Bizarrement differents

histoire originale incomplète, 19 chapitres


– Violette ! Ne va pas vers la lumière ! une voix s'élevait dans la nuit et la jeune fille tressaillit. Elle avait tant l'impression de la connaître et pourtant, elle ne parvenait pas à mettre un visage dessus. Des bras puissants l'empoignèrent et la poussèrent dans la lumière. Devant elle se trouvaient ses amis. Ils étaient tous là: Marvin, Laureen, Winnie, Stanley, Walter, Alfred, Helena, l'immortelle et puis cette fille avec un prénom bizarre. Impossible de dire comment elle s'appelait. Pourtant, elles se connaissaient, elle savait son prénom mais les mots lui manquaient.

La jeune fille se réveilla en sursaut, se relevant rapidement dans son lit. Elle tapota à la recherche de ses lunettes et les plaça sur son nez. Autant étrange qu'il puisse n'y paraître, ce rêve-là n'était pas le sien. Enfin, si. Elle le faisait bien chaque nuit mais elle n'était pas Violette. Non, elle, elle était la fille au prénom étrange. Et chaque nuit, elle l'oubliait.

La voix, elle la reconnaissait par la suite. C'était celle de Winnie, son amie. Pourtant, elle lui semblait étrange comme détraquée. Mais ce n'était qu'un détail. Pour le moment.

De Violette Collins l'immortelle à Winnie Stevens la détective, en passant par Pomme Osborn le petit génie et Helena Newton la fille parfaite, il n'y a qu'un pas.

Une bande d'adolescents qui ne se connaissaient pas et qui se retrouvent liés par un secret c'est banal, n'est-ce pas ? Mais quand le secret en question concerne l'origine même de la mort, cela devient bien moins banal, je peux vous l'assurer.

Violette se levait toujours tôt, dans l'espoir d'éviter ses parents et leurs incessantes discussions sur l'importance de l'héritage de leur "don". Car oui, pour l'adolescente ce n'était pas un don mais une malédiction. Bien sûr, elle ne pourrait pas mourir avant d'avoir atteint un certain âge mais sa famille faisait un tel foin autour de ça qu'elle en avait marre. Dès qu'elle était née, elle avait baigné dans l'histoire de sa mère.

« Agathe Oliver a vécu beaucoup d'aventures. » ou encore « Ta mère était très courageuse; elle l'est encore d'ailleurs ! » Violette aurait aimé ne pas vivre comme ça, naître dans une autre famille. Une famille qui n'avait pas le pouvoir de l'immortalité par exemple. Dès qu'elle avait atteint l'âge de trois ans, ses parents avaient commencé de petites expérimentations pour voir si elle aussi avait l'immortalité et, malheureusement pour Violette, elle l'avait. Ça avait commencé gentiment, par une coupure avec une feuille sur le doigt. La plaie s'était refermée directement, confortant ses parents. Bien sûr, ils l'auraient aimée qu'elle soit immortelle ou pas mais cela les rassurait qu'elle aie le même don qu'Agathe. Comme ça, elle ne pourrait pas se blesser bêtement comme tous les autres enfants le font à son âge. Souvent, Violette détestait ses parents et ce don qui lui pourrissait la vie. Car, par dessus le marché, elle devait le garder secret et Violette était une très mauvaise menteuse. Incapable de garder un secret ou une surprise très longtemps.

La jeune fille s'habilla soigneusement, portant la chemise blanche, la jupe noire et le blazer de son uniforme. Elle fit une tresse avec ses longs cheveux noirs et posa un maquillage léger. Elle ajouta des bottines à sa tenue et attrapa son sac à dos mais alors qu'elle était sur le point de sortir, la voix de sa mère retentit dans son dos.

– Tu t'enfuies encore ? demanda-t-elle, une pointe de reproche dans la voix. Violette soupira et se retourna face à Agathe qui lui sourit.

– Ma chérie... Ça fait un mois que tu pars tôt tous les jours et que tu rentres tard... Tu nous évites, ça se voit et, ton père et moi, en sommes désolés... C'est notre faute...

– No-non pas du tout ! se hâta-t-elle de répondre, rougissant jusqu'aux joues. Sa mère éclata d'un rire doux puis la laissa partir à l'école.

Violette se dépêcha de rejoindre ses amis, Marvin et Laureen. Eux trois se connaissaient depuis toujours mais Violette n'avait jamais eu le courage de leur révéler son secret et évitait souvent les choses dangereuses où elle risquait de se blesser, la faisant passer pour une fille fragile.

– Vous avez fait le devoir pour le professeur Black ? lança Marvin en croisant ses bras derrière la tête. Laureen haussa les épaules, signe qu'elle ne voyait même pas de quoi il parlait tandis que Violette sortait ledit devoir de son sac, le tendant à ses amis. Au passage, elle se coupa le doigt mais la coupure se referma aussitôt. Laureen la remercia en lui faisant un câlin tandis que Marvin lui sourit.

– Merci sauf que moi... Je l'ai déjà fait ! s'exclama le garçon en riant. Laureen lui envoya alors ses cheveux bruns dans la tête en faisant un mouvement digne d'une pub pour shampoing et se dirigea vers leur classe pour copier la feuille de Violette.

Cette dernière, accompagnée de Marvin, resta quelques instants dans la cour, regardant les autres adolescents plutôt normaux qui entraient. Certains semblaient stressés, sûrement à cause des examens de fin d'année qui approchaient, tandis que d'autres riaient bruyamment avec leurs amis, ayant hâte des vacances d'été. Une fille, assez petite, semblait crier après un garçon qui s'était perché dans un arbre et elle pouffa tout bas: « quelle idée que d'aller se percher dans un arbre à huit heure du matin ? ». Finalement, Marvin et Violette allèrent retrouver Laureen et Wes, son cousin. Marvin les salua tandis que la noiraude allait déjà à sa place. Elle n'aimait pas Wes et son comportement de playboy jouant avec le coeur des filles. La moitié du lycée avait déjà dû sortir avec lui et cela la répugnait, elle qui croyait encore au prince charmant.

Quand le professeur d'histoire entra dans la classe, les conversations se stoppèrent et tous retournèrent à leurs places.

– Bonjour tout le monde ! lança le professeur Black de sa voix enjouée, relevant ses lunettes sur son nez. C'était un homme d'un certain âge avec beaucoup de sagesse et qui était passionné par l'histoire et l'enseignement et ses élèves. Ces derniers lui répondirent, tout aussi enjoués et le cours commença. Ils parlèrent de la deuxième guerre mondiale et de super soldats américains qui auraient été invincibles.

– Comment ça, Invincibles ? demanda Violette, grandement intéressée par cela. Peut-être étaient-ils comme elle: immortels ?

– Et bien... Personne n'est vraiment sûr mais durant la seconde guerre mondiale, les américains ont envoyé au front une vingtaine de soldats contre les Japonais. Il paraîtrait qu'aucun d'eux n'est mort alors que la plupart des Japonais étaient gravement blessés ou morts... Intriguant n'est-ce pas ? l'ambiance dans la classe avait tourné et le cours, habituellement comique était devenu plus sombre.

– Vous croyez vraiment que des monstres immortels existeraient ? c'était une fille de la classe, Ashley, qui avait posé cette question. Le coeur de Violette rata un battement; était-ce comme ça que les gens la verrait si elle révélait son secret ? Comme un monstre incapable de mourir ? Un danger pour les autres, une machine à tuer ? Son teint devint pâle et sa tête se mît à tourner, ce que le professeur remarqua tout de suite. Il demanda alors à Laureen et Marvin de l'accompagner à l'infirmerie, dans un autre bâtiment.

Alors qu'ils arrivaient devant l'entrée, une jeune fille les percuta de plein fouet et fit tomber Violette assez violemment.

– Oh non, je suis désolée ! Ça va ? la noiraude opina du chef en se relevant et regarda celle qui l'avait faite chuter. Elle la fixait de ses grands yeux noisette en affichant un petit sourire comme pour dire « Oups, je t'avais pas vue, tu me pardonne ? Tu veux pas devenir mon amie au passage ? » et Violette n'aimait pas particulièrement ce genre de personnes bien que Marvin en face partit.

– Oui, ça va... Tu as juste accentué un peu plus mon mal de tête... elle soupira puis se remit en route en compagnie de ses deux amis. Pourtant, l'autre jeune fille ne voulait pas lâcher l'affaire.

– Je suis vraiment désolée ! Si tu veux, je te payerai un truc pour m'excuser ! Si tu me cherches, je serai dans la salle 404, Winnie Stevens ! elle lui lança un large sourire avant de repartir en courant, laissant les trois amis au milieu du couloir.

Comme d'habitude, Winnie s'était réveillée en retard et avait dû courir pour attraper son bus. En chemin, elle s'était rendue compte qu'elle avait oublié de mettre son uniforme et de prendre le bon sac et avait rebroussé chemin. À cause de cet incident, la pauvre devait attendre le prochain bus qui l'emmènerait à l'école avec vingt minutes de retard.

– Je vais encore me recevoir un mot... elle soupira et monta dans le bus. Comme à son attente, il était vide. Elle salua le chauffeur, lui montra sa carte et s'installa à une place vide. Vu qu'elle avait vingt minutes de bus devant elle, la jeune fille sortit un manga de son sac et se mît à lire. Rapidement, elle fut complètement absorbée et rata trois arrêts avant de s'en rendre compte. Elle sortit donc en trombes et couru jusqu'à son lycée où elle se retrouva face aux grilles fermées qu'elle escalada sans trop de peine puis elle se précipita à l'intérieur du bâtiment mais à peine arrivait-elle devant le bon escalier du premier étage qu'elle fonça violemment dans une personne.

Vraiment, ce matin-là, Winnie Stevens ne s'était pas bien réveillée.

– Oh non, je suis désolée ! Ça va ? Winnie n'aimait pas blesser les autres et détestait ce genre de situations.

– Oui, ça va... Tu as juste accentué un peu plus mon mal de tête... la jeune fille se releva avant de soupirer; elle avait l'air vraiment fâchée. Winnie avait l'impression de la connaître — impression normale en sois vu qu'elles étudiaient toutes deux dans le même lycée.

– Je suis vraiment désolée ! Si tu veux, je te payerai un truc pour m'excuser ! Si tu me cherches, je serai dans la salle 404, Winnie Stevens ! elle lui adressa le sourire le plus large qu'elle pu puis s'éloigna en courant. Alors qu'elle dépassait la conciergerie en trottinant, le prénom de la fille lui revint en tête; personne d'autre ne possédait de regard autant sombre et de cheveux aussi noirs que Violette Collins, la poupée du lycée. Mais pas poupée dans le sens qu'elle fut une fille incroyablement superficielle, non, Violette Collins était seulement fragile.

– Ah miss Stevens, vous avez failli battre votre record ! Que vous est-il arrivé aujourd'hui ? le professeur de maths de Winnie était une femme aigrie d'un âge avancé avec un humour très restreint et qui était désespérée par les retards incessants de son élève.

– Et bien vous allez rire hein mais j'ai oublié de m'habiller en sortant de chez moi et j'ai pris le sac à dos de ma petite sœur...

– Je suis littéralement pliée de rire. le sarcasme était flagrant et la jeune fille se glissa à sa place sans rien ajouter de plus. Walter et Stanley, ses deux meilleurs amis, ricanaient tandis qu'elle sortait ses affaires de cour.

À la fin de la matinée, Winnie avait reçu trois punitions car elle n'avait pas fait ses devoirs et deux avertissements.

– Je sais pas comment je vais annoncer ça à ma mère...

– Fais lui boire deux ou trois bières et ça passera crème ! proposa Stanley en s'esclaffant devant le regard noir de son amie. Le trio se dirigeait, comme chaque midi, dans la salle 404. Ils étaient les heureux détenteurs de l'unique club du lycée: le club de détectives. Enfin, ce n'était pas un club à proprement parler, plus une agence mais comme leur école n'était pas censée avoir d'agence en son sein, ils avaient accepté de se faire appeler "club".

L'idée avait germé dans l'esprit de Winnie pendant un cour de sport très intéressant où la jeune fille s'était cachée derrière une pile de matelas.

« Et si je créais une agence de recherches ? » s'était-elle dit tout en fuyant le professeur de gym qui lui courait après. Durant le cour d'après, elle avait fait part de son idée à Walter et Stanley qui avaient tout deux été d'accord avec elle: c'était une bonne idée !

Leur premier client arriva une semaine après leur ouverture officielle; c'était un élève qui avait perdu son téléphone portable. Il leur promit de les payer dix dollars si ils le retrouvaient et deux heures plus tard leur tirelire se remplissait. Leur agence était aussi payante qu'un petit job d'étudiant et leur local se trouvait dans l'enceinte du lycée ce qui était parfait pour leurs affaires. Souvent, quelques élèves égarés se retrouvaient devant la porte de la salle 404 et entraient, intrigués.

Ce jour-là, une seule personne vint et Winnie fut déçue que ce ne soit pas Violette Collins. Pourtant, elle l'attendait ! Elle était même prête à partager son sandwich jambon-beurre-fromage-tomate-salade-oignon avec elle...

– Rho ça va, cette fille est une pimbêche ! Stanley tenta tant bien que mal de consoler sa meilleure amie mais celle-ci ne cessa pas de soupirer durant toute la pause déjeuner; elle attendait vraiment la venue de Violette Collins. En même temps, quand on pousse à terre la poupée du lycée, il est normal qu'on se sente mal par la suite...

« Pomme. Ce n'est pas un prénom... C'est plutôt un fruit, un aliment. Mais pas un prénom. » voilà la première pensée que la propriétaire dudit prénom avait chaque matin avant de se lever. Du haut de ses quinze ans et demi — elle en aurait seize pas plus tard que deux semaines après les examens finaux — Pomme Osborn s'était toujours trouvée différente des autres. Était-ce à cause de son prénom ? Du fait qu'elle soit surdouée ? De sa petite taille ? De sa famille ? La pauvre adolescente était tourmentée par mille maux et personne ne l'aidait. Ses parents lui disaient toujours:

« Un prénom, c'est une identité ! Tu es une personne exceptionnelle avec un prénom exceptionnel, c'est tout. Ne te tracasse pas avec ça ! »

Bien sûr, ce n'était pas eux qui s'appelaient comme ça... Sa mère rigolait souvent en lui rétorquant qu'elle-même s'appelait comme un fruit et que cela ne l'avait jamais tuée. Sauf que Prune passait mieux que Pomme et que ça, personne ne le comprenait.

Son petit ami aussi avait été doté d'un prénom hors du commun mais pas autant qu'elle; Alfred Banks pour ne pas le citer était un jeune gaillard de dix-sept ans, gai comme un pinson et constamment en mouvement. Eux deux formaient la paire et ça, tout le monde le disait. Ils étaient Al' et Po', Banks et Osborn: le duo de choc. Pourtant, la jeune fille était encore plus traumatisée d'être avec quelqu'un autant bizarre qu'elle. Enfin, elle ne montrait pas son côté "bizarre", de peur de faire fuir les gens et se contentait d'être la petite surdouée qui a sauté une classe.

– Pomme, bouge-toi on va rater le bus ! s'énerva Wayne, son petit frère. Âgé de deux ans de moins, lui était tout à fait normal. Enfin, d'après les critères de sa grande sœur bien sûr.

– Ouais ouais, on y va... elle attrapa son sac et sortit de la maison en plaçant son casque sur sa tête. Ils rejoignirent leurs amis à l'arrêt de bus; Alfred la salua d'un grand signe alors qu'il se trouvait assis sur le toit de l'abri-bus. Pomme le regarda effaré et s'installa à l'écart des autres, attendant qu'il la rejoigne. Finalement, il descendit de son perchoir et rejoignit sa petite-amie pour la serrer dans ses bras.

– Alors, c'est une journée comment ? demanda le garçon en lançant un regard circulaire sur les autres personnes se trouvant à l'arrêt.

– Je crois qu'aujourd'hui je me sens normale. Mais je ne suis pas sûre.

– Ah bon ? Pourquoi ? l'adolescent haussa un sourcil alors qu'ils entraient dans le bus.

– Wayne et Arnold ont encore eu des notes dans la moyenne alors que je n'ai eu que des notes maximales durant ces trois dernières semaines. Mary Jane s'est fait pleins de nouveaux amis et, pour couronner le tout, mon petit-ami m'attend assis sur l'abri-bus et puis je sais pas... Quelque chose cloche...

– Excuse moi mais je me dois d'émettre des mécontentements !

– T'es sûr que ça veut dire quelque chose ?

– Chut, me coupe pas ! Donc, je disais... Ah oui ! Déjà, ce n'est pas ta faute si tu es très intelligente et très gentille et très belle ! Ensuite, ce n'est pas non plus ta faute si ta petite sœur est plus sociable que toi et que ton petit ami est pas bien dans sa tête, okay ? la jeune fille opina du chef et Alfred sourit avant de passer un bras par dessus son épaule.

– Génial ! Maintenant allons rejoindre le professeur Black et son génial cour d'histoire ! c'était cela que Pomme aimait chez Alfred: sa capacité à toujours trouver les bons mots et jamais elle ne le remerciait assez.

Durant le cour d'histoire, une jeune fille du nom de Violette Collins dû aller à l'infirmerie. Quand elle sortit de la salle, plusieurs personnes se mirent à chuchoter.

– Cette fille est vraiment bizarre ! lança une fille en ricanant.

– Elle est peut-être bizarre mais elle est super belle... lui répondit un garçon avec un air béat.

– Je ne vois pas ce que vous lui trouvez de bizarre... Il y a des gens bien plus chelous au lycée ! s'exclama un autre garçon.

– Ah oui ? Comme qui ? demanda alors une fille d'un air intéressé.

– Bah il y a cette Winnie Stevens, la nouvelle là, Helena je crois, et puis aussi... Alfred et... Osborn... le garçon avait lancé un regard dans la direction des concernés avant de baisser le ton pour dire les derniers mots de sa phrase. Malgré ça, la jeune fille l'avait entendu et son malaise matinal revint. Alfred, quant à lui, braqua son regard sur le garçon qui discutait avec une autre fille.

– Tu as un problème Wes ? il l'avait murmuré assez fort pour que le concerné l'entende mais pas le professeur. Le concerné tourna la tête vers lui et haussa nonchalamment les épaules.

– Ne le prend pas mal mais il faut dire ce qu'il est: t'es pas le plus normal d'entre nous tous...

– Mais je m'en fiche que tu me trouves bizarre ! Mais ne redis plus jamais que Elle, elle l'est ! Okay ? Alfred avait haussé le ton et le silence régnait dans la classe. Pomme s'était laissée glisser sur sa chaise pour se faire le plus petite possible et de son côté le professeur Black observait la scène en silence.

– Oh mais je suis désolé de t'avoir offensé ! C'est pas ma faute si son prénom est bizarre et qu'elle agit toujours à côté de la plaque ! Wes avait reprit confiance en lui et fixait maintenant son interlocuteur droit dans les yeux. Alfred repoussa une de ses mèches brunes sur le côté et se leva tranquillement sous tous les regards. Il s'approcha de Wes, lui fit un large sourire puis écrasa son poing sur le nez parfait de Wes Ramming.

– Alfred... Tu avais dit que tu le referais plus... couina Pomme en soupirant avant de récupérer leurs affaires et de l'accompagner à l'infirmerie. Car oui, malgré son mètre quatre-vingt, Alfred Banks n'avait aucune force et venait, encore une fois, de se fouler le poignet.

La jeune fille marchait dans les couloirs de son nouveau lycée, la boule au ventre et une paire d'écouteurs dans les oreilles. Ses longs cheveux blonds se balançaient au rythme de ses pas et ses yeux couleur nuit scrutaient chaque détail. C'était la huitième fois depuis le début de la semaine qu'elle se perdait et ce n'était encore que mardi. Elle soupira et lança un regard circulaire autour d'elle pour se rendre compte qu'elle était à nouveau devant la salle 404.

– Rha, encore cette fichue salle... Je vais rater tout mon cours de maths... elle marmonnait tout en cherchant dans son sac le plan de l'école que lui avait gentiment dessiné la secrétaire le mercredi précédent, jour de son arrivée.

– Tu as besoin d'aide ? lança une fille derrière elle. Helena se retourna et fut face à une fille vraiment petite et un garçon vraiment grand.

– Euh oui... Je cherche la salle 113... Ça fait une semaine et que je suis ici et je n'arrive toujours pas à me repérer...

– Ah, la salle 113 est dans l'autre bâtiment ! On va t'accompagner, de toute façon on doit y aller... le garçon baissa son regard vers sa main et Helena vit qu'il se tenait le poignet.

« Il a dû se faire mal. » pensa-t-elle.

– Oh merci c'est très gentil !

– De rien ! Comment tu t'appelles ? Moi c'est Alfred et elle c'est Po' ! le garçon affichait un grand sourire alors que son amie semblait plus réservée.

– Helena Newton, enchantée. Po' c'est ton vrai prénom ?

– Non. Mais si je te dis mon vrai prénom, tu va te moquer de moi et me trouver bizarre...

– Je t'assure que ce n'est pas mon genre ! la jeune fille accompagna ses paroles d'un sourire et l'autre soupira.

– Je m'appelle Po-Pomme...

– Pomme ?

– Pomme.

– Ce n'est pas bizarre, c'est juste surprenant ! elle sourit gentiment comme sa mère lui avait apprit à le faire et suivit les deux adolescents à travers le dédale de couloirs. Au fond, elle trouvait ça vraiment étrange de s'appeler Pomme mais ne dit rien; sa mère lui avait toujours dit de ne pas offenser les gens et d'être gentille. Elle se mît alors à détailler silencieusement ses guides; la fille avait des cheveux bruns tirant plus vers le châtain et assez longs. Son nez fin était surplombé d'une paire de lunettes un peu trop large pour sa petite tête et derrière, on trouvait deux beaux yeux noirs emplit de douceur. Le garçon quant à lui avait des cheveux bruns à reflet roux qui lui tombaient devant ses yeux verts et, malgré sa grande taille, il regardait rarement vers le bas.

– Et donc là je lui dis: « non mais Steve, tu peux pas faire ça ! » et l'autre qui me dit qu'il peut alors il prend son skate, se lance et paf ! Il se rétame un mètre plus bas ! Alfred riait à gorge déployée tandis que la fille le regardait en secouant la tête l'air de dire: « mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de lui ? » et derrière eux, Helena se sentait de trop. Comme d'habitude.

– Voilà ! La salle 113 est là ! la brunette lui souriait tandis que l'adolescent désignait la porte de ladite classe.

– Oh tu es dans la classe de Mrs. Copperfield ? Tu dois connaître Winnie Stevens non ?

– Winnie Stevens ? Oui ça me dis quelque chose, pourquoi ? elle fixa Alfred d'un air interrogateur tandis que Pomme s'éloignait déjà.

– Ah pour rien ! C'est juste que la fichue salle 404 lui appartient ! il lui fit un clin d'œil et rejoignit sa petite amie.

– Comment la salle peut lui appartenir, elle n'est qu'une élève !

– Trois mots: Agence de détective ! et déjà, avant qu'Helena n'aie pût réagir, les deux adolescents s'éloignaient dans le couloir tout en se chamaillant.

– Ils vont vraiment bien ensemble... murmura-t-elle tout en toquant à la porte.

La fameuse Mrs. Copperfield et son chignon parfait ouvrirent la porte en la toisant d'un air las.

– Votre excuse ?

– Je-je me suis perdue dans les couloirs...

– D'accord, je conçois bien que vous êtes nouvelle mais faites un effort ! la jeune fille hocha énergiquement la tête et alla vite rejoindre sa place. Le garçon de devant, Walter Stone se retourna.

– Tu sais, aucun retard n'est grave avec elle tant que tu n'arrives pas après Winnie ! il se mît à rire avec le garçon d'à côté, Stanley Cassidy, puis se retourna.

Elle les détailla avec étonnement: le premier avait des cheveux blanc et des yeux verts perçants tandis que le deuxième ne se séparait jamais de ses lunettes de soleil, même à l'intérieur. Cela la fit rire intérieurement, lui faisant penser à des mutants comme dans les X-Men.

« Cette Winnie... Tout le monde en parle... C'est fou ! » pensa-t-elle tout en prenant des notes à propos du cour.

À peine avait-elle terminé de marquer la dernière formule de l'exercice que la porte s'ouvrit en grand sur une jeune fille dans un état pitoyable. Sa chemise était mal boutonnée, ses longs cheveux roux étaient assemblés dans une sorte de chignon bancal et ses baskettes — quelle idée de mettre des baskettes avec une jupe ! — n'étaient même pas bien attachées.

– Ah miss Stevens, vous avez failli battre votre record ! Que vous est-il arrivé aujourd'hui ? la jeune fille, que Helena identifia bien facilement comme la fameuse Winnie Stevens, se gratta le crâne en rigolant.

– Et bien vous allez rire hein mais j'ai oublié de m'habiller en sortant de chez moi et j'ai pris le sac à dos de ma petite sœur...

– Je suis littéralement pliée de rire. l'air dur de la professeur de math fit froid dans le dos d'Helena qui baissa la tête pour éviter de geler sur place. Winnie gagna vite sa place, à côté de Walter, et sortit elle aussi ses affaires. Avant, Helena n'avait jamais vraiment remarqué ses camarades de classe et pourtant, il y en avait des choses à remarquer !

« Dès aujourd'hui, je vais faire plus attention aux détails ! » se promit-elle avant de reprendre son exercice.



– Tu veux vraiment pas passer voir cette fille ? Elle semblait super désolée ! Marvin essayait, depuis le début de la pause déjeuner, d'attirer son amie dans la fameuse salle 404. Aussi étonnant soit-il, Violette n'avait jamais entendu parler de Winnie Stevens et son « agence » de détectives. Pourtant, la plupart du lycée avait déjà utilisé leurs services pour retrouver telle ou telle chose perdue ou objets oublié dans une salle de classe.

– Non, je n'en ai jamais entendu parler et, vu sa dégaine, je n'en suis pas triste... la noiraude haussa les épaules nonchalamment tout en mangeant sa salade.

– Ne te fie pas aux apparences ! Elle est un peu folle sur les bords mais c'est une super enquêtrice ! Elle a même retrouvé le père d'une élève alors qu'il avait disparu de la circulation trois ans plus tôt ! Marvin ne cessa pas de citer toutes les fabuleuses enquêtes de la magnifique Winnie Stevens durant toute la fin du déjeuner.

– Oh et vous savez quoi ? s'exclama soudainement Laureen, faisant sursauter ses deux amis.

– Non, quoi ?

– Ce matin, après que l'on soit partis à l'infirmerie, Alfred Banks a frappé Wes et lui a presque pété le nez !

– Et je parie que, comme à chaque fois, il s'est foulé le poignet ?

– Bingo ! la jolie brune éclata de rire et Violette surprit Marvin à la regarder avec un de ces regards que seules les personnes amoureuses peuvent avoir.

« Laureen est vraiment aveugle ! » pensa-t-elle en rangeant ses affaires et jetant ses déchets dans la poubelle.

– Eh, tu vas où ?

– Je rentre chez moi. Je suis dispensée de sport et le professeur Black a accepté que je n'assiste pas à l'heure d'étude. un petit sourire se dessina sur ses lèvres devant les têtes déconfites de ses deux amis qui auraient payé cher pour être aussi dispensés du diabolique cours de sport de Mr. Clive.

Après avoir quitté ses amis, la jeune fille était passé par son casier pour récupérer ses livres de cours et ranger les affaires dont elle n'avait pas besoin. Alors qu'elle refermait la porte en métal rouge, un énorme « boum » retentit derrière elle. Sursautant, elle se retourna et fut face à deux garçons qui se battaient. Les deux garçons en questions n'étaient autres que ce crétin de Wes Ramming et cet idiot d'Alfred Banks. Apparement, le poignet foulé du second ne l'empêchait pas de frapper de toutes ses forces sur le visage parfait du premier tandis que celui-ci décochait coups de pieds sur coups de pieds sans pour autant toucher son adversaire.

– À cause de toi, je suis renvoyé du cours d'histoire pour les deux semaines à venir ! hurlait Alfred.

– J'espère que ta famille de pouilleux aura assez pour payer ma rhinoplastie espèce de de pauvre ! aboyait Wes.

De son côté, Violette regardait la scène d'un œil surprit. Elle n'avait même pas remarqué la présence de Pomme Osborn et d'une fille inconnue —sûrement une nouvelle— jusqu'à ce que la première se mette à crier.

– Arrêtez de vous battre ! Ça sert à rien ! Alfred lâche-le ! Wes arrête ça ! sa voix ne portait pas loin et, Violette en était sûre, elle n'allait pas arrêter les deux garçons de cette façon. Préférant ne pas être mêlée à tout ça, la jolie noiraude sortit bien vite du bâtiment et rentra chez elle, la tête toujours remplie des informations du cours d'histoire.

Quand elle arriva enfin sur le palier de sa maison, elle respira un grand coup et entra dans le hall. Sa mère passa directement la tête dans l'embrasure de la porte menant à la cuisine et lui sourit.

– Ah ma chérie ! Je t'attendais ! Tu pourrais aller me chercher mon livre de recettes au grenier ? Ton père a des invités ce soir mais je ne sais pas si ce fou- fichu livre s'y trouve... l'adolescente acquiesça sous la contrainte et se dirigea vers le grenier. Elle n'aimait pas spécialement cet endroit; trop noir, trop poussiéreux pour elle. Violette fouilla dans cinq cartons avant de tomber sur un livre. Mais à son grand désespoir ce n'était pas le fameux livre de cuisine... L'inscription « aventures » se trouvait sur la couverture et la jeune fille ne pût s'empêcher de l'ouvrir. Contre toute attente, c'était un énorme album photo qui devait appartenir à ses parents. Sur une photo, elle reconnu aisément sa mère avec ses longs cheveux bruns qui avait les deux bras passés par dessus les épaules de deux garçons de son âge. L'un d'eux était son père — cela se voyait — mais l'autre ne lui disait absolument rien. Elle continua de feuilleter l'album et, souvent, l'inconnu réapparaissait. Parfois avec sa mère, parfois avec son père, souvent accompagné d'une autre garçon. Tous les quatre avaient l'air vraiment très complices et pourtant, Violette n'en avait jamais entendu parler dans les récits de ses parents. Dans les dernières pages du livre, l'adolescente trouva une carte postale; l'écriture avait sûrement été mouillée car elle bavait et était très difficile à lire mais elle parvint tout de même à lire les signatures.

« Oswald et Brett Atlas. »

– Ma chérie ? Tu t'es faite manger par les rats ? la voix de sa mère fit sortir la jeune noiraude de ses pensées et elle se releva précipitamment. Est-ce qu'ils savaient pour l'immortalité ?

– Sérieux, lâche mes cheveux ! Walter râla ce qui n'eut pour effet que d'augmenter le rire de la jeune fille. Depuis plus de dix minutes, elle passait ses mains dans la chevelure couleur crème de son ami pour tenter de les coiffer. Mais cela se révélait être une entreprise plus compliquée car les cheveux en question ne semblaient jamais avoir entendu parler de la discipline et partaient dans toutes les directions.

– Eh Stan ! Regarde ! Winnie avait enlevé son propre élastique à cheveux pour faire une couette sur la tête de son cadet qui poussa un grognement et tenta de se dégager de son emprise. Comme il s'était trop penché en avant, sa paire de lunettes alla s'écraser par terre tandis qu'au même moment, une personne passait la porte de leur club. Winnie se figea et fixa l'entrée sans oser bouger comme si c'était un rêve et que n'importe quel geste, aussi infime qui soit, le ferait fuir comme une biche. De son côté, Stanley détaillait déjà leur visiteur tandis que Walter, à quatre pattes par terre, cherchait ses lunettes, non sans peine.

– C'est bien ici la salle 404 ? la voix douce de la jeune fille qui se trouvait sur le seuil de la porte réveilla soudainement Winnie qui leva les bras en l'air et se planta devant elle. Elle lui tendit une main énergique puis alla vite s'asseoir derrière son bureau et ouvrit un épais cahier; c'est là qu'elle marquait toutes leurs enquêtes.

– Enchantée ! Je suis Winnie, l'idiot qui a toujours des lunettes de soleil c'est Stan et l'autre crétin qui s'est prit pour une rock star c'est Walt. la blondinette parut décontenancée par tout ça mais s'approcha tout de même d'un pas mal-assuré et se plaça au milieux de la pièce, face à Winnie.

– Bon-bonjour... Je m'appelle Helena Newton... Je suis nouvelle ici et on m'a dit que vous étiez un club de détectives...

– Bien sûr ! Qu'est-ce que tu as ?

– En fait ça fait une semaine que je suis ici et à chaque fois que je me perds, je me retrouve devant votre salle alors je me suis permise d'entrer... elle afficha un petit sourire timide et les trois adolescents ne surent pas comment réagir.

– Oh... C'est... C'est l'effet 404 ! Connexion not found ! la jolie rousse se mît alors à rire, suivie par ses deux amis tandis que la nouvelle les toisait; cette fois, c'est à elle qui ne savait pas quoi faire. Winnie qui l'avait bien remarqué, s'excusa puis lui proposa de lui faire une visite guidée de la petite pièce.

– Plutôt pas mal la nouvelle ! lança Stan tandis que leur visiteuse s'éloignait dans le couloir. Winnie soupira silencieusement; c'est sûr qu'avec ses longs cheveux blonds, ses beaux yeux bleus et sa démarche si douce, la nouvelle n'était vraiment pas mal.

– Mais un peu hautaine je trouve... Pas assez de folie ! continua le noiraud, remontant ses lunettes de soleil sur son nez.

– Mec, tu voudrais pas mettre des lentilles au lieu de passer tes journées avec ces fichues lunettes de soleil ? la jeune fille changea de sujet aussi aisément qu'elle tournait les pages d'un livre et pouffa quand Stanley grogna.

– Ça me donne un air de bad boy ! se défendit-il en regardant dans sa direction. Winnie n'aimait pas ses lunettes car avec elles, elle ne pouvait jamais être sûre qu'il la regardait dans les yeux; cela la perturbait plus qu'autre chose.

– Désolée de te l'apprendre mais... Le bad boy ici, c'est Walt ! elle pointa leur ami du doigt. Le concerné leva la tête vers eux et la secoua comme si il était coincée dans une pièce avec deux enfants se disputant.

– Si moi je suis un bad boy, alors vous deux vous avez déjà fait trente ans de prison !

– Eh ! On a même pas trente ans !

– Bah à vous deux vous les avez... Walt baissa à nouveau la tête sur son cahier tandis que les deux autres rangeaient leurs affaires.

– Ça vous dit de sécher l'heure d'étude ? J'ai pas envie d'y aller... Surtout avec Violette qui n'est pas venue...

– Non ! Le prof a dit qu'il voulait vraiment nous voir à ce cour là ! Stan s'était placé devant la porte, empêchant toute fuite de son amie.

– Pfeuh, t'es pas drôle Stanley Jacob Brandon Cassidy ! elle afficha une moue boudeuse tout en sortant de la salle.

– Bon bah, allons-y... l'adolescente soupira et suivit ses deux amis dans les couloirs. Avant de s'enfuir dans un escalier sans qu'ils ne le remarquent.

– Tu crains Banks.

– Je t'aime Osborn.

– Ferme-là Banks.

– Je suis désolé Osborn ! la brunette tourna la tête vers son petit-ami qui avait retroussé sa lèvre du bas et joint ses deux mains bandées.

Après l'altercation dans la salle de classe, Alfred n'avait pas pu s'empêcher de casser le nez de Wes alors qu'ils se croisaient dans le couloir. Au final, tous trois avaient atterri chez la directrice et attendaient leur sanction dans la salle d'attente.

– Je m'en fiche de tes excuse ! À cause de toi, je vais sûrement être renvoyée ! Et tu sais ce que ça signifie ? Que je n'aurai jamais assez d'heures pour être acceptée aux examens finaux ! Et j'ai besoin de les passer ! Tu le sais, non ? elle le fusilla du regard puis se concentra sur les boutons de sa chemise.

Au Glory High School, chaque élève se devait d'être présent un certain nombre d'heures par trimestre pour pouvoir être accepté aux examens finaux et ainsi, ne pas redoubler ou se faire exclure. Malheureusement pour elle, Pomme était tombée malade durant l'année et avait manqué énormément de cours. Elle avait été prévenue: si elle manquait encore plus de deux jours, elle serait exclue !

– Tu pourrais demander à la directrice de ne pas t'exclure... Elle est gentille, elle comprendra ! Alfred lui sourit mais elle ne craqua pas. Non, Pomme ne lui pardonnerai pas cette fois ! Elle en avait marre de toujours fondre à la vue de ses beaux yeux verts ou de ce fichu sourire tellement mignon qu'il arborait.

– Peut-être qu'elle le fera... dit-elle finalement en soupirant. Elle avait craqué.

Finalement, la directrice leur ouvrit la porte et tous trois s'engouffrèrent dans le bureau de Mrs Jensen.

– Bon. Alfred c'est la combientième fois qu'on se voit ce mois-ci ?

– Hmm... Septième m'dame !

– J'espère que d'ici les examens finaux et la dernière semaine de cours, on ne se reverra pas ! elle lui sourit d'un air entendu puis se tourna vers Pomme.

– Et vous, Miss Osborn... J'imagine que vous étiez encore avec Alfred quand l'altercation a eu lieu ? la concernée secoua vivement la tête.

– Bien, alors racontez moi ce qu'il s'est passé de façon objective.

– Alors... On marchait dans les couloirs pour aller à l'heure d'étude et je devais juste prendre quelque chose dans mon casier donc on a fait un détour et après... Wes est arrivé et il a juste demandé à Alfred comment sa main allait. Alors il lui a répondu que ce n'était pas ses affaires et quand il a voulu partir, Wes l'a attrapé par le bras et l'a poussé contre un casier. Il a montré son nez en disant que oui, c'était ses affaires. Puis ils se sont battus et vous êtes arrivée.

– Merci de toutes ces précisions. Donc, d'après la version de Pomme ici présente, ce serait Wes qui aurait commencé ou Alfred ? sa question semblait plus lui être adressée à elle qu'aux trois adolescents se tenant en face mais pourtant, elle attendit que Pomme lui réponde.

– Et bien... C'est Wes qui est venu parler le premier mais c'est Alfred qui s'est énervé donc ils sont tous les deux coupables.

– D'accord. Merci Pomme ! Alors... Les garçons... Vous serez en retenue chaque soir jusqu'aux examens finaux. Voilà voilà. Pomme, vu que tu ne faisais qu'accompagner Alfred et que si tu rates encore des cours tu ne sera pas admise aux examens, tu n'auras aucune sanction ! Et maintenant, je vais enfin pouvoir continuer ma série ! la directrice se leva et poussa gentiment les trois jeunes dehors avant de sautiller jusqu'à son bureau et d'allumer son ordinateur.

Pomme n'y croyait pas; elle n'avait reçu aucune punition ! C'est donc toute sautillante qu'elle sortit dans le couloir et se retrouva face à un garçon avec d'étranges cheveux blancs. Leur nez se touchaient presque et, étonnamment, ils faisaient presque la même taille. Le blanc-bec (oui, elle était très fière de cette blague) se recula, tout rouge et fut rejoint par un autre garçon caché derrière une paire de lunettes de soleil.

– Salut, tu n'aurais pas vu une fille rousse, bizarre, qui courait ? demanda le dernier arrivant.

– Euh non... Pomme avait deviné de qui il s'agissait; le blandinet n'était autre que Walter et l'autre, avec ses lunettes, Stanley. Les deux fidèles amis de Winnie Stevens.

– Merci quand même ! bafouilla le premier avant de suivre le noiraud qui était déjà repartit.

Le son d'un violoncelle résonnait dans ses oreilles tandis que la jolie blonde rentrait chez elle. Pourquoi suivre l'heure d'étude alors qu'elle arrivait deux semaines avant les examens finaux ? Oui, c'est sûr que changer de lycée à cette période de l'année n'était pas la meilleure des décisions mais bon, ce n'était pas elle qui choisissait ! En fait, elle ne savait même pas vraiment en quoi consistait l'heure d'étude... La petite brune complexée par son prénom avait bien tenté de lui expliquer mais tout cela restait bien flou.

– C'est une heure où on peut discuter de tout ce qu'on veut avec le professeur Black sans que les autres ne nous jugent ou un truc comme ça ! avait bafouillé Pomme avant de s'enfuir dans sa salle de classe, la laissant seule avec Alfred.

– Elle est timide, c'est pas sa faute ! Bon, si tu es encore perdue, hésite pas à venir nous voir et, conseil d'ami, va jeter la salle 404 ! Ça vaut son pesant d'or ! lui avait-il dit avant de rejoindre sa petite amie dans la pièce. Après ça, elle avait un peu hésité avant de s'aventurer dans la fameuse fameuse salle 404. Là-bas, elle s'était retrouvée à de fortes étranges personnes; un garçon avec des cheveux blancs qui était à quatre pattes par terre, un autre avec des lunettes de soleil à l'intérieur et une fille assise derrière un bureau qui n'avait pas bougé pendant au moins cinq minutes quand elle était entrée. Vraiment, elle se demandait ce qu'Alfred pouvait trouver cool dans cet endroit mais elle avait fait l'effort de faire semblant de s'intéresser. Surtout que la fille, Winnie, était passionnée par ce qu'elle lui expliquait. Un sourire se dessina sur ses lèvres en repensant à la tête excitée de la rousse qui lui montrait sa collection de figurines.

– Ah ma puce ! Tu rentres déjà ? demanda sa mère tandis qu'elle rentrait dans le hall de sa maison.

– Oui, dispensée de l'heure d'étude. Je monte faire mes devoirs ! elle embrassa sa mère puis trottina jusqu'à sa chambre et s'installa face à son bureau. En plus d'être assez jolie, elle était aussi assez intelligente ce qui lui avait souvent valu des remarques méchantes de la part des autres élèves dans des écoles précédentes. À cause du travail de son père, enquêteur en chef à la CIA, elle devait déménager souvent avec sa mère et cela la saoulait grandement. Elle n'avait jamais vraiment le temps d'avoir des amis ou un petit-ami...

– Mon cœur ? Tu sais quoi ? la voix de sa mère la sortit de ses pensées et elle lui répondit d'un hochement de tête négatif.

– Ton père rentre ce soir ! Et il reste pour toute la semaine ! la nouvelle lui fit lever la tête et un large sourire se dessina sur ses lèvres; son père lui avait tellement manqué !

Après avoir fini ses devoirs, la jeune fille aida sa mère à préparer le repas et, pendant qu'elle mettait la table, son téléphone portable sonna. C'était une chose très inhabituelle vu qu'elle n'avait pas énormément d'amis et que personne ne l'appelait jamais. Elle s'empara de l'objet et décrocha.

– Salut ! C'est Alfred ! Tu te souviens, le gars avec la fille toute petite ! On t'a aidée ce matin ! comment aurait-elle pu les oublier ?

– Euh oui... Oui je vois qui tu es. Comment as-tu eu mon numéro ?

– J'ai demandé à Winnie ! Elle m'a dit que tu étais passée dans l'après-midi, tu la trouve comment ?

– Je dirais que « étonnante » est le mot qui convient le mieux ! elle rigola doucement et Alfred se joignit à elle. Son rire était surprenant. Il était très grave comparé à sa voix habituelle et cela décontenança légèrement l'adolescente.

– Ah oui, j'allais oublier le but premier de cet appel ! Demain soir, Laureen Stewart organise une fête, tu veux venir avec Pomme et moi ? Tu vas voir, y'a une bonne ambiance et sa maison est super géniale ! pour toute réponse, Helena haussa des épaules avant de se rappeler qu'il ne pouvait pas la voir.

– Hm oui, ça pourrait être sympa. Je verrai avec ma mère...

– Cool ! Au pire, on verra tout ça demain au lycée ! Bonne nuit ! avant même qu'elle n'aie pu répondre, Alfred avait raccroché.

Les noms ne sortaient pas de son esprit. « Oswald et Brett Atlas »

La jeune fille n'avait pas osé demander à ses parents de qui il s'agissait mais elle avait déjà un plan. Oui, si il y avait bien une personne qui serait en mesure de l'aider, elle savait où la trouver ! C'est ainsi que, durant la pause déjeuner du lendemain, elle se retrouva à zoner devant la salle 404. Étonnamment, ses membres étaient absents; chose rare pour cette bande de nerds qui considéraient leur club comme un nid. Alors que l'heure de son cours avancé de français approchait, elle vit jaillir une longue tignasse rousse à l'autre bout du couloir. Poursuivie par le panda et Cyclope, Winnie courait dans la direction de Violette avec un large sourire tout en agitant les bras comme si elle essayait de s'envoler. Juste avant d'arriver face à elle, la noiraude la vit se retourner et faire face à ses acolytes. Bien qu'elle eu tenté de chuchoter, Violette parvint à entendre tout ce que se disait le trio.

– Oh mon dieu ! Les gars ! Violette Collins est devant notre salle ! s'excita Winnie en sautillant comme une enfant.

– Elle a juste dû se perdre... répondit Stanley en rehaussant ses lunettes.

– D'après l'heure qu'il est et son regard blasé, ça doit faire un moment qu'elle est ici. J'en déduis que... commença Walter mais il fut coupé par Winnie la furie.

– J'en déduis qu'elle nous attendait ! hurla-t-elle en s'approchant, encore toute bondissante, de la concernée. Violette recula d'un pas tremblant en voyant la tornade qui lui fonçait dessus et souffla de soulagement quand Stanley Cassidy empêcha la collision des deux adolescentes.

– Qu'est-ce qui te ferais plaisir ? Un thé ? Un chocolat chaud ? Un café ? Un frappé peut-être ? Winnie l'assaillait de question tout en ouvrant la porte de la salle et en rangeant un peu de droite à gauche.

– Rien de tout ça, merci. J'ai besoin de votre aide... elle jouait avec le bout de sa manche, les yeux fixés sur ses jolies bottines.

– Notre... aide ? demanda Stanley, incertain d'avoir bien entendu.

– Votre aide. Vous êtes un club de détectives, non ? J'ai besoin que vous retrouviez deux personnes pour moi... les trois amis se regardèrent, bien étonnés par la requête de leur invitée.

– On va remplir les formalités et après, on parlera de l'enquête. D'accord ? la jolie rousse s'installa derrière son bureau et sortit plusieurs feuilles ainsi qu'un stylo. Oui, elle savait être sérieuse et cela surprit grandement Violette qui se retint de faire un commentaire.

Après que tout les papiers eurent été remplis, Winnie commença à lui poser des questions sur l'enquête et, malgré elle, Violette lui expliqua tout. Tant pis si ils la prenaient pour un monstre ! Elle avait besoin d'aide et elle n'était pas sûre qu'ils se lancent dans une recherche aussi compliquée sans une vraie cause; comme l'immortalité par exemple.

– Donc... Tu ne peux pas mourir ? Stanley approcha sa main et la toucha furtivement comme si il risquait de mourir juste au contact de sa peau froide. Pour toute réponse, Violette se saisit d'une paire de ciseaux et s'entailla l'avant-bras. Avant même qu'une seule goutte de sang ne s'échappe, la peau s'était déjà cicatrisée.

– Ouaw... souffla le trio. Ils se trouvaient dans l'incapacité de répondre quelque chose de plus construit. Même Walter qui, d'habitude, avait réponse à tout, se trouva muet comme une carpe.

– Vous pourrez m'aider à les retrouver alors ? murmura Violette d'une petite voix, brisant le silence.

– Oui. On va t'aider à les retrouver ! promis Winnie avant de griffonner quelque chose sur sa feuille.

– On va commencer tout de suite mais rechercher des personnes ça peut vraiment prendre du temps... Donc ne t'attends pas à un résultat direct ! la prévint Stanley en l'accompagnant vers la sortie. Violette acquiesça et sortit de la salle le cœur plus léger; ils ne l'avaient pas prise pour un monstre ! Ils lui avaient promis leur aide ! Elle était tellement heureuse qu'elle avait envie de prendre n'importe qui dans ses bras.



Au départ, Winnie n'y avait pas cru. La veille avait été une journée tout à fait banale; elle avait réussi à s'enfuir de la garde de ses deux meilleurs amis et était rentrée chez elle pour l'après-midi. Mais, le lendemain, alors qu'elle revenait au club après la pause de midi, elle s'était retrouvée face à Violette Collins qui lui demandait de l'aide. Le choc était d'autant plus grand que la jolie poupée du lycée était immortelle !

Depuis, elle n'avait pas pris un seul moment de pause dans la recherche des frères Atlas.

– Winnie, tu devrais prendre une pause... Ça fait depuis hier que tu bosses là-dessus ! En plus, tu n'arrivera jamais à craquer le code de ce site sans l'aide de quelqu'un... Stan et Walt ne parvenant pas à la détacher de son ordinateur, sortirent de la salle 404 pour aller en cours.

– Il me faut de l'aide... Oui... De l'aide... elle se leva brusquement et sortit en courant. Elle courait toujours quand elle arriva devant la salle de classe de maths avancées. Elle toqua trois coups et attendit.

– Que voulez-vous ? demanda le professeur de mathématiques.

– Je peux vous emprunter Pomme Osborn ? C'est très important ! le professeur haussa les épaules et héla la concernée qui arriva en trottinant. Winnie ne la connaissait que de réputation; une fille de quinze ans toute petite qui se trouvait être un génie dans tout ce qu'elle entreprenait ça ne pouvait passer inaperçu.

La jeune détective attira le petit génie dans les couloirs sans lui adresser un seul mot; elle était pressée !

Quand, enfin, elles arrivèrent devant la porte marquée d'un large 404 peint en rouge, Winnie se persuada que l'autre avait deviné quel était le problème. C'est donc convaincue qu'elle la fit s'asseoir sur une chaise devant son ordinateur et attendit. Elle attendit au moins dix minutes avant que la voix timide de Pomme Osborn résonne jusqu'à ses oreilles.

– Je... Je pourrais savoir ce que tu me veux au fait ? elle bégaya et sortit Winnie de sa torpeur.

– Hein ? Bah tu dois craquer le code du site !

– Comment tu veux que je le sache si tu ne me dis rien ? s'énerva la cadette et se tournant vers l'autre.

– Bah excuse moi mais ça se lisait sur ton visage que tu savais très bien ce que tu faisais ici ! elle aussi haussa le ton.

– Ce n'est pas parce que toi tu peux deviner n'importe quoi à la manière de Sherlock Holmes que je le peux aussi ! Pomme avait crié mais s'en fichait; de nouveau face à l'ordinateur, elle se mît au travail. Enfin, pas directement. Winnie la regarda faire intriguée; la brunette avait lancé une playlist sur YouTube et chantonnait tranquillement en tapant des lignes de codes et autres choses incompréhensible pour la plus vieille.

– Tu écoutes toujours ce genre de musique quand tu travailles ? demanda finalement Winnie après plusieurs minutes.

– Tu as quoi contre la musique classique ? grogna le génie sans même lui adresser un regard.

– Oh c'est bon ! Je voulais juste lancer la conversation !

– Ne me déconcentre pas ou on y sera encore demain... Winnie soupira bruyamment face à l'agressivité de Pomme et décida d'aller faire un tour. Elle venait de sortir de la salle quand Stan et Walt apparurent devant elle.

– Ah les garçons ! J'ai demandé à Pomme Osborn de m'aider pour le site mais... oh mon dieu cette enfant est insupportable ! Elle écoute de la musique classique et elle me respecte pas !

– Tu lui as fait quoi pour mériter ça ? demanda Stanley avec un air très sérieux.

– Mais rien ! C'est pas ma faute si la pauvre petite a ses règles !

– Pooh... Viens, on va faire un tour pour te calmer. Walty, occupe-toi bien de notre invitée ! Stanley attira donc sa meilleure amie dans les couloirs tandis que Walter rejoignait leur hôte enragée.

– Tu sais quoi ? Je crois comprendre pourquoi tout le monde la trouve bizarre ! Cette fille est vraiment horrible ! Dans le genre tyran tu vois ? Elle a que quinze ans mais elle se prend pour la reine... Quelle petite peste !

– Bon, écoute-moi. Tu n'as pas le droit de dire ça d'elle.

– Ah oui ? Et pourquoi ça ?

– Parce que le seul ami qu'elle possède est son petit-ami, que tout le monde se sert d'elle et de son cerveau et qu'elle, elle ne se fiche pas d'être bizarre...

– Comment tu sais tout ça ?

– J'observe. Ce n'est pas difficile de se rendre compte de tout ça. Toi aussi tu devrais pouvoir y parvenir, tu es bien plus douée en observation que moi, Pooh ! il donna une tape sur la tête de sa meilleure amie puis s'en alla. La jeune fille le suivit machinalement tout en repensant à ses paroles; oui, Pomme Osborn devait être très seule et triste en réalité. Être un petit génie ne devait pas être facile surtout quand on mesure un mètre cinquante-huit et qu'on a un nom de fruit.

– Stan !

– Quoi ?

– Aide-moi à devenir amie avec elle, s'il te plaît !

– Avec plaisir. il lui sourit puis poussa la porte de la salle 404, Winnie sur ses pas.

– Bon, vous prenez la racine de V et vous la soustrayez au résultat de B, ainsi vous trouverez aisément le résultat. Si vous avez fini les exercices, venez à mon bureau et je vous donnerai la suite. Mr. Bulley n'eut même pas le temps d'esquiver un pas vers son bureau que quelqu'un toquait à la porte. Il se déplaça de sa démarche lente pour aller ouvrir et se retrouva face à Winnie Stevens. Cette dernière sembla demander quelque chose au professeur et celui-ci appela Pomme qui se sentit obligée de les rejoindre. Elle trottina doucement jusqu'à la porte et, sans comprendre ce qu'il lui arrivait, se retrouva rapidement assise face à l'ordinateur de la salle 404, une Winnie Stevens impatiente derrière l'épaule.

Au final, les deux adolescentes se crêpèrent le chignon et la rousse fini par sortir de la pièce, la laissant seule avec ses lignes de code et Jean-Sebastien Bach. Depuis toute petite, elle écoutait de la musique classique pour mieux se concentrer ou juste faire le vide dans son esprit. Souvent, les gens trouvaient que ça accentuait son côté bizarre et c'est pour cela qu'elle se fâchait facilement sur le sujet...

– Brandenburg Concerto n°4 en allegro si je ne m'abuse... Un bon morceau je trouve ! lança soudainement une voix dans son dos. Elle sursauta et se retourna; il ne s'agissait que Walter Stone, le meilleur ami de Winnie. La brunette haussa les épaules et reprit son travail. Alors que le morceau touchait à sa fin, elle s'étira en respirant bruyamment.

– J'ai fini ! Mais il faudra qu'on m'explique pourquoi elle voulait accéder aux fichiers de la police...

– Longue longue histoire... répondit Walter assis sur une chaise à côté. Il lui sourit gentiment et Pomme lui rendit la pareille. Lui, il n'était pas odieux comme l'autre furie !

– Tu t'y connais en musique classique ? Je dirais plus que tu écoutes du rock à t'en percer les tympans...

– Oh... Je n'aime pas trop le rock. Enfin, si. J'aime le rock. Mais j'aime aussi la musique classique. Bach est d'ailleurs mon compositeur favori ! les yeux du garçon se mirent à briller à mesure qu'il parlait du compositeur. Pomme trouvait ça chou.

– Et donc tu sais jouer d'un instrument ?

– Oh oui... Je joue du ukulélé...

– Attends. Tu aimes le rock, tu aimes la musique classique mais tu joue du ukulélé ? Pas de batterie ou de violon ? De guitare électrique ou de piano ?

– Le ukulélé c'est cool, non ?

– Je dis pas le contraire... Mais t'es un peu un rockeur de pacotille ! elle se mît à rire et lui aussi. Walter se leva et alla fouiller dans une caisse. Il revint s'asseoir à côté de la brunette et brandit son ukulélé. Un petit instrument qui semblait bien plus vieux que lui, avec des cordes usées et une peinture caillée.

– Il s'appelle Ricky ! C'est mon premier ukulélé depuis mes dix ans. il arborait un large sourire à présent. Ses doigts se posèrent sur les cordes et il se mît à jouer un air enjoué.

– Oh ! Je connais cette chanson ! s'exclama Pomme avant de se mettre à chanter pour l'accompagner.

« I'm so happy,

'Cause today I found my friends »

Walter était très concentré sur ce que des doigts faisaient et pourtant, il jouait avec beaucoup de délicatesse.

« They're in my head, I'm so ugly,

That's okay 'cause so are you »

Le regard fixé sur les vieilles cordes, Pomme tentait de se souvenir tant bien que mal de toutes les paroles.

« Broke our mirrors,

Sunday morning is everyday for all I care »

Pomme ne fut même pas surprise que Walter se mette à chanter avec elle, ça lui plaisait même assez.

« And I'm not scared, light my candles,

In a daze 'cause I've found God »

Quelques accros, quelques vides mais pourtant le rendu était bien.

« Yeah, yeah, yeah, yeah,

Yeah, yeah, yeah, yeah »

Ils s'applaudirent gentiment puis Walter reposa l'instrument dans la caisse où il l'avait prit précédemment.

– Tu étais passée où ? Je t'ai cherchée pendant toute la pause déjeuner ! Alfred la sermonna durant l'heure de géographie car, à cause de son absence, il avait été contraint de manger seul avec Helena. Pas qu'elle soit méchante ou quoi, c'est juste qu'elle ne parlait pas énormément.

– Désolée... Winnie Stevens a eu besoin de moi pour une enquête...

– Okay. Mais la prochaine fois, préviens moi !

– Promis ! elle lui tendit son petit doigt, il fit pareil et les enlacèrent.

Helena était heureuse: elle avait pu déjeuner seule avec Alfred ! Étonnamment, il ne parlait pas vraiment beaucoup en l'absence de Pomme. Alors pour ne pas l'embêter, elle avait décider de ne pas trop parler non plus.

– Tu as quoi comme cours cet après-midi ? demanda Alfred alors qu'ils marchaient dans la cours pour s'asseoir quelque part.

– Histoire de l'art pour deux heures et mathématiques avancées.

– Ah, Pomme suit aussi le cours de maths avancées. Mais elle l'a eu ce matin... Helena cru qu'elle allait crier: le sujet revenait constamment à Pomme Osborn et sa grande intelligence, Pomme Osborn et sa beauté, Pomme Osborn et sa perfection...

– Et toi tu as quoi comme cours ?

– Géographie, sport, art plastique et physique.

– Ah, tu finis une heure plus tard ?

– Ouais, malheureusement... il lança un coup de pied dans une canette de soda qui vola et percuta le crâne de Walter Stone. Ce dernier se tourna vers Alfred et soupira avant de ramasser la canette et d'aller la mettre dans une poubelle.

– Tiens, il ne vient pas se plaindre ?

– Non, je lui fais peur... la blondinette lança un regard interrogatif au garçon qui ricana.

– Y'a deux ou trois ans, on était dans la même classe. Il avait encore des cheveux normaux et il était encore plus faible que maintenant. La première fois qu'il s'est teint les cheveux, je me suis moqué de lui en l'appelant "Wapple" parce qu'il avait des cheveux verts et après ça, tout le monde l'a appelé comme ça... il baissa la tête et Helena se retint de pouffer; il avait sérieusement peur de lui à cause d'un surnom pourri ?

– Bon, à demain ! il lui adressa un signe de la main alors que la cloche sonnait et Helena entra dans la salle d'histoire de l'art. Elle s'installa et pouffa quand Walter et Stanley entrèrent dans la salle. Jamais plus elle ne pourrait considérer sérieusement "Wapple".

– Eh mais c'est Helena !s'exclama Winnie en arrivant derrière ses amis. La jolie blonde soupira et commença à sortir ses affaires pendant que la rousse prenait place à côté d'elle. Devant, s'installèrent les deux acolytes de la détective et le professeur entra.

– Rangez vos livres, tout de suite. Mettez vous par groupes de quatre et sortez dans le couloir. les ordres donnés, tous les élèves se dépêchèrent et Helena fut obligée de se mettre en groupe avec Winnie et sa bande; quelle joie... Helena ne l'aurait jamais dit à haute voix mais elle le pensait très fortement: elle n'aimait pas ces gens.

– Les consignes sont simples: par groupe, vous devez créer une mini histoire historique avec des éléments qui vous entourent. Vous avez jusqu'à la fin des deux heures de cours. Le meilleur groupe recevra un A+.

– On va s'éclater ! Allez, venez on va à la salle du club ! Winnie courait déjà dans les couloirs avant même d'avoir reçu une réponse des autres.

– Mais il y a... commença Walter avant d'être coupé par Stanley.

– Suivons-là avant qu'elle fasse des bêtises ! il partit en courant à son tour et les deux autres suivirent, avec un peu moins d'entrain.

Quelle ne fut pas une mauvaise surprise pour Helena de voir cette fichue Osborn assise derrière l'ordinateur du club à tapoter plein de choses très rapidement.

– Euh, elle fait quoi ici ? demanda la blondinette en pénétrant dans la pièce. Winnie ne répondit pas, trop concentrée à fouiller dans un carton et Stanley haussa les épaules.

– Elle fait un travail pour nous. Une nouvelle enquête. répondit simplement Walter et s'asseyant sur un pouf. Au même moment, la petite tête brune de Pomme se mît à dodeliner de gauche à droite et une musique classique s'alluma d'un coup, faisant sursauter Helena. Le volume était tellement fort qu'elle était sûre d'avoir perdu trente pour-cent d'audition en quelques secondes.

– Baisse le son ! s'écria-t-elle mais l'autre refusa et afficha un sourire mauvais avant de se remettre à tapoter. Les trois autres agissaient comme si de rien n'était et cela agaça fortement la jolie blonde qui s'approcha à grands pas du bureau, le contourna et appuya sur le bouton "POWER" avant que quiconque aie pu réagir. Le silence revint d'un coup dans la pièce; pour une courte durée. Moins de trente seconde après, Pomme Osborn se mit à hurler de rage et sauts au cou de la blonde.

– Tu sais comment c'est dur de craquer un code comme ça ? Ça faisait trois heures que je bossais dessus ! T'es vraiment trop nulle ! Sérieux vas te pendre ! elle se débattit comme un chaton quand Walter et Stanley l'arrachèrent d'Helena qui se releva, encore choquée. Que venait-il de se passer ? Pourquoi réagissait-elle comme ça ?

– Helena. Osborn était en train de craquer le code de fichiers confidentiels de la police qui sont très importants et tu as tout gâché. Elle travaillait dessus depuis ce matin, c'est très fatiguant mentalement pour elle de faire ça. Elle est très gentille de nous aider mais toi... toi tu as tout gâché ! jamais la blonde n'avait vu un regard autant haineux envers elle que celui que Pomme lui lançait. Walter, qui avait parlé, semblait aussi très énervé.

– Helena, sors d'ici. On va faire le projet et on te retrouvera quinze minutes avant la fin du cours. Merci. même Winnie, de nature si heureuse, semblait au bord des nerfs. Mais qu'avaient-ils tous bon sang ? Ce n'était que de pauvres lignes de code ! Rien de grave ! elle souffla bruyamment et sortit de la pièce sans même daigner jeter un regard à la petite furie.

– C'est qu'une gamine... Pourquoi est-ce que tout le monde l'aime tellement ?

Cela faisait une semaine qu'elle avait confié l'affaire à Winnie et elle était stressée par l'absence de résultats. Le trio l'avait prévenue que Pomme Osborn était à présent dans l'affaire mais qu'ils ne lui avaient pas dit pour l'immortalité, même si elle sentait que Winnie en mourait d'envie. Était-elle vraiment sûre de pouvoir leur faire confiance ? Oui, la noiraude le pensait. De toute façon qui les croiraient sans preuves ? Personne.

– Eh, tu te bouges ? On doit se dépêcher si on veut avoir des places au réfectoire ! la voix de Marvin l'avait sortie de ses pensées et elle secoua la tête.

– Désolée mais je dois faire un truc avec le club 404 pendant la pause déjeuner... bien sûr, elle ne les avait pas prévenus pour l'enquête. Elle préférait prétexter un devoir interclasse donné par le professeur d'histoire de l'art que de leur avouer. Si Winnie et sa bande n'avaient pas trouvé ça monstrueux d'être immortel, elle n'était pas persuadée que Marvin et Laureen réagiraient pareil. Bien sûr, ils étaient ses meilleurs amis depuis le bac à sable mais Laureen était facilement effrayée face aux choses surnaturelles et Marvin... Marvin était impossible à prédire.

– Mais... Tu sais quand vous aurez fini ce devoir ? Ça nous manque de plus manger avec toi ! Laureen pleurnicha tandis que sa meilleure amie haussait des épaules.

– Je leur demanderai ! elle les salua et partit dans le grand couloir.

– Salut ! elle fit un signe de la main aux personnes présentes dans la pièce puis s'installa sur un siège vacant entre Winnie et Stanley. Une musique classique remplissait la pièce et rendait l'atmosphère reposante. Walter était plongé sur ses cahiers, Osborn cachée derrière son ordinateur et les deux autres discutaient à voix basse tout en marquant des choses sur un tableau blanc.

– Vous faites quoi ? demanda timidement l'adolescente à Stanley qui posa son index sur ses lèvres et jeta un coup de tête à Pomme.

– Parle doucement sinon elle ne va pas arriver à se concentrer. conseilla-t-il en souriant.

– On compare les résultats de nos différentes recherches, Pomme craque un code et Walt fait ses devoirs.

– Un code ?

– Ouais, pour pénétrer dans les fichiers de la police. Ils ont beaucoup de moyen mais... nous aussi. Si on avait une vraie licence de détectives on aurait pas besoin de ça mais bon...

– Arrête de râler ! grogna Stanley en lui donnant un coup de coude. Winnie acquiesça et se replongea sur le tableau blanc.

– Il y a plusieurs frères Atlas mais pas d'Oswald ou de Brett... Après, on a essayé de comparer leurs têtes avec les photos que tu nous as données mais la plupart sont floues ou usées donc c'est difficile de trouver quelque chose de concret.

– Je comprends... Prenez tout le temps dont vous avez besoin ! Mais, s'il vous plaît, trouvez-les ! elle avait joint ses deux mains et les suppliait du regard.

– J'ai fini ! s'exclama soudainement Osborn, faisant sursauter les quatre autres.

– Ah bon ? Tu as trouvé quoi ?

– Deux frères jumeaux, Brett et Oswald Atlas ont été connus il y a une vingtaine d'années pour avoir volé des chevaux dans une ferme et commis d'autres petits délits du genre. La police ne les a jamais attrapés mais il semblerait que Brett, l'aîné, aie été vu aux alentours d'Atlanta en Géorgie il y a une dizaine d'années. Le cadet, Oswald, s'est retrouvé mêlé à une autre affaire de vol un peu plus grave il y a de cela trois ans mais depuis, plus personnes n'a des nouvelles de lui. étrangement, Pomme Osborn impressionna Violette à ce moment précis. Comment cette enfant de quinze ans avait-elle réussit à craquer dès dossiers confidentiels de la police et parvenait à les lire aussi aisément ? À sa place, la noiraude aurait déjà tout avoué à ses parents en sanglotant de peur d'être punie...

– Tu as d'autres infos ?

– Oui. Une agence de... je ne sais pas vraiment de quoi en fait... Bref, une agence porte le nom de "Atlas Company" je crois qu'ils sont spécialisés dans les courts-métrages ou un truc dans le genre. Elle est gérée par deux frères jumeaux ayant pour nom de famille Atlas. Ils ont aussi dans la moyenne d'âge de ceux que nous recherchons et sont basé du côté d'Oklahoma. Je pense que ce sont de bons candidats sauf qu'aucune photo d'eux n'est disponible sur le net. Je pourrais visiter le deep mais ça me prendrait au moins deux jours avec votre ordinateur... la petite brunette fit la moue et se leva. Elle s'étira avant de se coucher en position fœtale sur le canapé et de s'endormir tout soudainement.

– Je suis la seule qui n'ait rien compris à ce qu'elle a raconté ? demanda Violette en tortillant une mèche de ses cheveux noirs autour de son index.

– En gros, ce week-end on va faire un roadtrip ! résuma Winnie en levant les bras en l'air avec entrain.

– Un... Un road-trip ? murmura la noiraude en levant les yeux vers le trio. Jamais elle n'aurait cru faire une telle chose par le passé... Surtout pas avec eux.

Le départ était prévu pour le vendredi soir à vingt heures tapantes. Les adolescents avaient décidé que sécher le lundi ne serait pas très grave vu qu'ils n'avaient que des cours facultatifs.

– J'ai calculé qu'il nous faudra environ vingt-trois heures pour rejoindre Oklahoma City. Si on a trois chauffeurs, on peut faire des tours de gardes. Pomme pourrait emprunter le monospace de ses parents et on mettrait deux ou trois personnes sur le coup pour la bouffe. Stanley détailla son plan point par point tandis que les autres l'écoutaient.

– Mais... Vous n'êtes que deux à avoir le permis... Walter avait raison: seuls Stanley et Winnie avaient le droit de conduire.

– Alfred l'a aussi... répondit Pomme d'une voix lasse. Étrangement, tout le monde fit comme s'ils ne l'avaient pas entendue. Surtout Walter. Ils continuèrent de parler, tentant de trouver un troisième chauffeur.

– Oh ! Alfred a le permis ! s'exclama soudainement la cadette en battant des bras. Ses manches, un poil trop longues, battaient l'air frénétiquement et ses lunettes chutèrent sur le sol à cause de ses sautillements. Les trois autres se mirent à la fixer comme si elle était devenue folle.

« Mais qu'est-ce qu'il lui prend ? » se demanda intérieurement Winnie en soupirant.

– Osborn. On ne peut pas mettre Walty et Alfred dans la même voiture pendant vingt-trois heures. Sinon, on va tous y passer ! expliqua Stanley, les yeux toujours baissés —enfin, normalement— sur son plan.

– Pourquoi ça ? c'est qu'elle insistait la petite... Winnie soupira et la fit s'asseoir face à eux.

– Écoute, ce que je vais te dire, tu ne dois le répéter à personne et sous aucun prétexte ! la cadette secoua vivement la tête, retroussa ses manches et écouta.

– Il y a trois ans, Walt et ton copain étaient dans la même classe alors que toi, tu étais dans une classe différente. Au début de l'année, Walt a bousculé, sans le faire exprès, Alfred à la cafétéria et ça lui a fait renverser son plateau. Alfred à pété un câble et il a fait vivre un enfer à Walt. Il lui donnait des surnoms pourris, le tapait pendant les pauses et des choses comme ça. Le truc c'est qu'Alfred avait été assez intelligent pour toujours avoir un alibi et donc les profs ne croyaient jamais Walter. Et un jour, Alfred est allé chez lui et il lui a jeté des litres de peintures dessus en l'insultant. Ça été la goutte d'eau qui fait déborder le vase... elle parlait doucement pour que Walter, qui se cherchait quelque chose dans une caisse, ne les entendent pas.

– Mais attends... Comment ça se fait que je n'en aie jamais entendu parlé ? la question brûlait les lèvres de Pomme depuis le début du récit de Winnie.

– Il y a trois ans... Essaie de te souvenir...

– Il y a trois ans... Ah oui ! Je suis tombée très malade à cause d'une mauvaise bronchite et j'ai dû passer deux mois à l'hôpital... C'est donc pendant ces deux mois-là ?

– Oui. Tu comprends pourquoi on ne veux pas qu'il voyage avec nous ? Winnie n'avait pas du tout envie de rire et elle fut reconnaissante à Pomme de le comprendre. Elle remarqua que la brunette avait glissé son regard sur Walter qui avait enfin trouvé l'objet qu'il cherchait: Ricky.

– Walt, tu vas quand même devoir m'expliquer comment tu fais pour toujours mettre des heures à chercher ce truc alors que tu t'en sers tous les jours ! la jolie rousse semblait tomber des nues pendant que Pomme et Stanley riaient.

– C'est pas ma faute si ce petit est un dissident ! s'exclama le blandinet en serrant le ukulélé contre son torse. Tous pouffèrent avant de se remettre à la planification.

Violette les rejoignit après les cours et les aida à trouver une solution.

– Et si on prenait deux voitures ? J'ai aussi le permis mais on pourrait faire comme ça: un monospace avec Stanley, Winnie, Walter et les provisions et les sacs et une voiture plus petite avec Alfred, Pomme et moi. Ça irait, non ? tous hochèrent la tête puis ils terminèrent les derniers réglages avant leur départ du lendemain.



Elle ne pouvait pas le croire: Alfred avait fait des choses comme ça ? Elle se souvenait bien de cette période, elle était tombée très malade des bronches et avait dû rester alitée durant deux mois. Mais, même à son retour, elle n'avait jamais entendu parler de cette histoire... Comment tout cela avait-il pu arriver ?

– Eh, Osby ! Tu as fini avec le club des détectives ? le loup venait de sortir de la salle d'art plastique et la brunette sursauta à l'entente de sa voix.

– Oh, salut Alfred ! elle lui sourit gentiment pendant qu'il passait son bras autour de ses épaules. La position semblait un peu indélicate vu la taille exagérément grande d'Alfred et celle ridiculement petite de Pomme mais ça ne les dérangeaient pas tant que ça.

– J'aurais une question... la voix de la brunette était encore plus faiblarde que d'habitude et cela l'exaspérait.

– Vas-y ! l'encouragea Alfred avec un large sourire.

– Hum... Ce week-end avec Violette Collins, Winnie Stevens, Stanley Cassidy et Walter Stone on a prévu de faire un petit voyage jusqu'à Oklahoma City. On aurait besoin d'un chauffeur pour la deuxième voiture alors je t'ai proposé, ça ne te dérange pas ? elle tortillait ses doigts en attendant la réponse de l'adolescent.

– Oh ouais ! Je suis jamais allé à Oklahoma City ! s'exclama-t-il directement en souriant de plus belle. La brunette soupira de soulagement puis ils allèrent manger en compagnie d'Helena.

Libérée d'un énorme poids, ce fut le cœur léger que Pomme Osborn rentra chez elle ce soir-là. Il ne lui restait que quatre heures pour prévenir ses parents de son départ, faire sa valise et rejoindre les autres. La chose qui l'angoissait le plus, c'était la réaction de ses parents...

– Ah ma pompom ! Tu as bien travaillé à l'école aujourd'hui ? sa mère, une femme de toute beauté au teint pâle et au visage fin encadré de longs cheveux bruns parsemé de quelques mèches plus claires venait de passer sa tête par la porte de la cuisine.

– Euh ouais, comme d'habitude...

– Bien ! Alors tous à table, on mange ! elle lui fit un large sourire puis disparu dans la cuisine. La brunette monta dans sa chambre déposer ses affaires, rangea tour convenablement comme à son habitude et rejoignit sa famille à table. Ses benjamins, Arnold et Mary-Jane se disputaient sur on ne sait quel sujet, Wayne avait le nez plongé sur son portable et ses parents rigolaient ensemble. Elle se sentait un peu de trop dans ce portait de famille idéale.

Sa sœur, malgré ses treize ans, était une fille très populaire et très jolie; se démarquant facilement des autres avec ses grands yeux miels et ses cheveux roux sortis de nulle part. Arnold, de son côté, était un vrai bagarreur et en avait tout le style; ses cheveux blonds bouclés comme leur père tombaient en cascade sur son joli visage d'ange et cachaient ses yeux miels entourés de coquards et cicatrices, dernières traces de ses bagarres.

Puis il y avait Wayne. C'était un garçon intelligent, comme son aînée, et doué d'une grande force de persuasion; tout ce qu'il désirait, il l'avait. Ses yeux sombres étaient capable de vous foudroyer sur place à plus de cinq mètres et ses cheveux bruns tirants sur le noir renforçaient cette image de rebelle.

À côté d'eux, la pauvre adolescente au physique banal qu'elle était soupira et s'installa à côté de Wayne et Mary-Jane.

– Hum maman ? la voix faiblarde de Pomme ne suffit pas à couvrir le brouhaha régnant dans la pièce.

– Papa ? Maman ? J'ai quelque chose à vous dire... nouvelle tentative, nouvel échec. Il ne lui restait que son plan B...

– Maman ! Papa ! Je pars ce soir jusqu'à lundi en voyage avec les gens du club de détectives parce que je les aide sur une affaire importante ! elle avait crié si soudainement que tout le monde se tourna vers elle, plus effaré par le volume de sa voix que ses paroles.

– Euh... D'accord ma chérie. Tu as déjà préparé ton sac ? Tu nous appellera tous les jours ! la voix douce de sa mère brisa le silence, elle hocha la tête puis les conversations reprirent leurs cours.

– Bon. Bah ça c'est fait. murmura-t-elle en enfilant goulûment de la purée dans sa bouche.

Sa valise prête, elle salua ses parents et sortit dans la rue pour rejoindre les autres. Alors qu'elle tournait au coin de la rue, elle entendit quelqu'un l'appeler; elle se retourna donc, pensant tomber sur Alfred mais elle fut face à Wayne. Wayne portant un petit tabouret dans les mains. Son petit tabouret pour être précis.

– Tiens sœurette, t'as failli oublier Johnny ! Comment tu aurais fait pour monter dans la voiture ? il ricana méchamment, posa le tabouret à ses pieds et partit en courant. Pomme ragea et donna un coup de pied dans le petit tabouret en plastique bleu à pois verts. Elle l'avait depuis son plus jeune âge à cause de sa petite taille et avait pour habitude de le porter sur son dos comme une tortue porte sa carapace. Et depuis toujours, Wayne ne cessait de l'embêter sur ce propos.

– Ce n'est pas parce que Môssieur a quatorze ans et qu'il mesure un mètre soixante sept qu'il a le droit de se moquer de moi ! Je suis son aînée ! s'énerva-t-elle en ramassant Johnny avant de reprendre sa route.

Ce soir, elle partait à l'aventure !

Quand Alfred le lui avait proposé, elle n'avait pas pu y croire: un voyage avec lui pendant tout le week-end ? Une aubaine ! Elle sautillait toujours de joie en faisant son sac après l'avoir annoncé à sa mère qui avait gentiment accepté. Elle était toujours autant euphorique en se rendant au point de rendez-vous mais la joie baissa d'un coup quand elle s'aperçut de la présence des nerds du club 404 et de Pomme Osborn. Heureusement qu'Alfred et la jolie Violette Collins se trouvaient là sinon elle serait partie directement !

– Alfred ? Pourquoi elle est là ? demanda Winnie en voyant la jolie blonde s'approcher du groupe. Cette dernière n'entendit pas la réponse de l'adolescent mais vit la rousse hocher la tête. Eux non plus n'étaient pas au courant qu'elle venait ? Quel plan foireux Alfred avait-il donc programmé ?

– Bah... Je me suis dit qu'avec une chauffeuse en plus on aurait plus de chances d'arriver à destination ! comme à son habitude, le garçon affichait un de ses sourires ravageurs et Helena fondit.

Elle s'installa à l'arrière de la petite voiture de Stanley, en compagnie d'Alfred et Violette. Comme dans cette voiture-ci il n'y avait plus de places et que Pomme ne conduisait pas, la petite brune avait été déplacée dans le monospace laissant plus de place à Helena. Cette dernière, absolument comblée, souriait à pleines dents tandis qu'ils s'engageaient sur l'autoroute.

– Et donc... Tu t'appelles comment ? demanda soudainement Violette en se tournant face à elle.

– Hein ? Euh Helena Newton... la noiraude secoua la tête et lui sourit avant de se retourner et d'allumer la radio. La musique qui passait, un vieux groupe appelé Radiohead, la berça tellement que la jolie blonde s'endormit sur la banquette arrière.

– ... réussir à trouver facilement alors ! s'exclama une voix au loin, dans l'arrière-plan de son rêve.

– Oui, elle est super douée en informatique ! renchérit une autre. Le silence redevint roi et Helena se réveilla doucement. Il devait être aux alentours de minuit et Alfred s'engageait sur une petite route conduisant à une station essence. Là, tout le monde bougea très rapidement et, pas moins de trois minutes plus tard, Violette se retrouvait derrière le volant, prête à conduire. Helena était passée à l'avant et Alfred s'installait à l'arrière pour dormir. C'était la deuxième phase de leur road-trip et ils étaient repartis pour quatre heures de route sans interruption.

Être coincée avec Alfred Banks et la nouvelle dans une voiture pour les vingt-trois heures qui allaient suivre n'enchantait pas vraiment l'adolescente mais vu que Pomme Osborn n'avait pas encore son permis et qu'il était inconcevable que les trois détectives se séparent, elle y était obligée.

– Et donc... Tu t'appelles comment ? demanda-t-elle à la nouvelle en se tournant vers elle.

– Hein ? Euh Helena Newton... répondit la blondinette qui semblait être surprise par cet intérêt soudain. Violette secoua la tête puis se retourna et enclencha la musique.

– Oh, ta deuxième copine s'est endormie ! notifia la jolie noiraude. Les mots lui avaient échappé malgré elle mais bon... C'est ce qu'elle pensait au fond. Elle connaissait Pomme et Alfred de loin et elle n'avait jamais trouvé qu'ils ressemblaient à un couple. Des meilleurs amis, oui. Mais pas des amoureux. Et, franchement, la charmante nouvelle semblait complètement "in love" de lui alors que Pomme...

– Ma quoi ? Qu'est-ce que tu insinues ? l'adolescent s'était crispé sur le volant et ne semblait pas vraiment content.

– Euuuuuuuuuuuh, bah... Cette fille elle a l'air bien plus amoureuse de toi que Pomme donc je me suis dit...

– Alors tu t'es dit que je trompais ma copine ? Tu m'as pris pour Wes ? Je suis pas aussi stupide que lui. Je respecte les gens, moi. le ton de l'adolescent était dur et Violette tressaillit; si tout le monde possède deux faces, celle-ci devait être la plus sombre d'Alfred Banks.

– Tu sais... Pomme a quelque chose en elle qui est tout mignon et adorable et de l'autre côté, on sent qu'elle est super intelligente. Tellement que ça nous dépasse tous. Ça te dépasse, toi ? la voix d'Alfred fit sursauter la noiraude et celle-ci haussa les épaules.

– Je ne connais pas beaucoup Pomme mais... Je ne comprend pas pourquoi les gens ne l'aiment pas. C'est une fille géniale ! Tu la connais depuis longtemps ?

– On peut dire ça comme ça, oui.

Le trajet se continua avec pour seule ambiance, Radiohead. Puis vint l'heure du premier changement. C'était au tour de Violette de conduire. Ils se dépêchèrent tous et cinq minutes plus tard, tout le monde était dans les voitures, prêts à redémarrer. Malheureusement pour elle, Helena était passée devant. En fait, l'immortelle ne savait pas qui elle préférait entre elle ou Alfred mais bon, elle se dit qu'elle ferait avec ce qu'elle avait et décida de lancer la discussion.

– Hmmm Helena, c'est ça ? Tu penses quoi du club 404 et de Pomme et Alfred ? d'accord, c'était nul comme sujet mais Violette n'était pas une lumière en matière de socialisation.

– Euh... Stanley est un peu bizarre avec ses lunettes mais ça lui donne un côté un peu dark. Winnie est complètement folle et elle se fiche du regard des autres et je trouve ça admirable. Walter est tout mignon avec son mètre soixante et des cheveux blancs, on dirait un bébé chat ! Et Pomme... C'est une petite peste prétentieuse qui se croit tout permis sous prétexte qu'elle a un Qi de 130 ! Et puis Alfred... C'est un garçon vraiment génial et adorable ! Il est tellement gentil et beau... la blondinette se mît à rêvasser sûrement à propos d'Alfred.

– Ah. Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle...

« Okay. Cette fille est complètement folle. C'est sûr. » pensa Violette en s'accrochant au volant comme s'il s'agissait d'une bouée de sauvetage.

– Un jour je serai le meilleur dresseur

Je me battrai sans répit

Je ferai tout pour être vainqueur

Et gagner les défis

Je parcourrai la terre entière

Traquant avec espoir

Les Pokémon et leurs mystères

Le secret de leurs pouvoirs !

– Winnie... Je te jure que si je l'ai dans la tête, je t'égorge ! la rouquine afficha une moue désolée et ricana face à la mine blasée de son meilleur ami.

– Allez, pleurniche pas Stan ! elle lui donna un petit coup de poing dans l'épaule et l'adolescent grogna. Ils avaient déjà changé une fois de conducteur et Stanley avait pris sa place. Pourtant, la jolie rousse avait préféré laissé les deux plus jeunes dormir sur la banquette arrière et me réveiller Walter que quand ce serait son tour. Malgré sa fatigue, Winnie essayait d'être la meilleure co-pilote possible pour Stanley.

– Pooh ?

– Oui ?

– J'ai quelque chose à t'avouer... Stanley remuait nerveusement son nez; tic qu'il avait depuis plusieurs années quand il allait dire quelque chose d'important.

– Bah parle ! la jeune fille le poussa gentiment pour le faire réagir après plusieurs secondes de silence.

– La mère de Shaun m'a appelé. Il y a quelques jours. le coeur de Winnie s'arrêta de battre. En fait, tout autour d'elle s'arrêta. Une coupure nette dans le courant temporel de l'adolescente.

– Shaun... prononcer ce nom était tellement doux mais si dur en même temps pour elle.

– Il... Il s'est souvenu ?

– Non. Elle a juste voulu me donner des nouvelles et...

– Alors ça ne sert à rien s'il ne se rappelle pas ! sans même y avoir fait attention, elle avait crié. Réveillant Walter et Pomme qui se penchèrent en avant pour voir ce qu'il se passait.

– Qui c'est ce Shaun ? demanda le petit génie après la réponse évasive de Stanley et Winnie.

– Comment expliquer... les deux garçons semblaient gênés et Winnie ne pipaient mot. Non, elle ne voulait pas parler de lui alors que son état ne s'était pas amélioré. Que des espoirs inutiles, c'était toujours comme ça !

– En gros... Shaun a été le premier petit copain de Winnie et c'était un cousin éloigné à Stanley. expliqua grossièrement Walter mais tous sentaient que Pomme voulait en savoir plus. C'était normal pour une personne aussi curieuse qu'elle.

– Shaun et moi, on s'est rencontrés lors de mon premier travail; dans un magasin de fringues. J'avais quinze ans, il en avait seize. Au début, il traînait seulement avec Stanley puis il a commencé à venir seul. On s'est rapprochés, on est sortit ensemble pendant un an. Et puis, il y a treize mois, il a eu un grave accident et est tombé dans le coma. Il y est resté pendant cinq mois. Quand il s'est réveillé, on était là, Stan et moi, mais il n'a reconnu aucun de nous. Il avait tout oublié. Sa famille, ses amis, Stanley. Et moi aussi. Voilà. la voix de Winnie s'était brisée au fur et à mesure de son récit. Tout, absolument tout, lui revenait en mémoire. Leur rencontre, leurs rendez-vous au magasin, leurs rires et leurs délires. Mais il ne restait plus rien d'eux. Sauf elle.

Dans la voiture, plus personne ne parlait. Les larmes coulaient silencieusement sur les joues de Winnie, Stanley se concentrait sur la route et les cadets regardaient par la fenêtre de la voiture.

– Et sinon, Pomme, ça fait depuis longtemps que vous vous connaissez avec Alfred ? la voix de Stanley fit sursauter tous le monde mais Winnie lui en fut reconnaissante de briser le silence pesant.

– Euh... On peut dire ça comme ça...

– Développe ! l'encouragea Walter.

– Bah ça va faire quatorze ans en fait. Nos parents étaient meilleurs amis et... Et sa mère a pensé que ce serait bien si on nous... Fiançait. Donc je suis fiancée à lui depuis que j'ai deux ans. Mais quand j'ai eu cinq ans, j'ai construit un prototype d'une machine à trier les legos par couleurs et il l'a cassée donc je ne lui ai pas parlé jusqu'à mes huit ans. Après ça, j'ai sauté des classes à l'école et j'ai été dans la sienne. J'ai été obligée de lui reparler et au fil du temps on est devenus amis puis meilleurs amis et l'année passée il m'a demandé de sortir avec lui. Comme c'était dans l'ordre des choses, j'ai accepté et voilà.

– Attendez, vous êtes fiancés ?

– Oui. J'ai reçu la bague de fiançailles à mes dix ans, elle est dans un coffre dans ma chambre. Sa mère est un peu bizarre et elle a tellement peur de l'abandon et de la solitude qu'elle a vraiment insisté auprès de mes parents pour qu'ils acceptent.

– C'est... commença Stan.

– Étrange. compléta Winnie. La pauvre petite Pomme, elle avait été forcée d'aimer Alfred !

– Je pense que si on m'avait fiancée à Walt ou Stan à mes deux ans j'aurais mordu tous le monde jusqu'à qu'ils retirent cette pensée de leurs esprits !

– C'est quoi cette haine ? le blandinet ricana et Stanley ne pipa mot.

– C'est quand même hard comme genre de relation... Au final tu as été obligée de l'aimer... Tu aurais fait quoi si tu avais aimé quelqu'un d'autre ?

– Franchement... Je ne sais pas... Winnie surprit le sourire un peu faible de la cadette; vraiment, cette fille n'était pas banale !

C'était la première fois qu'elle se livrait comme ça, à d'autres gens qu'Alfred. Cela lui faisait étrange. D'un côté, elle avait l'impression de trahir son petit copain mais de l'autre, elle se sentait de plus en plus intégrée dans le club 404 et cela la rendait tellement heureuse !

Plus tard, bien plus tard, après plusieurs autres changements et plusieurs arrêts, ils étaient enfin arrivés à destination ! Le trajet s'étant déroulé sans encombres particulières, tous avaient été soulagés de voir le panneau leur annonçant qu'ils entraient à Oklahoma City.

– Bon, Petit Génie tu nous donne l'adresse exacte ? la brunette sursauta à l'entente du surnom mais se dépêcha de tendre l'adresse à Walter qui conduisait.

Finalement, ils arrivèrent devant un énorme bâtiment qui ressemblait à un vieil hôtel désaffecté.

– C'est bizarre comme endroit... notifia Winnie en se grattant le bout du nez.

– J'avoue que c'est pas là que j'irais passer la nuit si j'avais le droit entre cet hôtel et le Bates Motel. répondit Stanley à mi-voix.

– Alors tu dormirais dehors ? Walter se retourna vers lui et le fixa de ses grands yeux clairs.

– Dehors ? Pourquoi dehors ?

– Bah parce que le Bates Motel n'existe pas... déclara le bleuté comme si c'était une évidence.