles d'aller le voir et de lui faire un câlin...

- Oink oink oink ?

- Non. Je n'y suis pas allée... J'étais pas assez... Ou trop... Je ne sais pas mais je n'ai pas fait le pas.

- Oink !

L'adolescente soupira et se releva avec peine.

- Je parle avec mon cochon d'Inde... Je suis ridicule ! se dit-elle mentalement avant d'aller faire couler un bain chaud.

Le lendemain, Sasha ne voulait pas se réveiller. Elle savait qu'elle devrait faire face à la réalité. Thibault ne reviendrais pas. Mais elle ne pouvait pas abandonner son entraînement.

- Thibault ne l'aurait pas voulu... souffla-t-elle en se levant et avançant vers son armoire d'un pas lourd.

Une demie-heure plus tard, elle était prête. Chemise blanche, jupe noire et cheveux détachés. Elle empoigna son étui, réajusta son sac à dos et sortit de chez elle.Comparé aux autres jours, elle était en avance. Normalement, cela l'aurait dérangée mais aujourd'hui, elle s'en fichait. Ses écouteurs étaient dans ses oreilles mais aucun son n'en sortaient, ils servaient juste à camoufler le bruit extérieur de la foule qui se mouvait autour d'elle. Pourtant, elle semblait ne pas faire partit de tout ce mouvement. Elle était décalée, étrangère au monde qui l'entourait. Sa tête de mit à tourner et elle sentit le sol se rapprocher dangereusement.

Son crâne toucha le trottoir et ce fut le trou noir.

Elle se sentait mal. Des lancées dans l'épaule, une douleur horrible dans le crâne. Elle aurait préféré mourir que de souffrir autant. Elle ne parvenait pas à bouger mais elle sentait ces regards qui l'épiaient. Un malaise pesant régnait dans la pièce et elle pouvait le sentir même sans ouvrir les yeux. Une main la frôla, des voix chuchotèrent. Elle ne les connaissaient pas. Il n'y en avait qu'une qu'elle semblait distinguer entre les autres. Étaient-ce ses parents ? Ses amis ? Elle utilisa ses forces pour ouvrir les paupières, distingua une légère traînée de poussières mais elle était seule dans la pièce. Elle essayait de rassembler ses idées mais rien ne s'ordonnait.

Thibault, sa mort, le violon, l'hôpital.

Oui. Thibault était mort. Et alors qu'elle se rendait au conservatoire pour son cours de violon, elle était tombée et on l'avait emmenée à l'hôpital. Tout cela était une suite d'événements logiques et pourtant, quelque chose clochait dans tout ça.

Soudainement, elle fut prise d'un haut-le-cœur, se pencha par dessus le lit et cracha du sang. Elle regarda le sol, dégoûtée et se recoucha en fermant les yeux. Son crâne sonnait horriblement. Son épaule semblait se détacher de son corps.

Elle se concentra alors sur le visage de Thibault.

Thibault jouant du piano.

Thibault la saluant.

Thibault l'invitant au Capitole.

Sans même qu'elle s'en rende compte, des larmes dévalaient silencieusement ses joues pour aller mourir dans son cou. Sasha Robber, la violoniste virtuose, promise à un grand avenir, se retrouvait seule dans une chambre d'hôpital à cracher du sang. Où étaient passée sa famille ? Et ses amis ?

- Thibault... murmura-t-elle, inconsciemment.

- Je suis là... répondit alors une voix. Sa voix. Elle remplissait la pièce, rendant l'atmosphère plus légère. Thibault était-il vivant ? Une colonne de poussière s'éleva dans un coin de la pièce.

- Je serais toujours là pour toi... souffla la voix.

- Thibault ! Attends ! Où es-ce que tu es ?

- Je suis là...

- Tu... Non ! Tu es... Mort...

- Je serais toujours là pour toi... répéta-t-elle. Sasha se convainquit que ce n'était que son cerveau qui lui jouait un tour mais une voix toute au fond d'elle lui murmurait que Thibaut était là.

- Sasha ! s'exclama une personne, à l'extérieur de la pièce. Où est-elle ?

- Jeune homme, vous n'êtes pas de la famille. Vous devez rester à l'extérieur !

- Guillaume... appela doucement Sasha.

- Je m'en tape complètement ! Laissez moi juste la voir deux minutes... supplia l'adolescent.

- Désolée mais j'ai des ordres. Je ne peux pas laisser miss Robber voir des gens qui ne sont pas de sa famille...

- Mais quelle famille ? Sa mère est une épave, son père se tue au travail et son frère... Je ne suis même pas sur qu'il se souvienne qu'il a une sœur ! C'est moi sa famille !

- Bon... Entrez mais pas plus de deux minutes ! céda l'infirmière.

La face inquiète de Guillaume apparu alors dans la pièce et il se hâta de la rejoindre.

- Sash' ça va ?

- Ne crie pas. J'ai mal au crâne. Que... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Ta santé s'est dégradée rapidement, on ne sait pas comment et tu as fait une baisse de pression. Tu es tombée, commotionnée et démise l'épaule. En ne te voyant pas arriver au conservatoire, Amelia a paniqué. Elle a cru qu'il t'était arrivé la même chose qu'à Thibault et elle a appelé l'hôpital. Ils nous ont dit que tu étais ici et voilà.

- Guillaume ?

- Oui ?

- Comment est-ce qu'il est mort ?

- Il... La police nous a dit que le soir de sa mort, quand il rentrer chez lui, il aurait croisé le chemin de racketteurs. Thibault a cédé, il n'était pas assez fort pour se battre, et ils auraient pu partir sans rien si l'un des gars ne s'était pas mis à le tabasser, suivi par ses potes.

- Pourquoi ? Thibault est... Était si gentil...

- Les policiers les ont trouvés, avertis par une voisine, et coincés avant qu'ils ne puissent partir. Le gars qui a commencé à le frapper connaissait plutôt bien Gaëlle et il semble qu'elle n'ait pas tenue sa parole pour une chose quelconque.

- Alors il est mort à cause de...

- Non. Si Thibault est mort, ce n'est la faute que de ces gars ! Ne blâme pas Gaëlle...

- D'accord...

- Elle s'en veut déjà assez pour ça. D'ailleurs, elle n'est pas venue non plus aujourd'hui. Sa sœur a dit qu'elle est enfermée dans sa chambre et qu'elle pleure depuis hier.

- Je... Passe la voir pour moi. S'il te plaît...

- J'irais. Parole de scoot !

- Jeune homme ? Vous devez partir ! informa l'infirmière. Guillaume acquiesça, se tourna vers Sasha, déposa un baiser sur son front et s'en alla.

Gaëlle déprimait. Sasha était à l'hôpital. Thibault était mort.

Quant à Guillaume, il ne semblait pas affecté par ces événements. Et pourtant, c'était lui qui souffrait le plus. Les trois personnes qu'il aimait le plus, se désagrégeaient sous ses yeux. Quand il avait apprit la mort de Thibault, il aurait juste voulu mourir aussi. À quoi bon continuer d'exister dans un monde où les êtres les plus importants de notre vie disparaissaient une à une ? Guillaume n'aimait pas extérioriser ses sentiments. Il n'avait jamais su le faire. Même quand, neuf ans plus tôt, sa mère était morte, il avait gardé un air stoïque et fermé alors qu'à l'intérieur, il était détruit. C'était grâce à Sasha et Thibault qu'il était parvenu à faire son deuil. Ils avaient été là pour lui.

Mais qui l'aiderait à présent ? Il était seul, si seul.


Sasha se souvenait. Elle se souvenait de Thibault.

Son air un peu bancal.

Son visage doux.

Son sourire qu'il avait quand il était heureux.

Son nez qui se retroussait quand il était contrarié ou étonné.

Ses yeux brillants d'un mélange d'excitation et d'envie à chaque fois qu'il voyait un piano.

Ses cheveux bruns constamment en bataille, même quand il les coiffait.

Sasha se souvenait aussi du jour où ils s'étaient pris la tête à cause de Gaëlle. Ces deux-là ne pouvaient pas depuis leur rencontre. Au contraire de Guillaume et Thibault qui s'entendaient très bien. En même temps, il n'était pas difficile d'apprécier Thibault. C'était un garçon toujours prêt à aider les autres, à se sacrifier pour le groupe et constamment souriant. Tout en Thibault lui manquait. Absolument tout.

- Miss Robber ? Quel est la superficie de la ferme de Barry ?

- Pardon ?

- L'exercice de math... Ah, je vous we vous ne l'avez pas fait.

- Oh, désolée ! J'étais un peu dans la lune...

- Compte tenu de la situation, je vous accorde votre étourdissement mais sachez que c'est la dernière fois.

- D'accord... soupira-t-elle avant de s'exécuter dans son cahier de maths. Elle aimait beaucoup cette matière et son professeur, Mr Holloway, était son professeur favori.

Sasha était en étude musicale ce qui lui valait d'aller au conservatoire le matin et à l'école l'après-midi pendant la moitié de la semaine et l'inverse pour le reste. Les autres personnes de sa classe étaient de le même cas mais pas forcément pour les mêmes raisons. Il y avait des musiciens comme elle mais aussi des sportifs. Dans cette classe, il n'y avait que ceux à qui il était prédis à un grand avenir et c'était donc la classe d'élite de leur lycée. Sasha était dans la même classe que Thibault avant son décès et donc les autres élèves avaient eu vent de sa mort. Thibault ne se mêlait pas aux autres élèves et donc ils ne comprenaient pas pourquoi Sasha était tellement abattue. Ils pensaient qu'il était aussi distant avec eux qu'avec elle mais ils avaient tort. Même sans se parler, sans se côtoyer, Thibault et Sasha avaient réussi à créer un lien par le regard. Ils discutaient de cette manière.

- Sasha ! Arrête de rêvasser ! Le cours est fini ! s'exclama Leila, sa voisine de classe en secouant sa chevelure rousse.

- Oh, désolée. Je n'avais pas vu...

- J'ai bien remarqué que tu n'avais pas vu ! Allez, dépêchons-nous d'aller au conservatoire !

- Je... Je n'y vais pas cet après-midi...

- Pourquoi ça ? demanda Leila en la regardant avec ses grands yeux verts.

- Je dois aller à l'hôpital. Pour mon épaule...

- Ah oui. J'avais oublié ! Que je peux être distraite des fois ! déclara la rouquine avec un grand sourire. Elle se tapa le front avec la paume de la main et salua Sasha avant de sortir en hâte de la classe.

En réalité, c'était un mensonge. L'épaule de Sasha était soignée depuis sa sortie de l'hôpital, une semaine auparavant. Mais elle utilisait ce prétexte pour ne pas avoir à retourner au conservatoire. Elle savait que si elle y allait, elle craquerait. De plus, l'enterrement de Thibault avait lieu quelques jours plus tard et elle devait se préparer mentalement. Elle n'était pas sûre de pouvoir y aller mais elle avait fait un marché avec Gaëlle et Guillaume. Ils iraient, ensembles, pour Thibault. Juste pour lui, ils avanceraient dans l'allée de l'église, iraient voir son corps dans son cercueil puis poseraient des fleurs sur sa tombe.

Le jour de l'enterrement était un mardi; le jour favori de Thibault. Gaëlle et Guillaume étaient arrivés à l'heure mais ce matin-là, Sasha n'avait pas eu la force de se lever. Pourtant, elle le fit et quand elle arriva devant l'église dans sa robe noire, il n'y avait déjà plus personne. Les portes étaient ouvertes et elle les poussa légèrement avant de se glisser dans un coin, tout au fond. Les parents et les sœurs de Thibault firent un petit discours puis ils transportèrent le cercueil à l'extérieur. Quant à Sasha, que personne n'avait remarquée, elle sortit après tout le monde. Les gens pleuraient sur les épaules de leurs amis, la famille se regroupait au même endroit et soufflait dans des mouchoirs et elle, restait en retrait.

L'adolescente s'apprêtait à rejoindre la concession mais se stoppa. C'était trop difficile pour elle.

Sasha recula lentement mais elle sentit une main enserrer son poignet.

- Reste... souffla la voix qu'elle avait entendu à l'hôpital. Celle de Thibault. Elle fit volte-face mais il n'y avait rien, ni personne.

- Pitié, ne t'en va pas. Je suis tellement seul ! supplia la voix. Cette fois, elle était face à elle. Sasha ferma les yeux et les rouvrit. La main qui lui avait serrer le poignet était maintenant sur son épaule. Peu à peu, l'adolescente sentit l'odeur de Thibault, pu percevoir sa respiration mais il restait inexistant. Elle se retira vivement de cette étreinte imaginaire et se mit à courir.

- Tu ne pourras pas toujours fuir les problèmes ! Reste avec moi ! Je t'en prie ! Sasha ! hurla la voix de Thibault. La concernée se retourna et son sang se glaça. Debout, dans l'allée, se tenait Thibault. Il semblait apeuré et déboussolé. Voyant qu'elle avait cessé de courir, il s'approcha de nouveau, comme on le ferait avec un animal craintif.

- Non... Tu es... Tu es mort. Tu es dans ton cercueil ! Là-bas ! Je... Non... Tu n'as pas le droit ! la jeune fille paniqua. Ses geste étaient nerveux et elle bougeait dans tout les sens.

- Je sais que je suis mort ! Mais... L'autre jour, à l'hôpital, je me suis retrouvé dans ta chambre. Sans savoir comment j'y étais arrivé. Je n'avais aucun souvenir du moment où j'ai été tué dans cette ruelle jusqu'à celui où je t'ai vue à l'hôpital ! J'ai peur Sasha ! J'ai essayé de te parler mais... Tu semblais ne pas y croire. Tu ne dois toujours pas y croire... Mais pitié ! Ne pars pas ! J'ai peur et tu es apparement la seule personne qui peut m'entendre ou même me voir et...

- Mais... Tu es mort ! Je... Je ne veux pas être comme cette fille dans Gosht Whisperer qui peut parler avec les fantômes ! Et puis... Ça doit être l'anxiété. L'anxiété, c'est ça. Tu n'existes pas. Tu es juste une personnification de mon anxiété.

Thibault attrapa alors le visage de Sasha et l'embrassa sans plus de cérémonie.

- Est-ce que ton anxiété pourrait faire ça ? demanda Thibault avec une pointe de fierté dans la voix.

Sasha resta sans voix.

- Thib... commença-t-elle mais elle ne pu finir.

- Sasha ! s'exclama Gaëlle, voyant la violoniste seule au milieu de l'allée. On t'a attendue !

- Désolée... Je... Euh... Je n'ai pas réussi... balbutia la concernée.

- Ce n'est pas grave... la rassura Guillaume en passant un bras par dessus ses épaules.

Pendant ce temps, Thibault s'était approché de Gaëlle et la regardait avec des yeux pleins de mélancolie.

- Elle... Elle ne me voit pas... murmura-t-il à l'adresse de Sasha qui secoua négativement la tête.

- C'est pas tout mais moi les cimetières ça me donne la chair de poule. En plus, j'ai des trucs à faire... marmonna Gaëlle en s'éloignant de l'église.

- Elle est bizarre, des fois... soupira Guillaume. Directement, Thibault lui assena une frappe derrière la tête, ce qui fit pouffer Sasha.

- Pourquoi tu ris ?

- Oh. Rien. Je pensais à un truc marrant...

- C'est quoi ce truc ?

- Euh... C'est l'histoire d'un gars qui entre dans un café et plouf !

- Sash' ne devient jamais comique !

- D'accord, d'accord...

Après ça, Guillaume dût rentrer chez lui, laissant Sasha. Cette dernière se décida à rentrer chez elle aussi mais accompagnée de Thibault.

- Thibault ?

- Oui ?

- En tant que fantôme, tu peux traverser des murs ou des trucs comme ça ?

- On est pas dans Casper... Et je ne suis pas vraiment un fantôme. Enfin, je crois... ils soupirèrent ensemble et continuèrent d'avancer silencieusement.

Le lendemain matin, Sasha se réveilla aux aurores. Elle se leva et tout lui revint en tête. L'enterrement, les voix, et Thibault. Elle tourna la tête à sa gauche, personne, puis à sa droite et elle découvrit Thibault dormant sur son canapé. Elle sourit faiblement en se levant.

- Tu va où ? demanda l'adolescent, encore amorphe.

- Je vais prendre ma douche et déjeuner. Dors... Thibault acquiesça et se rendormit. Sasha attrapa une serviette et partit dans la salle de bain.

Elle savait que réagir comme ça la détruirait, mais rarement étaient les fois où ils avaient eu cette promiscuité et même si cela lui filait la chaire de poule, Sasha était heureuse que Thibault soit là.

Après avoir prit une bonne douche chaude, la brunette sortit et s'entoura d'une serviette. Elle se sécha les cheveux et s'habilla avant de retourner dans sa chambre. Son "anxiété" avait migré devant la cage de Mia et tapotait légèrement contre les barreaux de la cage. Le cochon d'Inde réagissait alors, en faisant de petits bruits ou en frottant son museau contre lesdits barreaux.

- Vous vous amusez bien ?

- Ouais ! C'est trop marrant ! C'est comme si elle aussi pouvait me voir !

- On dit que les animaux peuvent sentir les événements... Surnaturels. Elle doit sûrement faire partit de la classe animale bien que j'aie quelque doutes !

Ils rirent ensemble puis Sasha décida d'aller déjeuner. Thibault lui emboîta le pas mais la brunette se tourna face à lui.

- Pourquoi tu me suis partout ? Tu ne voudrais pas aller voir ta famille ? Peut-être qu'eux aussi peuvent te voir... Qui sait ?

- J'ai déjà essayé. Tu es la seule qui puisse le faire ! Et j'aime bien te regarder faire !

- Mais...

- Laisses moi juste t'accompagner au conservatoire !

- D'accord... De toute façon, mon anxiété devrait bientôt retomber et tu partiras. C'est comme ça. Les gens partent, reviennent puis repartent...

- Je te jure que je ne partirais pas avant d'avoir pu t'accompagner au piano !

- Alors je ne te laisserais pas approcher d'un seul piano... soupira la jeune fille avec un sourire en coin.

Arrivée au conservatoire, Sasha sentait une ambiance pesante. Les gens avaient la tête basse, personne ne parlait. Ils se rendaient tous à leurs cours où à la salle de repos.

- Pourquoi ils ont tous l'air lugubre ? demanda alors Thibault en se grattant la tête.

- Dois-je te rappeler que tu es mort ? Et par conséquent, un de leur camarades, élèves et amis est mort. Pas besoin d'être Einstein pour comprendre ça ! murmura la brune en guise de réponse. Thibault ricana nerveusement et continua de suivre Sasha.

Quand cette dernière arriva dans la salle de répétions, il n'y avait encore personne. Sasha s'installa alors sur une chaise tandis que Thibault se mettait devant un piano.

- J'ai... J'ai tellement envie d'y rejouer. Ne serait-ce qu'un instant...

- Tu ne peux pas jouer là ? Essaie pour voir ! Thibault pressa alors délicatement la touche mais, bien qu'elle ait bougé, aucun son ne se fit entendre. Cela rendit le mort encore plus mélancolique mais il se retourna et sourit à la violoniste. Cette dernière s'apprêtait à lui dire quelque chose quand une tornade blonde entra dans la salle.

- Sasha Robber ! Je te cherches depuis une demie heure ! Je t'avais dit de me retrouver dans la salle de répétition principale et pas dans celle-ci ! s'énerva Amelia en faisant de grands gestes théâtraux.

- Désolée, Amelia... marmonna la concernée en se levant de sa chaise. Thibault regardait la scène d'un œil amusé.

- Bon, dépêchons-nous ! Gaëlle nous attend !

- Gaëlle ? s'exclamèrent les deux adolescents en même temps.

- Oui ! Tu ne n'écoutes vraiment pas ! soupira la professeur. Tu va devoir jouer un duo avec Gaëlle devant le jury du concours régional si tu veux pouvoir participer ! C'est obligatoire !

- Je... Je ne peux pas plutôt en faire un avec Guillaume ? balbutia Sasha.

- Je suis désolée mais non. Allez, dépêches-toi !

Sasha se hâta alors de suivre la grande blonde et elles rejoignirent Gaëlle qui siégeait déjà derrière son piano. Elle tapotait les touches avec grâce et précision.

- Vous voilà enfin ! remarqua-t-elle sans s'arrêter de jouer.

- La sonate au clair de lune. Très bon morceau... nota Sasha en posant ses affaires dans un coin de la salle.

Elle se prépara et attendit les instructions d'Amelia. Deux heures plus tard, les deux adolescentes furent libérées.

- Sasha ! Attends ! appela Gaëlle, voyant la brunette s'éloigner.

- Quoi ?

- Je... J'en peux plus. Je ne veux plus jouer de piano ! C'est... C'est comme si il était là, qu'il me regardait et qu'il se disait que tout est de ma faute. C'est toujours comme ça ! Tout le temps ! Mais quand je joue, c'est pire...

- Quoi ? s'exclama Sasha devant cette confidence inopinée.

- Tu es la seule qui puisse m'aider. Je te jure, je vais craquer. Sans lui, je peux pas survivre ! elle avait explosé en sanglots. Sasha se sentait démunie face à cette Gaëlle si différente de celle qu'elle connaissait. Thibault s'était approché de sa meilleure amie et la tenait dans ses bras.

- Je te jure que ce n'est pas ta faute. Rien n'est de ta faute...

- Je... Si il y avait été là, il aurait juré que ce n'est pas de ta faute. Que rien n'est de ta faute ! balbutia Sasha en essayant de convaincre Gaëlle. Cette dernière la regarda et esquissa un sourire.

- Oui, sûrement... Il essayait toujours de faire que je ne me sente pas coupable. Mais j'ai été une horrible amie. Même pas capable de lui faire comprendre que j'étais là pour lui. Tu sais, il y avait des problèmes mais n'en parlait à personne. Pourtant, ça se voyait dans ses yeux qu'il était triste... elle soupira et ferma les yeux.

- Est-ce que tu l'aimais ? demanda alors la violoniste. Gaëlle, surprise par la question rouvrit brusquement les yeux.

- Si je l'aimais ? Bien sûr que je l'aimais ! Mais plus comme une grande sœur aime son petit frère. Bien sûr, lui ne m'aimait pas autant mais je savais qu'il était là pour moi et c'est tout ce qui me suffisait.

- Gaëlle ? Qu'est-ce que c'est cette histoire de piano ? Tu ne veux plus jouer ?

- Je n'y arrive plus. Je... Je n'entends plus le son du piano. Je sais ce que je fais, mes doigts savent où aller mais... Le son ne parvient pas à mes oreilles... Sasha ne saisit pas directement le sens des paroles de la pianiste mais en voyant le regard sérieux de Thibault, elle comprit la gravité de l'annonce.

- Attend... Là, dans la salle, à l'instant, tu entendais le piano ?

- Non... Je t'entendais toi, j'entendais les instructions d'Amelia mais... Pas le piano...

- Alors... Tu ne va pas pouvoir...

- Si. Je t'accompagnerai au concours mais, si on me propose de continuer, je déclinerais l'offre. Après le concours, j'arrêterai le piano.

- Non ! s'exclamèrent Thibault et Sasha en choeur.

- Tu ne peux pas arrêter le piano ! continua Sasha.

- C'est impensable ! surenchérit Thibault.

- Et pourtant. C'est vrai... répondit Gaëlle en séchant ses larmes. Elle fit un sourire faible à Sasha, attrapa son sac et s'en alla.

Sasha repensait à la discussion avec Gaëlle. C'était injuste. Gaëlle voulait arrêter le piano alors qu'elle pouvait toujours en jouer, tandis que Thibault voulait en jouer mais ne pouvait pas.

- Thibault ! s'exclama Sasha, faisant sursauter le garçon qui s'amusait avec Mia.

- Quoi ?

- Je vais te faire rejouer du piano ! Coûte que coûte !

- Ne te donne pas cette peine pour moi... Certes je voudrais vraiment en rejouer mais je peux m'en passer. Pour le moment, il faut qu'on trouve une solution pour Gaëlle.

- Mais, et le piano ?

- Gaëlle compte bien plus pour moi que le piano ! C'est ma meilleure amie et elle a besoin du piano ! Si elle arrête de jouer, elle sera incapable de faire autre chose. Pas qu'elle soit débile ou incompétente mais le piano c'est toute sa vie !

- Je... D'accord. J'aiderais Gaëlle ! Thibault s'approcha d'elle et la serra contre son torse.

- Merci... Vraiment, merci Sasha.

- De... De rien ! balbutia la jeune fille en se grattant légèrement la nuque.

Sasha n'avait ni l'envie, ni la force d'aller en cours durant l'après-midi et elle rentra donc chez elle. C'était une bonne élève, douée dans toutes les matières, l'une des meilleurs de sa classe et elle pensait donc que rater quelques cours ne la pénaliserait pas. Pourtant, à chaque fois qu'elle séchait l'école, sa mère la punissait. Et cette fois-ci ne fut pas une exception.

- Sasha ! Tu ne peux pas te laisser aller ! Je sais que tu as perdu l'un de tes amis mais ce n'est pas une raison pour te conduire ainsi ! Et pense à James, tu lui donnes un mauvais exemple ! la réprimanda-t-elle, les mains sur les hanches et cet air de supériorité, que Sasha détestait tant, plaqué sur le visage.

- James n'a pas besoin de moi pour être nul ! Tu me punis parce que je ne vais pas en cours mais tu savais que lui, il s'amuse à frapper des gens ? En plus, je suis une bonne élève comparée à lui qui ne rapporte que des mauvaises notes !

- Ne mêle pas ton frère à tout ça !

- Maman ?

- Quoi ? aboya la concernée, agacée.

- C'est toi qui l'y a mêlé... soupira Sasha en s'enfermant dans sa chambre.

Thibault avait regardé la scène d'un œil intrigué. Dans ses souvenirs, la mère de Sasha était une mère aimante et maternelle qui tenait plus à ses enfants qu'à sa propre vie et là, elle semblait si froide et distante.

- Ma mère nous a quelque peu abandonnés, James et moi. Elle semble nous avoir oubliés. Tout ça à cause de ce fichu accident...

- Quel accident ?

- Celui dans lequel elle a perdu ce fichu bébé... Elle était enceinte et une misérable chute dans les escaliers l'a détruite... Même mon père est devenu différent à cause de ça. À cause de ce bébé qui n'est même pas né...

Après cet aveu, Sasha était partie prendre un bain, laissant Thibault seul dans sa chambre. Une fois dans l'eau chaude, Beethoven et sa Grande Sonate Pathétique emplissaient la pièce et son esprit s'en allait. Elle pensait à ce spectre (comment l'appeler autrement ?) qui était dans sa chambre, à Gaëlle qui disait ne plus entendre le son du piano et à Guillaume qu'elle avait l'impression d'abandonner. Elle soupira et se laissa glisser au fond de la baignoire. Le monde autour d'elle semblait atténué, lointain, elle était protégée.

Elle aurait voulu pouvoir rester sous l'eau pendant des heures, des jours, des mois. Mais c'était impossible. Déjà, elle n'avait pas de branchies et ensuite, elle devait aider Gaëlle et gagner le concours.

Quand elle sortit de la baignoire, elle se rendit compte qu'elle y avait passé deux bonnes heures. Elle se dépêcha de sécher ses cheveux avant de passer un bas de jogging et un sweat-shirt.

- Thibault ? appella-t-elle doucement en entrant dans sa chambre mais le grand brun n'y était pas.

Elle le chercha dans toute la maison avant d'en conclure qu'il était dans la chambre de James. Elle toqua donc et ouvrit sans attendre de réponse, tombant sur son frère et une jeune fille.

- Oh, désolée James ! s'empressa-t-elle de dire.

- Quoi ? Ah, Astrid est juste là parce qu'on a un devoir à faire pour les maths. Fait pas attention. Tu voulais quoi ?

- Hum, je cherchais quelque chose mais je me souviens l'avoir posé dans la cuisine ! Désolée du dérangement.

- C'est rien, à plus tard !

- À plus tard !

Elle trouvait ça étrange de trouver son frère avec quelqu'un, surtout que ce quelqu'un était une fille. Habituellement, son frère était solitaire. Il suivait les autres, c'était un mouton, mais depuis quelques temps, Sasha avait remarqué qu'il frappait des élèves avec son ami, un adolescent roux nommé Alwin.

- Ah, Sasha ! Je te cherchais ! s'exclama soudainement Thibault, la faisant sortir de ses rêveries. Elle lui fit signe de la suivre et elle se rendit dans sa chambre.

- Tu étais passé où ?

- Je suis allé me dégourdir les jambes dans le quartier... C'était marrant personne ne me voyait même si j'hurlais !

- Je ne trouverais pas ça "marrant" si j'étais toi...

- Heureusement que tu n'es pas moi alors...

- Sasha ! James ! À table ! hurla la mère de Sasha en bas des escaliers.

- Tu veux que je te ramène quelque chose à manger ? demanda-t-elle tout naturellement à Thibault.

- Volontiers !

- Mais... Tu as besoin de manger

- Je ne sais pas mais je préfère manger plutôt que de mourir de faim !

- Techniquement tu ne peux plus mourir...

- Chut ! Sasha éclata de rire et descendit rejoindre sa famille.

Elle avala rapidement son dîner, passa par la cuisine où elle réquisitionna deux paquets de biscuits au chocolat et une bouteille d'eau avant de remonter dans sa chambre. Elle tendit les vivres à Thibault qui les prit et mangea doucement comme si la nourriture pouvait lui exploser à la tête.

- Ch'est bon ! s'exclama-t-il, la bouche pleine.

- Donc tu es une anxiété qui peut manger... Intéressant !

- Je ne suis pas ton anxiété ! Dis plutôt que je suis... Un esprit ?

- Si tu veux... Bon, je dois faire mes devoirs ! elle se leva et alla en direction de son bureau quand Thibault l'attrapa par le mollet. Elle se retourna et le regarda.

- Merci pour ce que tu fais pour moi... murmura-t-il avant d'enfourner un autre biscuit dans sa bouche. En guise de réponse, Sasha lui sourit puis alla faire ses devoirs.

Pendant la nuit, elle fit un rêve très étrange où elle était poursuivie par des rats et des lézards.


Au cours des deux semaines suivantes, Sasha ne fit que s'entraîner pour le concours et traîner dans le square de son quartier avec Thibault. Elle tentait d'aider Gaëlle mais celle-ci semblait tellement perdue. Sasha voyait rarement Guillaume, il devait être occupé à quelques facéties ou autres.

Puis le jour du concours arriva. Si Sasha passait cette étape, elle pourrait aller au concours national des jeunes talents et c'était un vrai privilège d'y aller. La brunette était tendue, répétant sans cesse dans le vide le morceau qu'elle devrait jouer. Elle plaçait ses doigts sur un violon et un archet invisible et jouait avec toute la grâce et la précision qu'elle pouvait. Elle aurait pu le faire sur un vrai instrument mais sa concentration mentale état meilleure quand elle s'imaginait. Gaëlle n'était toujours pas arrivée et cela stressait beaucoup Sasha qui commençait à devenir nerveuse.

- Prochaine personne à passer: Sasha Robber ! annonça alors une voix dans un haut parleur. La violoniste était au bord de la crise de nerfs quand Gaëlle arriva en courant.

- Dé... Désolée ! Je me suis réveillée en retard ! s'exclama-t-elle avant de se pencher en avant et de reprendre son souffle.

- Ce n'est rien mais la prochaine fois prévient moi au moins !

- Oui, promis ! la jolie blonde lui sourit puis une fille vint leur annoncer que c'était leur tour. Sasha, qui tremblait, souffla profondément et entra sur la scène accompagnée de Gaëlle et de Thibault qui avait décidé de les suivre.

Sasha s'installa, respira, plaça son archet sur son violon et lança un signal à Gaëlle mais cette dernière semblait paralysée.

- Gaëlle ! Ça va y aller ! souffla Sasha. La blondinette hocha la tête et respira avant de poser ses mains sur le piano et commença à jouer. Tout était doux, soigné et précis. Un sourire naquit sur les lèvres de Sasha et elle se mit à jouer. Le tempo impetuoso d'Estate emplissait l'espace et tout le monde semblait obnubilé par les mouvements de Sasha et Gaëlle mais soudainement, il y eu une coupure du côté du piano avant que cela ne reprenne. Sasha lança un coup d'œil du côté de son amie et elle frissonna. Elle ne sût pas tout de suite si c'était d'étonnement ou de plaisir mais ce qu'elle vit la fit jouer encore mieux.

Gaëlle frôlait à peine les touches alors que les fins doigts de Thibault virevoltaient dessus. Il était concentré et son visage rayonnait. Quand ils terminèrent le morceau, Gaëlle tremblait de toutes parts et Sasha souriait allègrement sans se douter qu'elle devrait bientôt expliquer à Gaëlle ce qu'il s'était passé.

- Explique moi ! s'énerva Gaëlle, le regard noir.

- Je... Bon. D'accord mais promet moi de me croire et de ne pas t'énerver... D'accord ?

- Promis ! s'exclama Gaëlle. Et Sasha lui expliqua tout. De l'hôpital, à l'enterrement et cetera. Quand elle eut fini son récit, Gaëlle la regardait, le visage empreint d'une émotion Indescriptible.

- Il est là en ce moment ? demanda-t-elle après un long silence pesant. Pour toute réponse, Sasha regarda dans la direction de Thibault qui observait toute la scène.

- Il est là. Il est toujours là.

- C'est vrai ?

- Je ne te mentirais jamais à ce sujet. Et tu as bien vu que ce n'était pas toi qui ne jouait pas !

- Donc... Ce que tu m'as dit le jour où je t'ai expliqué mon problème, c'est ce qu'il a vraiment dit ?

- Tout à fait.

- Wouaw... C'est un truc de fous !

- Et oui... soufflèrent Sasha et Thibault en même temps.

À vrai dire, Gaëlle ne voulait pas croire Sasha. C'était absurde. D'abord, elle avait pensé que Sasha délirait, perdre un être cher est difficile, d'autant plus si on l'aimait comme la brunette le faisait. Mais alors, comment le piano avait-il pu produire les bonnes notes avec la même précision dont faisait si souvent preuve Thibault ? Le soir même, Gaëlle avait appelé Guillaume pour lui raconter ce que Sasha lui avait dit.

- Attends, tu dis que Sasha peut voir et parler à Thibault ?

- Oui ! Moi aussi je la croyais pas jusqu'à ce que le piano se mette à jouer tout seul !

- Sasha aime bien les blagues, ça ne m'étonnerait pas qu'elle aie créé tout ça juste pour t'embêter alors pour t'empêcher d'abandonner le piano.

- Non... Je ne crois pas. Elle avait l'air sincère ! plaida Gaëlle en soupirant.

Guillaume ne dit rien pendant quelques minutes et la blondinette devina qu'il cherchait un plan ou, tout simplement, quelque chose à dire face à ça. Guillaume savait quand sa meilleure amie mentait ou pas. Il avait déjà vu son visage changer alors qu'elle racontait un mensonge à ses parents ou à ses professeurs. Il prit alors la décision d'aller la voir. C'était une chose qu'il n'avait pas fait depuis un moment car il voulait laisser du temps à Sasha après la mort de Thibault mais cette histoire l'inquiétait. Sa meilleure amie était-elle devenue folle après la mort de garçon qu'elle aimait ?

- Je vais aller chez elle pour la voir et lui parler. Je pense que c'est la meilleure chose à faire... répondit-il finalement à Gaëlle.

- D'accord. Tu ne voudrais pas que je t'accompagne ? proposa la pianiste en espérant qu'il répondrait oui.

- Non. Je préfère y aller seul. Ne t'inquiète pas pour moi, je connais assez bien Sasha. Je t'appelles plus tard ! Gaëlle n'eut même pas le temps de lui répondre qu'il avait raccroché. Elle pesta et se laissa tomber sur son lit. Depuis quelques temps, elle s'était rendue compte qu'elle aimait vraiment la compagnie du guitariste et cela la troublait. Était-elle amoureuse de lui ? Elle n'en était pas vraiment sûre alors elle tentait de repérer des signes de la part de Guillaume mais cela restait vain. Gaëlle n'était pas douée pour déchiffrer les émotions des gens à travers leur visage. Surtout que le guitariste avait souvent un visage sans émotions certaines. Allant de la joie à la colère, de la peine à la peur.

Elle était persuadée que Guillaume pouvait devenir un très bon acteur.

Quand Guillaume arriva devant chez Sasha, il toqua à la porte et fut accueilli par sa mère. Elle le regarda pendant quelques instants avant de s'écarter de la porte pour le laisser entrer.

- Et bien, ça fait un bout de temps qu'on ne t'a plus vu ici ! Ça va bien ?

- Oui madame, et vous ?

- Assez bien mais je suis débordée par le travail et en plus James est en pleine crise d'adolescence et Sasha qui parle tout le temps toute seule ! Ces enfants vont me faire disjoncter !

- Sasha parle toute seule ?

- Ouais. Elle dit qu'elle s retrouvé un ancien ami imaginaire. Mon œil ouais, elle stresse juste à cause de son fichu concours ! et la mère de la brunette partit dans une tirade très longue pour expliquer qu'elle ne voulait pas que Sasha fasse des concours mais que sa fille était indigne et qu'elle ne l'écoutait jamais et ce pendant une demie heure. Quand elle lâcha enfin Guillaume, ce dernier se rendit directement devant la porte de Sasha et toqua. Trois coups brefs et rapprochés, deux plus longs et espacés. La tête de Sasha surgit dans l'embrasure et le fit entrer.

- Oh monsieur Edgeworth ! Que me vaut ce plaisir ?

- Tu veux aller voir les pingouins au parc ?

- Les pingouins ? Au parc ? Mais bien sûr que j'le veux mon n'veu ! Je vais m'habiller et j'arrive ! Attends moi !

C'était leur routine depuis qu'ils avaient l'âge d'aller au parc naturel tout seuls. Ils ne payaient pas vu que la sœur de Guillaume y travaillait et ils allaient voir les pingouins, étudiant soigneusement leurs comportements. Ils leurs avaient même donné des noms. Sasha aimait vraiment le parc et Guillaume aimait surtout voir le visage émerveillé de sa meilleure amie.

- Oh ! Regardes celui-ci ! Il est adorable ! s'exclama Sasha en apercevant un bébé qui venait de plonger.

- J'avoue, il est chou...

- Tu n'a pas l'air content... Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda la brunette, posant ses mains sur ses hanches et en affichant une mine boudeuse.

- Sasha... Faudrait que je te parles...

- D'accord !

Ils s'éloignèrent des pingouins et se posèrent sur un banc, face aux hyènes. Guillaume se tourna pour faire face à Sasha, prit une très grande inspiration et se mit à parler.

- Écoute Sash' tu m'inquiète. Gaëlle m'a raconté ce que tu lui avais dit à propos du spectre de Thibault et je trouve ça malsain... Ta mère m'a aussi dit que tu parlais toute seule et je m'inquiète vraiment beaucoup pour toi ! Je te connais depuis toujours et jamais tu n'as fait quelque chose de ce genre...

- Bien. Gaëlle t'as tout raconté. Alors oui, je vois Thibault. Il n'est pas vivant mais je ne suis pas sûre qu'il soit mort pour autant. Je pense qu'il est dans une phase entre les deux et qu'il a besoin de quelque chose pour trouver le repos éternel. Prend moi pour une folle, fais moi interner mais je te jure sur la sonate pathétique que je ne mens pas. Je ne mentirais jamais sur la mort. Tu le sais tout autant que moi. Je ne te demande pas de me croire mais ne me juge pas non plus...

- Sasha. Je... On est pas dans Gosht Whisperer ! Fais-toi une raison ! Thibault est mort ! Il a été enterré et comme par magie tu le verrais ? C'est de la folie pure ! Tu es aveuglée par ton chagrin et ça me fait de la peine de te le dire mais tu es ridicule. Personne ne croirait ton histoire ! Gaëlle est encore perturbée par ta blague et je trouve que cette plaisanterie n'est pas drôle !

- Guillaume...

- Non. Je te reparlerai quand tu auras arrêté tout ce délire. Sasha, s'il te plaît, fais attention... sur ces mots, il s'en alla en laissant la brunette désemparée. Alors qu'il passait le grillage de la sortie, il entendit quelqu'un hurler derrière lui.

- Je t'ai fais confiance ! Tu es horrible Guillaume Edgeworth ! Tu sais quoi ? Va au diable ! Je sauverais Thibault toute seule ! T'es qu'un lâche ! la dernière phrase avait été brouillée par des larmes et quand il s'était retourné, Guillaume n'avait trouvé face à lui que les visiteurs du parc qui regardaient la scène d'un œil attentif. Il passa le grillage et rentra chez lui, le cœur battant et les pensées embrouillées.

Sasha avait craqué et ses larmes avaient coulé pendant qu'elle rentrait chez elle en pleurant. Avant de partir au parc, elle avait demandé à Thibault de ne pas venir avec eux et, soudainement, elle le regrettait vraiment. Elle avait besoin de lui. Comme un drogué a besoin de sa came, comme un fumeur a besoin de sa nicotine, comme une violoniste a besoin de son violon et comme un pianiste a besoin de son piano. Comme par hasard, la pluie se mit à tomber et ses larmes se mêlaient à l'eau fraîche qui tombait du ciel.

- Maman ? Pourquoi la fille elle est triste ? demanda soudainement une fillette à sa mère.

- Je ne sais pas ma chérie. Sûrement une histoire de cœur mais ne nous mêlons pas de ce qui ne nous regarde pas ! répondit la mère avant de tirer sa mère.

Sasha sécha ses larmes et adressa un sourire faible à la petite fille avant que celle-ci se retourne. Elle soupira puis décida de rentrer chez elle. Sasha avait une violente envie de tout abandonner. De partir. D'arrêter le violon, d'oublier Thibault, Guillaume, Gaëlle et juste s'en aller. Elle prit alors sa décision. Elle allait s'enfuir !

Le soir même quand elle rentra chez elle, la jeune adolescente fit tout comme à l'accoutumée mais, discrètement, elle préparait un sac pour s'enfuir. Elle avait tout prévu dans sa tête. Quand toute la maison dormirait, Thibault inclu, elle s'enfuirait avec son sac, de la nourriture, de l'argent et son violon. Jamais elle ne laisserait son si précieux instrument loin d'elle et puis elle pourrait toujours en jouer dans la rue pour gagner de l'argent, non ?

- Encore des carottes ma chérie ? lui demanda son père pendant le repas, voyant que sa fille ne mangeait rien.

- Hein ? Euh, non merci !

- Alors un peu de gelée de prunes ?

- Non plus... la jeune fille déclina une dizaine de plats avant que son père trouve celui qu'elle veuille.

- Oh, j'ai fais de la mousse au chocolat avec des éclats de noisettes, tu en voudrais un peu ?

- Oui ! Sasha avala goulûment ce qu'elle imagina être son dernier dessert dans cette maison qu'elle chérissait tant. Puis elle prit une douche et se mit au lit tandis que Thibault lisait un livre.

- Sasha ? demanda-t-il au bout d'un moment.

- Quoi ?

- Comment crois-tu que j'aie réussi à jouer du piano, l'autre jour ? il avait dit ça de but en blanc en fixant ses iris vertes dans les gris de la violoniste. Elle avait presque oublié ça avec les événements de la journée.

- Je ne sais pas... Peut-être que tu peux en jouer pour aider une personne que tu aimes. Qui sait ? sur ces mots, elle se tourna dos à lui et fit semblant de dormir. Mais plus les heures passaient, plus l'adrénaline faisait battre son cœur rapidement.

Puis quand elle fut certaine que tout le monde dormait profondément, elle déposa sur son bureau la lettre qu'elle avait écrite au préalable et s'en alla. Sasha marcha d'un pas rapide jusqu'à la gare routière et pris le premier car qu'elle vit, espérant qu'il l'emmènerait loin. D'accord, c'était peut-être exagéré, irréfléchi et stupide mais elle avait besoin de couper les ponts avec tout ça. Tant pis si elle perdait le concours des jeunes talents, tant pis si Thibault, Gaëlle et Guillaume la détestaient, tant pis si James et ses parents s'inquiétaient. Elle leur avait expliqué tout ce qu'il fallait qu'ils sachent dans sa lettre et, maintenant, elle était en route pour une ville qu'elle ne connaissait pas. Elle frémit, serra son violon contre elle et posa la tête contre la vitre du car.

- Courage Sasha, tu es forte. Tu peux y arriver ! se souffla-t-elle à elle même. Puis ses yeux se fermèrent tout seuls et la brunette s'endormit.

Sasha observait la lumière vacillante des néons de la salle pendant qu'une vieille dame essayait de lui vendre de la confiture et de la gelée de coings.

- Non madame, je ne veux pas de gelée de coings !

- Et de la confiture ? De la bonne confiture ?

- Sasha Robber ! hurla une petite femme avant de venir ouvrir la cellule, ce qui empêcha à la violoniste de répondre à la vieille femme.

La violoniste qui sortit en tenant fermement ses affaires et suivi la policière jusque dans un bureau miteux et défraîchi; la peinture s'écaillait et les meubles étaient au bord de l'écroulement.

- Asseillez-vous ! ordonna la petite femme avant de quitter la pièce. La brunette attendit pendant dix longues minutes jusqu'à ce qu'un vieil homme ne se traîne dans le bureau et se laisse tomber sur la chaise branlante de l'autre côté du bureau de bois.

- Vous êtes Sasha Robber, c'est bien ça ? demanda-t-il d'une voix grave et douce à la fois.

- Euh, oui...

- Alors, jeune fille, pouvez-vous m'expliquer ce qu'une adolescente de dix-sept ans faisait à plus de trois milles kilomètres de chez elle ?

- Euh... Je me suis enfuie de chez moi...

- Et pourquoi donc ? Pourquoi avoir traverser la moitié du pays juste pour s'enfuir ?

- Euh... Alors... Il y a un de mes amis qui est mort mais le truc c'est qu'après sa mort je n'arrêtais pas de le voir et il me parlait et puis il y avait ce concours de jeunes talents et tout le monde avait tellement besoin de moi alors je les aidais mais... Mais personne n'a vu que j'avais besoin de quelqu'un... La fuite, c'est lâche. Mais c'était, à ce moment là, la solution de survie la plus évidente pour moi...

- Attendez, vous voyez des fantômes ? Comme dans Ghost Whisperer ?

- Euh non... Je ne vois que Thibault...

- Bon, je ne crois pas totalement à votre histoire farfelue mais vous avez l'air sincère. Vous avez juste craqué, ça arrive ! Ça fait quand même une semaine que vous errez ici sans vous faire attraper par la police, vous êtes douée mademoiselle ! Autant pour la fuite que pour le violon... Bon, je pense que l'argent que vous avez gagné en jouant dans la rue suffira largement à payer votre caution et un billet retour pour chez vous, non ?

- Mais... Je ne veux pas retourner chez moi ! Vous ne comprenez pas ? Il y a ma mère qui est horrible depuis sa fausse couche, mon père qui est toujours au travail, sûrement plus en train de tromper ma mère avec sa secrétaire que de travailler, mon frère qui traine avec des racailles et qui tape des gens, Gaëlle qui prétend ne plus pouvoir jouer de piano mais qui est juste en train de faire une dépression parce que Thibault est mort et qu'elle est persuadée que personne ne pourra plus jamais l'aimer et aussi Guillaume qui n'ose pas avouer ses sentiments à Gaëlle et qui trouve que je délire avec tout ça ! Je préférais rejoindre Thibault plutôt que de retourner là-bas ! Je vais faire un burn-out !

- Mais, mademoiselle, c'est la loi ! Vous êtes encore mineure et donc sous la garde de vos parents, il m'est impossible de vous relâcher dans la liberté sans être sûr que vous ne rentrerez pas chez vous...

- Bien... Je comprends... De toute façon je ne suis qu'une gosse, non ? Une gosse qui peut quand même choisir où elle veut passer les quatre prochaines années de sa vie ?

- Euh... Oui... Je suppose...

- Bien, je retourne voir madame marmelade ! Ne touchez pas à mon argent ! Si ils tiennent tant que ça à moi, ils viendront me chercher en prison plutôt que de m'attendre à la gare routière ! sur ces paroles, Sasha se leva, salua le policier et repartit s'asseoir avec la vieille dame vendant des confitures.

Les trois heures suivantes, les policiers tentèrent désespérément de trouver quelque chose dans la loi qui obligeait une personne de prison jusqu'à ce que la petite femme revienne, hurle sur tout le monde et que deux hommes sortent Sasha de force. Ils payèrent le billet de bus avec l'argent de la police et ordonnèrent au chauffeur de ne pas la laisser sortir jusqu'à qu'elle soit chez elle.

- Vous n'avez pas le droit ! Je... Je vais me plaindre à la police de mon état ! s'écriait la brunette en fulminant. Elle ne voulait pas retourner chez elle. Si elle s'était enfuie, ce n'était pas pour y retourner une semaine plus tard, si ? Elle soupira et posa ses jambes sur la banquette avant de prendre son téléphone et de mettre de la musique. Elle ne voulait pas de Beethoven, de Mozart, de Vivaldi ou même de Berlioz. Elle mit un morceau de Lindsey Stirling et se laissa entraîner par l'air vif qui roucoulait à ses oreilles. Surfant sur cette vague d'énergie, elle décida enfin d'enlever le mode avion de son téléphone pour voir si on lui avait envoyé des messages. Curieusement, voir qu'elle avait plus de milles appels en absences et messages non-lus ne l'étonna pas et elle regarda les derniers qu'elle avait reçus.

Message de: Guillaumychou

Sasha ! Stoplé, faut que tu reviennes! J'suis encore une fois désolé de ce que j't'ai dis! Ouais, mtn j'te crois! Tu sais, on le voit nous aussi! Par nous j'veux dire: Gaëlle et moi! Faut vraiment que tu reviennes! Vite vite vite vite vite vite vite!

Répondre à: Guillaumychou ? 」

「 OUI 」ou「 NON 」?

Sasha cliqua sur la case de droite et réfléchit. Était-ce vrai ? Gaëlle et Guillaume pouvaient voir Thibault ? Non, impossible ! Thibault était sa personnification d'anxiété ! Pas la leur ! À moins que son départ ne leur ai transmit son anxiété... Elle ricana intérieurement: elle délirait. Comment un "spectre d'anxiété" représenté par le garçon mort qu'elle aimait pourrait apparaître à ses amis ? C'était tout bonnement impossible ! Pourtant, l'idée continua de trotter dans son esprit tandis qu'elle continuait de lire les messages. Son cœur rata soudainement un battement quand elle tomba sur un message étrange.

Message de: Mamounette ♡

Ma chérie, c'est Maman. Je pense que tu le sais mais ce n'est pas grave. Je ne sais pas si tu va bien mais je l'espère. Ici, on ne va pas bien. Il y a deux jours, ton frère a fait une tentative de suicide. Il s'en remet mais il est toujours à l'hôpital. Il a été vu par deux psychiatres qui ont dit qu'il souffrait d'un fort trouble de la personnalité. Je sais que c'est assez grave et que je ne devrais pas te l'annoncer par message mais comme tu ne réponds pas au téléphone et que je ne sais pas quand tu reviendras... Tu avais raison... J'aurais mieux dû m'occuper de vous au lieu de m'apitoyer sur mon sort. J'ai pleuré parce que j'avais perdu un bébé alors que j'avais deux autre enfants, bien vivants, qui avaient besoin de moi. Sasha, si un jour tu reviens, passe par la maison. Nous t'attendrons toujours. Tu es notre fille chérie et nous t'aimons coûte que coûte. Je t'en pris ma chérie, prend les bonnes décision et agit sagement.

Bisou, Maman qui t'aime beaucoup.

Répondre à: Mamounette ♡ ? 」

「 OUI 」ou「 NON 」?



Sasha tremblait. Son frère avait tenter de se suicider ? Son frère qui était pourtant de nature si joviale avait éprouvé un tel désir de mourir qu'il avait tenté de mettre fin à sa vie ? Ou alors était-ce une séquelle de ce "trouble de la personnalité" ?

- James... Pas toi... murmura-t-elle. Et les larmes coulèrent. Elle les retenait depuis sa fuite. Elle s'était interdite de pleurer. Pour ses parents, pour James, pour Gaëlle, Guillaume et surtout pour Thibault. Au fond, ils lui manquaient tous énormément et elle était soulagée de rentrer chez elle. Elle prit la décision qu'elle répondrait à sa mère en face-à-face et, qu'une fois rentrée chez elle, elle règlerait tout les problèmes qu'elle avait cru pouvoir fuir en partant. Après avoir décidé de tout ça, Sasha s'endormit profondément et ne se réveilla que quelques heures avant d'arriver chez elle.

La brunette avait rassemblé ses affaires, avait salué le chauffeur et était sortie du bus. À présent, elle marchait d'un pas déterminé en direction de chez elle. Quand Sasha arriva devant la porte, elle décida de sonner et attendit qu'on vienne lui ouvrir. Son cœur s'emballa quand le visage de James passa par la porte. Elle lâcha ses affaires et sauta au cou de son frère.

- James ! James ! James ! James ! James ! James ! Tu va bien ? Ça va bien ? Tout va bien ? Ça va ?

- Euh... Oui... Et toi ? répondit son frère en passant la main dans ses cheveux.

- Oui oui ! Maman et Papa ne sont pas là ?

- Euh... Non... Ils sont allés acheter des rideaux... Pour la chambre d'amis...

- Mais personne n'y va jamais !

- Oui mais... Bref, entre ! la violoniste ne se fit pas prier et monta ses affaires dans sa chambre. Rien n'avait été bougé sauf la cage de Mia qui avait disparu.

- Où est Mia ?

- Chez Guillaume, c'est le seul qu'elle n'a pas mordu... James suivit sa sœur jusque dans la cuisine et Sasha en profita pour regarder les bras de son frère. Il y avait de longues cicatrices. Certaines étaient cachées par des pansements, d'autres non.

- James, dis moi... Pourquoi tu as fait ça ?

- Fais quoi ? demanda-t-il avant de regarder ses bras. Ah, ça ?

- Ce n'est pas à cause de cette noiraude, si ?

- Astrid ? Non ! Pas du tout ! Ne la mêle pas à tout ça, compris ?

- Oui oui... Calmes-toi !

- Hum, désolé... Je ne voulais pas m'emporter...

- Dis voir, pourquoi Maman et Papa sont allés acheter des rideaux ?

- Maman est de nouveau enceinte... Les médecins ont dit qu'à son âge c'était très risqué mais que si elle ne bougeait pas trop ça irait. Depuis que t'es partie c'est l'anarchie ! Gaëlle et Guillaume arrêtent pas de dire qu'ils voient Thibault, Papa et Maman sont dans leur délire de bébé et...

- Et toi tu as essayé de mourir

- Je me suis dit que... Vu que tu étais partie... Si je partais aussi, ils pourraient recommencer leur vie avec le nouveau bébé et...

- Ah ouais ? Je te savais pas autant stupide James ! « Tu vois Jean-Pascal ? Tu avais une grande sœur et un grand frère mais la première s'est enfuie pour vivre sa vie et le second s'est suicidé pour te permettre de vivre la tienne. Maintenant tu va vivre avec ce poids sur ta conscience durant toute ta misérable vie où on ne va pas cesser de te rabaisser en rappelant que ta sœur était une virtuose de la musique et que ton frère était vraiment très doué en sport ! » C'est ainsi que toute la lignée des Robber se dit rabaisser de génération en génération par la mémoire hantée de James et Sasha Robber, fin !

- Jean-Pascal ? C'est quoi ce nom pourri ? s'exclama James en éclatant de rire.

- Tais-toi et prépare ton futur acte de décès, il va falloir les faire souffrir ces Robber, nom de Zeus ! Sasha partit dans le même fou rire que son frère.

- Tu sais James ? Si tu étais mort, j'aurais toujours pensé que c'était de ma faute et je ne me le serais jamais pardonné. Tu comptes pour moi encore plus que ma propre vie !

- Toi aussi Sash' tu comptes pour moi... il parut gêné de dire ça et se gratta la nuque.

- Bon, je pense que je vais aller voir Guillaume et Gaëlle ! Si les parents reviennent avant moi, ne leur dit pas que je suis là, okay ?

- Okay !

Sasha savait où trouver ses amis. Ils seraient forcément au parc, par une si belle journée c'était obligé. Elle se rendit donc au dudit parc et chercha les deux musiciens jusqu'à ce qu'un air de guitare la guide dans un bosquet. Guillaume grattait frénétiquement les cordes de l'instrument tandis que Gaëlle le regardait en souriant. Lui aussi était là. Thibault était assis à côté de Gaëlle et, parfois, elle le regardait et lui soufflait quelque chose dans l'oreille. C'était réel. Gaëlle et Guillaume pouvaient voir le mort. Ce dernier planta alors son regard sur Sasha et se leva d'un coup. Il resta debout quelques secondes avant de courir jusqu'à la violoniste et de la prendre dans ses bras pour la faire tourner en l'air. Comme dans un film romantique, il la reposa et l'embrassa tendrement.

- Sasha... Oh mon dieu, Sasha ! s'écrièrent alors les deux autres en courant à leur tour. Ils sautèrent sur la brunette et la prirent dans leur bras.

- Sasha ! T'es revenue ! s'exclama Guillaume sans lâcher sa meilleure amie. Gaëlle affichait un sourire jusqu'aux oreilles et Thibault la regardait avec des étoiles dans les yeux.

- Vous m'avez manqués ! dit finalement la fugueuse en se détachant de l'étreinte de Guillaume.

Ils retournèrent s'asseoir en compagnie de Sasha et ils lui expliquèrent qu'après sont départ, ils avaient, eux aussi, commencé à voir Thibault. D'abord ce n'était que sa voix et son corps comme de la poussière puis ça c'était confirmé. Gaëlle en avait alors déduit que le départ de Sasha avait "débloqué" leur cerveau et "ôté le brouillard sur leurs illusions". Par la suite, la jolie pianiste avait avoué ses sentiments à Guillaume qui lui avait dit qu'ils étaient réciproques.

- Et toi alors ?

- J'ai traversé la moitié du pays pour finir dans une cellule avec une vieille sénile qui voulait me vendre de la confiture et après je suis sortie de la cellule puis j'y suis retournée et on m'a forcée à rentrer à la maison. Voilà...

- C'était de la confiture de quoi ? demanda Guillaume.

- De coings je crois... Je sais plus trop...

- Et t'en a pas pris ? Mais t'es nulle ! C'est la meilleure ! Sasha tu crains !

- Hey ! rigola la brunette, entraînant les trois autres avec elle.

Ils étaient comme avant, heureux ensembles et ils n'auraient échangé ce moment contre rien au monde.

Sasha déposa un dernier baiser sur les lèvres de Thibault. Ils avaient compris qu'ils ne pourraient jamais se raccrocher à ce spectre. Ils savaient que c'était malsain et ils avaient alors décidé de le laisser partir.

Guillaume, Gaëlle, Sasha. Ils étaient rentrés au conservatoire en étant quatre. Quinze ans plus tard, ils n'étaient plus que trois.

- Tu va me manquer... murmura la violoniste en s'éloignant du garçon.

Il la retint par le poignet et l'embrassa une dernière fois avant de s'évaporer en fumée. Jamais aucun des trois adolescents ne su comment il avait fait.

「 Trois années plus tard 」

Sasha était assise dans la cuisine et pelait des carottes quand son petit petit frère arriva en titubant. Il vacilla, tomba et se releva.

– Ça va ? demanda la jeune fille avec un sourire doux. Le garçonnet hocha la tête et s'approcha d'elle.

– Tu fais guoi ? demanda-t-il en regardant les carottes.

– J'aide maman à préparer le repas.

– Gool ! s'exclama-t-il en riant. James entra à son tour dans la pièce et attrapa le garçon avant de le mettre sur ses épaules.

– On fait le dada ?

– Ouais ! Le dada ! Le dada !

Les deux garçons firent un tour de la maison en courant jusqu'à ce James glisse et que le bambin ne s'ouvre le genou.

– James ! pesta Sasha tout en soignant leur petit frère.

– Désolé Sash'... J'ai pas fait exprès...

– Encore heureux !

– G'ande sœu' ?

– Oui ?

– Pouguoi le ciel est bleu ?

– C'est parce que les océans de la planète se reflètent dedans.

– Pouguoi les oiseaux volent ?

– Car ils sont fait comme ça.

– Pouguoi on peut pas avoi' un léza'd ou un hippotame ?

– Euh... Je sais pas...

– Pouguoi je m'appelle Thibault ?

– Ça c'est une longue histoire...

– Tu me la ragontera ? supplia le petit garçon en faisant de grands yeux tristes pour amadouer sa sœur. Cette dernière ne répondit pas et le pris dans ces bras en souriant.

La jeune fille se souvint quand elle avait retrouvé ses parents. Ils lui avait sauté dessus et serrée jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus respirer. Ensuite, sa mère lui avait annoncé leur déménagement après la naissance du bébé. Les parents de Sasha avaient décidé de déménager et étaient donc partis à Montréal, au Canada, tirant un trait sur leur ancienne vie chaotique. Là-bas, Sasha avait trouvé une place dans un petit groupe avec qui elle faisait quelques concerts et sorties. C'était eux, ses nouveaux meilleurs amis.

Sasha pensait souvent à Guillaume, Gaëlle et Thibault. Mais celui qui lui manquait le plus était ce dernier. Elle rêvait de ses baisers, de ses câlins, de leurs longues discussions. Même des années plus tard, Sasha aurait pu vous dire que oui, le Thibault vivant et celui qu'elle voyait après sa mort étaient bien le même.

Rien ne les différenciaient et Sasha était certaine de ça. Thibault vivait toujours, dans son cœur et il y resterait éternellement.

« Mon monde peut disparaître si il le souhaite. Ma vie peut s'en aller si elle le veut. Mais jamais rien ne me fera oublier ton sourire lors des soirs d'été, ta main dans la mienne pendant l'hiver ou tes étreintes tout au long de l'année car c'est toi que j'ai aimé et que mon cœur a choisi donc je défend mon cerveau de t'oublier. » – Sasha à Thibault avant qu'ils ne se quittent.