Juste une dernière lettre

histoire originale incomplète, 3 chapitres


Je m'appelle Eleanor mais tout le monde m'appelle Nora. Je n'ai jamais vraiment été très sociale et je ne me confis pas très facilement. Sauf à lui. Tout a toujours été plus facile avec lui. Ma famille porte un lourd fardeau sur ses épaules et mes parents ne font plus vraiment attention à moi. Ils se crient dessus durant des heures. Alors j'écris des lettres. Je dépose sur le papier tout mes problèmes, mes sentiments. Mais comme je n'ai personne à qui les envoyer, je vais sur la grève et les place dans une sorte de grotte miniature.

C'est ce que je faisais, jusqu'au jour où une lettre autre que les miennes est apparue. Une écriture soignée me répondait. Quelqu'un qui avait lu mes lettres et compris mes problèmes.

Ce jour là, j'ai su que je n'étais plus seule.

(J'avais écrit et consigné mes états d'âme et mes problèmes sur des lettres. Ces lettres, je les avais jetées sur la grève en pensant que personne ne les ramasserait. Le fait est que quelqu'un les a trouvées et ramassées et les a lues. Puis il m'a répondue. Sans savoir ni même mon nom ou connaître mon visage, il m'a répondue. Lui aussi a laissé une lettre. À l'endroit où je jetais les miennes. Et c'est alors que nous avons entretenu une correspondance totalement anonyme. Nous étions juste deux inconnus. L'une malheureuse, l'autre attentif.)

Cela fait deux mois que je ne vais plus en cours. D'une part car mes parents me l'interdise et d'une autre parce que je ne me sens pas la force d'y aller et d'affronter leurs regards. Les gens là-bas sont méchants. Encore plus avec ceux qui sont différents. Et pour être différente, je le suis. Avant tout « ça », j'avais de longs cheveux roses pâles. Mais maintenant ils sont redevenus bruns, ternes et courts. Ma mère ne veut pas que je me fasse remarquer dans la rue. Je la comprend. Vivre « ça » en tant que sœur n'est pas facile. Alors en tant que mère. Savoir que son fils a changé la vie de tant de gens. A modifié leur futur pour toujours. Ça doit être dur à supporter. Depuis quelques semaines, mes parents n'arrêtent pas de se crier dessus. Vas-y que je te traite de tout les noms, que je projette de divorcer, que je quitte la maison – pour revenir une demie-heure plus tard en pleurant – et cetera. Comme si ma vie n'était pas déjà un assez grand bazar, il a fallu que ma grand-mère tombe malade et doive venir à la maison. Et comme les deux autres sont trop occupés à se sauter au cou, j'ai été nommée infirmière officielle de la vieille dans le fauteuil. Ladite vieille n'a rien de grave, juste une grippe mais « à son âge on doit vraiment faire attention aux microbes ! » comme dirait ma mère.

J'ai commencé à écrire les lettres il y a trois mois environ. Avant que « ça » n'arrive. Au début c'était une occupation quelconque d'une adolescente perdue. J'avais besoin de savoir qui j'étais alors j'ai consigne toutes mes questions, mes problèmes et mes sentiments sur ces bouts de papiers. C'était juste censé être une échappatoire de ma vie étouffante. Depuis que mon frère était devenu bizarre, j'en avais ressenti le besoin. Alors j'écrivais. J'écrivais tout ce qui me passait par la tête. Les problèmes avec Marc, les problèmes avec mes parents, les problèmes au lycée. Ensuite, comme je ne pouvais pas les laisser à la maison et que je ne voulais pas les brûler, j'ai emmené ces lettres sur la grève et les ai cachées dans un trou caché par les fougères et des pierres. Je pensais que personne ne les trouveraient.

Mais j'ai eu tort. Le jour suivant, mes lettres avaient disparues et une nouvelle trônait au milieu du trou.

J'ai déposé la mienne et prit la nouvelle. Sur le papier jaunit, il y avait une écriture propre et nette. Elle me disait qu'elle avait lu mes lettres et me répondait. Répondait à mes questions, mes problèmes. Dès ce moment, je ne me suis plus jamais sentie seule. Même quand, deux semaines plus tard, j'ai perdu Marc. Mon frère, mon seul ami. Oui, Marc est mort. Et il a entraîné dans sa chute, des lycéens, des professeurs, des gens qui sont devenus connus.

Avant la tuerie, je n'étais pas si seule. J'avais quelques amis mais sans plus. Des sortes de bouches-trous. Oui, c'est un comportement de garce mais c'est ce que j'étais avant. Je trouvais mon frère vraiment cool avec son comportement stupide, ses actes fous et son côté tellement nonchalant. Comme si il avait tout les droits. Et même si il ne les avaient pas, il les prenaient. Je voulais être comme lui, je voulais être comme Marc. Mais je n'étais que Nora. La fille aux cheveux roses. Incapable de comprendre que son frère n'était pas cool. Juste extrêmement seul et triste. Car oui, vous pourrez toujours voir le côté meurtrier de mon frère mais je ne verrais que le côté réel. Celui du garçon qui a souffert et qui, dans un dernier acte désespéré a voulu exister. Enfin bon, revenons-en aux lettres. Après avoir lu la lettre signée par « Mr. Anonyme » je lui ai répondu. Et c'est de là qu'est partit notre échange par lettres interposées. Je ne connais pas sa voix ou son visage et pourtant je me sens en sécurité avec ses mots.

Mes parents ont décidé de me renvoyer à l'école. D'après eux, ils n'ont pas besoin d'une « loque » de plus à la maison. Peut-être que si, moi aussi, j'organisais une tuerie à l'école, ils me laisserait tranquille. Non ? En tout cas, je ne veux pas retourner au lycée. Les gens vont me regarder bizarrement. Je le sais. Ils l'ont toujours fait mais... Avant j'étais plus forte. Je me fichais de leurs critiques. Parce qu'il y avait Marc pour me protéger. À la télé, certaines personnes ont dit qu'elles pensaient que Marc avait fait ça parce que j'étais la cible de beaucoup de critiques. Ça se tient. Beaucoup des gens qu'il a tué étaient des personnes qui ne cessaient pas de se moquer de moi à cause de mes cheveux ou de mes vêtements. Je me demande souvent pourquoi est-ce que Marc a fait ça. D'après la police et les gens de la télé, Marc aurait fait ça car c'était un garçon perturbé. Il aurait voulu se suicider et en aurait profité pour tuer les gens qu'il jugeait néfaste à ma vie. Dans tout les cas, les médias me tiennent comme responsable en partie.

Bref, mes parents ont l'air décidé. Ils veulent vraiment que je retourne au lycée pour... Comment ont-ils dit déjà ? Ah oui, pour faire table rase du passé et montrer aux gens que nous ne sommes pas faibles. Ils veulent me faire porter le drapeau de la paix en fait. Ils m'envoient en plein champ de bataille avec seulement un drapeau blanc comme protection.

Ce soir, j'ai écris trois lettres. J'avais tellement de choses à lui dire ! Souvent, j'ai l'impression qu'il est le seul à me comprendre. À comprendre que Marc n'est pas l'assassin que tout le monde pense.

– Maman ? Je vais me promener !

– Tu vas où ?

– Sur la grève.

– D'accord. Fais attention à toi !

– Oui oui !