Soulmate AU

fanfiction Haikyuu!! incomplète, 3 chapitres


Kei Tsukishima n’avait qu’une seule envie : rester dans sa chambre et mettre de l’ordre ses affaires. Il avait emménagé le jour-même dans sa chambre d’étudiant et se trouvait déjà irrité par la vue des cartons et du désordre tout autour de lui. Mais Yamaguchi avait tant et tant insisté pour qu’il l’accompagne et il ne pouvait rien lui refuser alors il avait fini par craquer. Ils n’étaient là que depuis quelques heures et, déjà, une tonnes d’activités leur avait été proposées. C’est la soirée d’intégration du club de théâtre qui avait attiré l’œil de son meilleur ami. Depuis l’école primaire, Tadashi avait bien changé. Il était désormais bien plus extroverti qu’auparavant mais faire le premier pas lui semblait toujours insurmontable. C’est pour cette raison que Kei l’accompagnait la plupart du temps, pour que, si jamais, il lui reste une sortie de secours. Mais il savait comment ça se finirait : Tadashi rencontrerait de nouvelles personnes, ils feraient connaissance et Kei rentrerait au dortoir seul. C’est toujours ce qui arrivait. Pas que ça le dérange, au contraire, il était heureux de voir son meilleur ami sortir de sa zone de confort et se faire des amis. Quiconque se serait senti délaissé ou mis de côté. Mais pas Tsukishima. Il s’en fichait. Il avait survécu à la primaire et au lycée sans aucun autre ami que Tadashi et ça ne le dérangeait pas que les choses continuent comme ça.

Kei n’y connaissait rien au théâtre. Ce n’était pas un genre littéraire qui lui semblait intéressant à analyser et il ne voyait pas ce qui pouvait bien pousser autant de gens à vouloir changer de peaux et endosser les rôles d’autres personnes. Pourquoi fuir ses problèmes en réglant ceux de personnages fictifs ? Ça ne faisait aucun sens. Mais depuis quelques temps, Tadashi s’y intéressait de plus en plus. Il avait passé son année de terminale à préparer le spectacle de fin d’année et s’était totalement investit dans le club de théâtre de leur lycée. Heureusement que Kei était là pour l’obliger à réviser sinon il aurait probablement raté ses examens. Et puis il avait décidé de prendre une majeure littéraire à l’université et, de ce fait, ne partageait plus aucune classe avec Tsukishima qui avait choisi mathématiques. Mais ça ne les dérangeait pas plus que ça. Ils partageaient leur chambre et pourraient toujours manger ensemble à midi.

En suivant Tadashi dans les couloirs, Kei remarqua que beaucoup de personnes étaient déjà bien lancées alors qu’il n’était même pas vingt-deux heures. Il ne supportait pas les gens qui avaient besoin d’alcool pour profiter d’une soirée et Tadashi tira sur sa manche en le voyant lancer des regards dédaigneux de çà et là.

- Laisse-les tranquilles, Tsukki ! On vient d’arriver tu ne vas pas déjà te faire des ennemis ! Avec un grognement, le blondinet se reconcentra sur la touffe de cheveux verts qui s’élevaient et s’abaissaient au rythme des pas de son meilleur ami.

Finalement, ils tournèrent et débouchèrent sur l’auditorium où avait lieu la petite soirée d’intégration du club de théâtre. Kei Tsukishima n’était pas du genre à se faire des idées ou avoir des préjugés mais il ne s’attendait certainement pas à voir autant de personnes dans la salle. Et encore moins autant de personnes si différentes les une des autres. Entre autres, il remarqua un garçon qui, aux yeux du blond, semblait minuscule rigolait bruyamment avec un jeune homme massif qui semblait faire partie de la mafia avec son air sévère et ses cheveux longs retenus en un chignon serré à l’arrière de son crâne. Il se tenait bien droit, les bras croisés, tandis que son ami ricanait, causant un son irritant pour les oreilles de Tsukishima. Un crâneur à la coupe de cheveux ridicule (blond et long sur le haut du crâne, brun et court sur les côtés), arborant une boule brillant au bout de la langue allait de droite à gauche, un verre à la main, saluant tout le monde. Sur la scène, une grande perche surmontée de cheveux rouges indomptables dansait sans qu’il n’y ait aucune musique à côté d’un couple qui semblaient tenter de le canaliser.

Tsukishima suivit Tadashi dans la pièce et un garçon plus vieux leur tomba dessus, deux verres entre les mains et un sourire bienveillant et professionnel plaqué sur le visage.

- Salut ! Vous êtes là pour l’alcool ou vous êtes intéressés par le club ? Le blond laissa ses lèvres former un rictus. C’était donc ça ? La plupart des personnes présentes ne venaient que pour boire ? Les théâtreux étaient bel et bien des losers, au final. Bien sûr il ne dirait jamais à Tadashi qu’il pensait ça. Parce que son meilleur ami n’était pas du tout un loser. Mais toutes les personnes qu’il côtoyaient l’étaient, aux yeux du blond.

- J-je suis intéressé à vous rejoindre ! S’exclama le plus petit en esquissant un sourire sincère. En même temps, tout ce que Tadashi faisait était sincère. Jamais il n’était mal intentionné. Kei le regarda accepter un verre du jeune homme qui leur expliqua qu’il s’appelait Daichi Sawamura et qu’il était le président du club de théâtre. Une fois qu’il fut lancé, il ne s’arrêta plus, leur présentant plusieurs personnes dont Tsukishima oublia immédiatement les prénoms, les âges, les majeures et à peu près tout ce qui faisaient d’eux des êtres vivants à ses yeux. Lui aussi, avait pris le verre offert par Daichi, et le sirotait tout en suivant Yamaguchi dans la foule. Au bout d’un moment, alors que son meilleur ami se présentait à un rouquin minuscule, il se dit qu’il était temps pour lui de tirer sa révérence. C’est à ce moment très exact où, pour la première fois, il se dit que les étoiles existaient et qu’elles s’étaient alignées pour lui.

Posté dans l’encadrure de la porte de l’auditorium, un jeune homme capta toute son attention. Grand (mais moins que lui), musclé, un sourire radieux plaqué sur le visage et une paire de lunettes de soleil qui n’avaient rien à faire sur son nez vu qu’il était déjà tard et qu’ils étaient à l’intérieur. Sa peau agréablement bronzée se devinait sous le t-shirt orange fluo qu’il portait et se fondait esthétiquement avec ses cheveux mi-blancs, mi-gris, tirés vers l’arrière. Il était arrivé seul mais rapidement un petit groupe de personnes se fondèrent autour de lui, empêchant Tsukishima de continuer sa contemplation. Bien sûr qu’il était beau et qu’il l’intéressait. Mais surtout, Kei avait ressenti comme un choc électrique quand son regard s’était posé sur lui. Un sentiment désagréable était né dans sa poitrine. Mais pas si désagréable que ça… Comme s’il avait oublié quelque chose de très important.

L’air de rien, il se rapprocha du groupe. Il reconnut quelques personnes à qui il avait été présenté ; le rouquin avec qui Tadashi semblait bien s’entendre, le crâneur au piercing, la perche aux cheveux rouges et un garçon au crâne rasé et a l’air totalement idiot. Faisant mine d’être complètement absorbé dans la contemplation de sa boisson, il tendit l’oreille pour les entendre parler par-dessus la musique qui avait été lancée quelques instants plus tôt, signifiant le début officiel de la petite sauterie.

- Bokuto ! Ton t-shirt il déchire ! La voix criarde du rouquin surpris Kei mais il le fût encore plus par le ton enjoué et pourtant grave de celui qui répondit. Il avait déjà entendu cette voix. Mais où ?

- Merci, crevette ! Le tien n’est pas mal non plus ! Il étendit une main et vint ébouriffer affectueusement la tignasse criarde du plus petit qui le repoussa en riant. Kei était étonné de voir avec quelle grâce et simplicité le corps du nouveau venu (Bokuto, apparemment) se déplaçait dans l’espace. Il bougeait comme si le monde lui appartenait. Comme si cette université et toutes les personnes y étudiant étaient à lui. Le blond se surprit à trouver cette idée plutôt… réconfortante ?

Il s’était finalement décidé à partir quand le groupe se sépara et que Bokuto, relevant ses lunettes sur son crâne pour découvrir deux prunelles dorées, se planta devant lui. Tsukishima était heureux de constater qu’il mesurait quelques centimètres de plus que lui, forçant le garçon face à lui à lever légèrement le regard vers lui. Kei n’aimait pas quand c’était à lui de lever les yeux. Il se sentait vulnérable et ce n’était pas quelque chose qu’il appréciait particulièrement.

- Je t’ai déjà vu quelque part, non ? Demanda Bokuto, le sourire brillant et la main tendue. Kei secoua la tête et serra la paume qui lui était offerte.

- Je ne pense pas. Je m’appelle Kei Tsukishima.

- Bokuto. Koutarou Bokuto ! Je peux t’appeler Tsukki ?

- Non.

- Alors… T’es nouveau sur le campus, Tsukki ? Kei laissa glisser un rictus et haussa un sourcil. Habituellement, il ne supportait pas l’arrogance ou qu’on n’écoute pas ce qu’il dise. Mais une voix en lui souffla que ce n’était ni de l’arrogance, ni de l’insubordination. La même voix qui le poussa à répondre.

- Je suis arrivé aujourd’hui, en effet. Il avait parlé d’un ton légèrement ennuyé et baissa les yeux vers son verre avant de boire les dernières gouttes qui s’y trouvaient. Bokuto glissa une main sur son épaule et lui offrit un autre sourire éclatant.

- Si t’as besoin d’un guide, tu n’as qu’à faire appel à moi ! Je connais tout le monde ici ! Comme pour appuyer ses paroles, deux filles le saluèrent en passant. Kei remonta ses lunettes sur son nez et laissa son regard se porter sur la foule, désormais plus conséquente. Il remarqua Tadashi qui semblait en pleine conversation avec une fille aux cheveux blonds.

- L’offre est intéressante, merci. Mais qui me dit que tu ne fais pas ça juste pour te moquer d’un nouvel élève ?

- Oh, Tsukki ! Tu parles comme un vieillard ! Détends-toi ! Il lui tapota l’épaule avant de se tourner et d’attraper le verre d’un étudiant qui passait par-là, le remplaçant par celui, vide, de Kei. Le garçon rit quand il vit que c’était Bokuto et reparti en direction du bar. Le plus vieux tendit alors sa prise au blondinet.

- Aller, bois ! Profite !

- Non merci. Kei secoua la tête et décida qu’il était temps pour lui de partir. Il ne tenait pas à ce que cet étudiant plus vieux et, il n’allait pas mentir, totalement craquant, le corrompe. En plus, s’il restait, il risquait de se laisser aller et de rentrer dans son petit jeu de flirt ridicule. Et ce n’était pas son genre. Alors qu’il se dirigeait vers la sortie, Bokuto le rattrapa et lui tendit un bout de papier.

- Mon numéro de téléphone et celui de mon dortoir. Si tu changes d’avis. Il le glissa dans la poche arrière de son pantalon avec un clin d’œil et disparut sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit. Exaspéré, Tsukishima quitta la fête et retourna dans sa chambre.

Sans surprise, il s’endormit rapidement et, le lendemain matin, trouva Tadashi affalé sur son lit encore tout habillé. Un regard sur son réveil lui appris qu’il n’était que sept heures. Tant que son colocataire et meilleur ami continuait à dormir, il ne pourrait pas avancer dans ses rangements. Et désormais il était trop réveillé pour retourner dans les bras de morphée. Agacé, il enfila un short de sport et un t-shirt propre, laça ses baskets de course et emmena son casque et son baladeur. Avant de quitter sa chambre, il déshabilla Tadashi et le glissa correctement sous ses draps pour qu’il soit plus confortable pour dormir. Une fois à l’extérieur il put constater que c’était une belle matinée. Il faisait encore frais et la rosée s’éternisait sur les fleurs devant le bâtiment. Il lança une playlist au hasard et commença ses étirements, observant le ciel clair qui annonçait une journée ensoleillée. Si Tadashi n’avait pas trop la gueule de bois, ils pourraient peut-être pique-niquer dans le parc durant l’après-midi. Comme quand ils étaient plus jeunes. Il lui proposerait en rentrant.

Kei aimait courir. Ça lui permettait de se vider la tête et d’être tranquille pendant une durée indéterminée. Il trouvait toujours ça agréable d’être seul avec lui-même, de pouvoir se recentrer dès qu’il en ressentait le besoin. Quand il courait, il se concentrait uniquement sur le rythme régulier de sa respiration et de ses pieds contre le sol. Son esprit effaçait complètement le monde tout autour de lui. C’est pour cette raison qu’il ne remarqua pas tout de suite qu’on le suivait. En fait, il ne le remarqua pas du tout. Ce n’est que quand il s’arrêta à une fontaine pour boire une gorgée d’eau qu’il repéra la présence de quelqu’un derrière lui. Il tourna la tête et sursauta légèrement en s’apercevant de leur proximité. Le garçon face à lui faisait à peu près sa taille mais paraissait plus grand grâce à la masse ridicule de cheveux noirs qui s’élevait sur son crâne comme une crête. Il donnait l’impression d’avoir dormi d’un seul côté et d’être sorti sans se coiffer. Ce qui, bien évidemment, était ridicule. Il portait un t-shirt rouge, un legging sous son short de sport et un appareil photo entre les mains. Il observait attentivement Kei de ses prunelles noisette et un léger sourire se dessinait sur ses lèvres. Son sourire était étrangement familier. La manière dont les commissures de ses lèvres se redressaient quand il souriait, la fossette apparue à gauche ou l’inégalité de ses sourcils… C’étaient des détails que Kei n’aurait jamais dû repérer au premier coup d’œil. Tout comme le grain de beauté tout en haut de son front, à la naissance de ses cheveux. Néanmoins, nappréciant pas la manière dont il le dévisageait, Tsukishima recula et baissa son casque autour de son cou avant de demander :

- Un problème ?

- Je me présente : Kuroo Tetsurou. Je t’ai vu courir avant et… Je sais que ça va te paraître étrange mais… est-ce que tu voudrais bien poser pour moi ? Kei ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux de surprise et laissa échapper un ricanement moqueur. Qu’est-ce que c’était encore que cette histoire ? Il regarda à droite et à gauche, par-dessus la tête de son vis-à-vis pour chercher une caméra ou quoi que ce soit qui prouverait qu’il s’agissait d’une mauvaise blague. Mais rien.

-Je suis étudiant en photographie et ça fait un moment que je cherche un modèle pour mon travail de fin d’études ! Tu serais parfait ! Je t’ai observé et ton corps est parfait ! Il le pointa de ses mollets à son visage avant de relever son appareil entre eux.

- C’est un projet sur l’anatomie du corps humain et tous ceux à qui j’ai pu demander ont refusé.

- Je me demande bien pourquoi.

Déjà, Tsukishima relevait son casque et se remettait en route pour rentrer. Trop proche de ce garçon, la sensation désagréable qu’il avait ressentie la veille était revenue. Mais Kuroo, qui n’était pas près de le laisser s’en aller comme ça, se mit à courir à côté de lui. C’est qu’il était en bonne forme le bougre ! Kei avait beau accélérer, il tenait le rythme comme un professionnel. Au bout de dix minutes de ce manège, Kei s’arrêta à nouveau et fit volte face pour planter ses prunelles dans les siennes.

- Tu ne vas pas abandonner, n’est-ce pas ?

- Tu ne peux pas refuser sans avoir essayé au moins une fois, non ? Il était beau et il le savait ; ça se devinait dans sa manière qu’il avait de sourire et de le regarder. Il était confiant et droit et si Tsukishima avait écouté la petite voix en lui, il se serait sûrement jeté sur lui pour l’embrasser. Ce qui aurait été vraiment gênant comme situation. Il se félicita de son self-contrôle.

- Et si je te dis non ?

- Je continuerai à insister.

- Mphh. Kei n’avait pas le courage de continuer à se faire poursuivre par ce malade avec son appareil alors il finit par abandonner et lui donna son numéro de téléphone vu qu’il n’avait pas pris le sien avec. Arborant toujours ce même air félin, Kuroo le remercia et le laissa finalement partir. En retournant à son dortoir, Tsukishima se demanda pourquoi son cœur pesait si lourd dans sa poitrine ?

Une fois dans sa chambre, il constata que Tadashi dormait encore. Depuis toujours, il avait un sommeil extrêmement lourd. Et il ne tenait absolument pas l’alcool. Alors il valait mieux pour lui qu’il continue de dormir car un mal de tête colossal l’attendrait au réveil. Et Tadashi pouvait être affreusement irritable quand il était malade ou fatigué.

Après avoir pris une douche, Kei décida d’aller visiter un peu l’université. Les cours commenceraient la semaine prochaine et il préférait être déjà préparé à son nouvel environnement. Il aimait tout avoir sous contrôle. Cela lui permettait de ne pas perdre de temps avec les petites embrouilles du quotidien. Et puis il voulait se vider la tête.

Il déambula dans les couloirs de divers bâtiments pendant plus d’une heure, observant les vas et viens des autres étudiants, certains les bras chargés de cartons, d’autres portants avec peine leurs gueules de bois. L’architecture autour de lui changeait d’un pavillon à l’autre, tantôt vieillarde et ancrée de souvenirs, tantôt minimale et futuriste. Il fit un tour des différents dortoirs aussi où les ambiances changeaient elles aussi du tout au tout. C’était intéressant de pouvoir observer ainsi. Agréable aussi. Tous ces visages inconnus, ces lieux nouveaux. Il trouvait un certain confort dans son ignorance. Ça lui prouvait qu’il lui restait des choses à accomplir. Son frère, Akiteru, lui avait souvent dit qu’il était important de nourrir son intérêt. Pour quoi que ce soit. Mais il l’avait souvent poussé à découvrir de nouvelles choses, contre son gré, pour qu’il ne s’ennuie jamais.

Perdu dans ses pensées, les pieds de Kei le conduisirent d’eux-mêmes jusqu’à la bibliothèque. Il y entra et constata que seuls quelques étudiants s’y trouvaient, cachés derrière des piles de livres, le nez planté entre les pages de vieux ouvrages. Se glissant entre les rayons, il trouva un document sur une méthode de statistiques dont il n’avait jamais entendu parler. Son intérêt piqué, il emmena le livre à une table vide et s’y installa pour le consulter. Il n’était pas très long et Kei comprenait facilement. En un temps record, il l’avait terminé. Mais l’ambiance sérieuse et calme de la bibliothèque lui donnait envie de rester encore un moment. Après tout, il était encore tôt et Tadashi n’émergerait sûrement pas avant le milieu d’après-midi. Il se dirigea à nouveau vers les rayons et choisit plusieurs documents avant de revenir à sa place. Un garçon s’était installé à la même table durant son absence, en biais à sa position. Comme tous les autres étudiants présents, son visage était penché sur un cahier. Tsukishima distingua tout de même ses longs cils et devina deux yeux bleus dissimulés sous ses cheveux noirs mal coiffés. Il se demanda si c’était quelque chose de courant, quand on avait les cheveux noirs. Peut-être que cela les rendait plus difficiles à gérer ? Il haussa les épaules et se réinstalla sur sa chaise, ouvrant un nouvel ouvrage sur la statistique bayésienne.

Quand Kei se mettait à lire, il pouvait y passer des heures sans ne plus faire attention à ce qui l’entourait. Comme pour la course, c’était un exutoire agréable. Mais encore meilleur vu qu’il apprenait des tonnes de nouvelles choses. Il appréciait obtenir des savoirs rien qu’en ouvrant les pages d’un livre. Il se sentait intelligent et plein de capacités. Mais cette fois-ci, il avait de la peine à se concentrer. Déjà parce que le garçon en face de lui était vraiment beau. Mais qu’en plus il n’arrêtait pas de l’observer. Ce n’était pas compliqué à savoir, même sans relever les yeux. Son voisin de table écrivait quelque chose dans son carnet puis l’observait et continuait d’écrire. C’était un comportement aussi louche que celui du photographe qu’il avait rencontré plus tôt. Ne pouvait-il donc pas être tranquille nulle part dans cette université ? Au bout d’un moment de ce manège, excédé, il se redressa sur sa chaise et capta le regard de l’étudiant, le foudroyant de ses yeux bruns. Il ne put s’empêcher de remarquer à quel point il était beau ; un visage parfaitement proportionné qui lui donnait un air angélique, des yeux surmontés de cils ridiculement longs, une bouche rose et délicate. Si les deux autres garçons qu’il avait rencontrés auparavant étaient charmants, ce que celui-ci dégageait était carrément envoûtant. Et le sentiment qui l’étouffait depuis la veille le prit à la gorge une nouvelle fois. Il en oublia ce qu’il avait prévu de lui dire et replongea le nez sur son livre, honteux. Il entendit alors son voisin rassembler ses affaires et ranger ses cahiers, prêt à partir. Kei s’en voulut de lui avoir lancé un regard si sombre et se ratatina un peu plus sur sa chaise. Il fut surpris quand il entendit un papier glisser dans sa direction. Le temps qu’il rassemble le courage d’oser le prendre, son expéditeur avait disparu.

Kei déplia la feuille et cligna trois fois les yeux sous la surprise. Sur le papier se trouvait un dessin très délicat de lui en train de lire. Les traits du stylo étaient légers et grâcieux et il sentit une vague de gêne le remplir. Il avait mal réagi et avait fait fuir ce garçon. Maintenant il ne pourrait pas le remercier… Il s’en voulait vraiment. Ce n’était pas inhabituel que les gens comprennent mal ses intentions à cause de son regard naturellement dur mais il n’aimait pas être intentionnellement mauvais envers des inconnus. En repliant soigneusement la feuille, il vit une inscription à l’arrière. Un nom et un numéro de téléphone. Akaashi Keiji. Même son nom était beau. Frustré, Kei fourra le papier dans la poche arrière de son pantalon et alla ranger les livres qu’il avait emprunté. Il voulait rentrer et parler à Tadashi de ce poids qui lui serrait la poitrine sans qu’il ne puisse mettre un nom sur cette sensation.

Alors qu’il se dirigeait vers la sortie, il se figea ; Bokuto, le garçon de la veille se trouvait là. Encore plus beau que la première fois qu’il l’avait vu. Il portait un pantalon noir et un t-shirt assorti qui lui collait à la peau, faisant ressortir le teint hâlé de celle-ci ainsi que ses muscles. Ses cheveux bicolores étaient retenus en arrière à l’aide d’un serre-tête noir. Il était en pleine conversation avec Kuroo, le photographe, qui lui n’avait pas changé depuis leur rencontre le matin-même. Et entre les deux, le délicat Akaashi, plus petit mais tout aussi imposant, les regardait en secouant la tête. Tous trois se trouvaient à moins de dix mètres de Tsukishima. Ils étaient à la sortie de la bibliothèque, debout sous un arbre. Il ne pouvait pas s’enfuir. S’il voulait partir, il devrait forcément passer devant eux. Un malaise le prit. Sa gorge se serra. Il voulait retourner dans sa chambre au plus vite. Quelle drôle de coïncidence que les trois se connaissent, d’ailleurs. Comme si la vie lui faisait une blague. Parce que même s’il aurait voulu affirmer le contraire en prétendant, par exemple, que Bokuto semblait trop stupide ou Kuroo trop collant, il ne pouvait nier qu’il avait ressentit une certaine attirance pour les trois garçons. Et se retrouver ainsi face à eux, c’était un coup du sort. La sensation dans sa poitrine redoubla. Il songeait presque à repartir dans la bibliothèque quand le timbre de Bokuto le fit sursauter.

- Tsukki ! Tu te rappelles de moi ? Bokuto ! On s’est rencontrés hier soir !

- Bien sûr qu’il se rappelle de toi, Koutarou. Personne ne peut t’oublier. Ignorant la réplique du photographe, le bicolore sautilla, littéralement, dans sa direction et ses doigts se glissèrent autour de son poignet pour l’entraîner vers les deux autres qui avaient l’air sérieusement confus. Son geste était si naturel, si logique que Kei ne tenta même pas de se défaire de son emprise et le suivit docilement vers les autres.

N’importe qui, les ayant rencontrés les uns après les autres, se serait dit que le quatuor qu’ils formaient était étrange et inattendu. Mais à cet instant-là, Kei se sentait bien. Bien dans un sens où sa gorge et sa poitrine s’étaient libérés instantanément. Bien dans un sens où son envie d’embrasser Kuroo, les doigts de Bokuto autour de son poignet et le regard d’Akaashi sur lui n’étaient que des choses normales.

- Toi aussi, tu le ressens ? Finit par demander Kuroo, une certaine appréhension dans le regard. Quiconque se serait demandé de quoi il parlait. Mais Kei acquiesça doucement.

- Je le savais ! Je vous l’avais dit ! S’exclama Bokuto juste à côté de lui, lâchant son poignet pour lever les bras au-dessus de sa tête. Akaashi restait silencieux, ses yeux bleus ne le quittant pas.

- Qu’est-ce que ça veut dire ? La voix de Tsukishima était remplie d’incompréhension. Parce qu’il ne comprenait pas totalement la situation. Il devinait que les trois autres avaient des réponses à lui offrir. Et même sans savoir quelles questions poser, il voulait tout savoir. Akaashi finit par lui sourire doucement avant de se mettre à parler.

- Ma grand-mère aimait bien me raconter une histoire. D’après elle, nos sentiments sont intemporels. Et où que l’on soit, on finit par trouver ceux qui nous complètent. Parfois il s’agit d’une seule personne. Parfois de plusieurs. Je pensais qu’il s’agissait d’histoires idiotes. Ma grand-mère aimait bien fabuler. Et puis j’ai rencontré Bokuto au lycée. Et quelque chose en moi a changé. Je n’en avais pas conscience avant. Comment peut-on ressentir le manque de quelque chose qu’on ne connaît pas ? Kei haussa les sourcils, était-ce vraiment la vérité ? Une vieille histoire d’âmes sœurs racontée par une vieille femme probablement sénile à un petit garçon très certainement naïf ? Ça ne pouvait pas être ça. Et pourtant... Ça faisait sens, en quelques sortes. Bokuto continua le récit.

- Le problème c’est qu’une fois qu’on s’était trouvés… Le vide a commencé à grandir. Parce qu’on savait qu’il nous manquait quelqu’un. Tu vois, le genre ? On s’aimait beaucoup mais ça ne nous suffisait pas. Quelque chose s’était ouvert en nous. Et Kuroo est arrivé. C’était comme une évidence.

- Quand ils m’ont expliqué leur histoire, j’ai d’abord cru qu’ils étaient dingues. Mais j’ai vite compris que c’était vrai. Tu connais ce sentiment, non ? Même sans savoir pourquoi ou comment, tu l’as ressenti toi aussi en nous rencontrant. Le blond hocha la tête, quand même toujours sceptique. Akaashi reprit, sa voix encore plus douce et tendre qu’auparavant.

- Je t’ai vu hier, quand tu emménageais. Et j’ai tout de suite su. Bokuto t’as rencontré par hasard hier soir et pareil pour Kuroo. C’étaient des coïncidences. Mais à chaque fois, on savait. Tu es la clé de l’énigme. La question et la solution. Tu es ce qui manque à notre bonheur, Tsukishima. C’était si niais… Kei aurait voulu se moquer. Leur rire au nez et aller retrouver Tadashi pour lui parler de la bande de dingue qu’il avait rencontré en se promenant sur le campus. Mais il ne pouvait pas se mentir à lui-même. Il avait ressenti tout ça. Les sentiments de déjà-vu, cette pression dans sa poitrine. Même cette histoire, maintenant qu’il y pensait, lui semblait connue et familière.

- Si je décide de partir aujourd’hui et de ne plus jamais vous voir, je ressentirai aussi ce manque ? Et si je me rends compte que je suis déjà amoureux de quelqu’un d’autre ? Pourquoi moi ? Qu’est-ce qu’on a en commun ?

- Tu penses trop, Tsukki. Réfléchis moins avec ta tête et plus avec ton cœur. Répliqua Kuroo en pausant sa paume sur sa poitrine. Ce simple contact lui envoya une vague de chaleur partout dans son corps. C’était la première fois qu’ils se voyaient et pourtant Kei se demanda combien de fois déjà Kuroo l’avait touché ainsi dans le passé. Pas dans cette vie, peut-être une autre. Peut-être que c’était quelque chose de personnel entre eux. Tsukishima n’était pas du genre à pleurer. Ni à se baser sur son cœur. Il aimait les faits et les observations. Il aimait les certitudes et de savoir où ses prochains pas le mèneraient. La paume du noiraud quitta son torse pour venir effleurer sa joue, recueillant une larme. Kei déglutit et Bokuto vint se poster à sa droite, entrelaçant ses doigts avec les siens, posant sa tête sur son épaule. Une seconde vague de chaleur l’envahit. Un certain confort aussi. Quand Akaashi se joignit à eux, appuyant ses lèvres sur sa tempe, le forçant à se baisser un peu, un feu d’artifice explosa en lui. Ils avaient raison. C’était sa place. Il était la pièce manquante. Ils étaient ce qu’il avait passé sa vie à chercher sans même en être conscient. Les larmes redoublèrent, silencieuses et disparates, salissant ses lunettes. Le trio lui offrit un sourire réconfortant et Bokuto frotta son crâne contre son épaule comme un petit animal tandis que Kuroo sortait un mouchoir pour lui permettre de s’éponger les yeux.

- Toi aussi tu le ressens désormais, non ? Nous sommes complets. La voix d’Akaashi coulait comme du miel dans ses oreilles. Il opina du chef et leur sourit à son tour. C’était certainement la journée la plus étrange de toute sa vie. La veille, il n’était même pas conscient qu’ils existaient. Quinze minutes plus tôt, il cherchait encore une manière de les éviter. Et désormais il ne se voyait même plus vivre sans eux ? C’était du jamais-vu. Qu’allait-il bien pouvoir raconter à Tadashi ? Et Akiteru ? Ils allaient le prendre pour un fou, c’était sûr.

Mais il s’en fichait. Il les regarda tour à tour et laissa échapper un petit rire. Toute cette situation était absolument absurde. Kuroo haussa un sourcil et Bokuto pencha la tête sur le côté. Akaashi croisa les bras sur sa poitrine.

- Je suis désolé mais tout ça ne fait pas de sens… Je… Je vais rentrer. Il se sentait bien. Mieux qu’il ne s’était jamais senti auparavant. Mais c’était trop à encaisser. Son cerveau ne suivait plus. Bokuto lui offrit le sourire le plus doux et sincère qu’il pouvait et effleura sa pommette.

- Je comprends que ça peut être dur à encaisser. Prends ton temps. On sera toujours là pour toi. C’est dans l’ordre des choses. Kei déglutit et finit par acquiescer avant de tourner les talons. Son cœur allait exploser dans sa poitrine. Ses mains et ses jambes tremblaient. Sa tête était à la fois extrêmement pleine et complètement vide. S’il avait bien une certitude, c’est que les larmes qui continuaient de s’échapper de ses yeux n’étaient pas là pour exprimer de la tristesse.

Quand Yamaguchi vit arriver son meilleur ami en larmes, il sut immédiatement que quelque chose clochait. Jamais il n’avait vu Tsukishima pleurer. Et ils se connaissaient depuis très longtemps ! Inquiet, il se jeta sur lui à la porte et s’agrippa à son t-shirt pour l’enlacer. Dès qu’il avait un chagrin, Tsukki le prenait dans ses bras. Il pouvait bien le lui rendre. Tendrement, Kei le repoussa à l’intérieur de la pièce et ferma la porte derrière eux.

- Je vais bien, Tadashi, pas besoin de me serrer comme si je revenais de la guerre.

- Mais c’est que… Je ne t’ai jamais vu pleurer avant, Tsukki ! Que s’est-il passé ? Le blond lui sourit et l’obligea à lui laisser un peu d’espace avant d’enlever ses lunettes pour les essuyer avec le bas de son t-shirt. Une fois les verres un peu plus propres, il les remit sur son nez et haussa légèrement les épaules.

- Dis-moi, Tadashi… Est-ce que tu crois au destin ?

Assis en tailleur sur son lit face à son meilleur ami, Yamaguchi n’était pas sûr de comprendre ce qu’il venait de lui expliquer. En fait, il ne comprenait absolument rien à ce que Kei était en train de raconter. Comment ça, une pièce manquante ? Une relation intemporelle ? Des sentiments qui parcouraient le temps ? Des âmes sœurs ? A son humble avais, tout ça n’était que des bêtises. Mais la manière dont Tsukishima en parlait lui donnait envie d’y croire. Jamais il n’avait vu son meilleur ami aussi investit dans une histoire farfelue comme celle-ci. Kei n’aimait pas les histoires et encore moins les farfelues. Kei aimait les faits et les connaissances qui se basaient sur du concret. En plus, ce n’était pas son genre de s’intéresser autant à quelque chose. Habituellement, il restait un peu au-dessus de tout et gardait un œil critique sur la situation. Mais cette fois-ci, il y avait plongé la tête la première.

- Je ne sais pas quoi faire, Tadashi. Je commence déjà à le ressentir… Le sentiment de manque. J’ai mal au cœur.

- Ça m’a l’air hautement négatif comme affaire… Tu ne devrais pas les revoir. Il était sceptique et peut-être un peu jaloux. Mais surtout, il ne voulait pas voir Tsukki souffrir. Peut-être que s’il restait éloigné des trois autres, la douleur finirait par passer et il rencontrerait quelqu’un d’autre qui ne le transformerait pas en un Tsukishima pleurnicheur et incertain.

- C’est une douleur agréable. Comme… Je ne sais pas. Je n’ai pas les mots pour ça. Tadashi, qu’est-ce que je suis censé faire ? Toute cette histoire ne faisait vraiment pas de sens. Pourquoi Tsukishima parlait comme ça ? Pourquoi ses yeux brillaient de cette manière ? Le plus petit serra les poings et sauta de son lit.

- Je vais aller les voir. Dis-moi comment ils s’appellent et je vais les retrouver.

- Tu es sûr ?

- Certain. Le blond se leva et attrapa un bout de papier sur son bureau. Tadashi lui tendit un stylo et il y écrivit leurs noms. Akaashi Keiji. Bokuto Koutarou. Kuroo Tetsurou. Yamaguchi prit le papier et hocha un coup la tête avant de sortir de leur chambre, le pas assuré. Il avait une mission. Il devait s’assurer qu’ils étaient assez bien pour Tsukki. Qu’ils ne le blesseraient pas. En demandant à droite et à gauche il finit par trouver la chambre qu’ils partageaient les trois ensembles, deux étages en dessous de la leur. Ils étaient donc dans le même bâtiment. Encore une coïncidence, sûrement. Il voulait taper contre la porte mais il se raviser. Qu’est-ce qu’il pourrait bien leur dire ? Qu’est-ce qu’il ferait une fois face à eux ? Il ne pouvait pas simplement leur dire de laisser Tsukki tranquille et encore moins