Une bataille

one shot Alice au Pays des Merveilles / Peter Pan


« – Alice, dépêche-toi donc un peu ! Nous allons être en retard pour le conseil ! » piaffa McTwist alias le Lapin Blanc en consultant sa montre à gousset farfelue. Elle avait toujours neuf minutes d'avance et parfois, elle tournait à l'envers. Mais malgré ça, le lagomorphe à longues oreilles ne s'en séparait jamais. La jeune fille soupira —un peu trop fort au goût de son ami— et le suivit dans les dédales de couloirs du château. Finalement, les deux compères arrivèrent à la grande salle du conseil où tous les autres les attendaient. En bout de table se trouvait la délicate Mirana, Reine Blanche du pays des merveilles. À sa droite siégeaient le Chapelier, Thackery le Lièvre de Mars et Mally Umkin le Loir. À sa gauche se tenaient Cheshire qui était habituellement un chat mais se trouvait être sous sa forme humaine, l'ancien valet de cœur de la reine rouge et Absolem la chenille au savoir absolu. La petite confrérie se regroupait chaque matin pour leur conseil-avant-thé. Alice et McTwist prirent place respectivement l'une du côté droit et l'autre du côté gauche et le conseil pu enfin débuter.

« – Allons bon, commençons ce conseil puis nous boirons du thé. À qui l'honneur ? Mally ? » la Reine Blanche se tourna vers le Loir qui somnolait au fond de sa tasse à thé vide. Thackery l'attrapa par la queue et la fit tournoyer quelques secondes dans les airs avant qu'elle ne se mette à piailler comme une poule face à un renard. Finalement, le Lièvre de Mars lâcha son amie qui s'écrasa sur la table dans un bruit fracassant; se relevant immédiatement et sortant son épée, elle la brandit sous le nez du buveur de thé.

« – Sale malotru ! Ose me déranger encore une fois durant ma sieste matinale et je te coupe les oreilles ! » s'exclama le rongeur et le piquant du bout de son aiguille. Finalement, Mally Umkin regagna sa place, retourna sa tasse et prit la parole.

« – Nous avons enfin la cible tant demandée ! Thackery et moi-même l'avons soigneusement enfermée dans un pot et cachée dans le garde-manger ! » le loir arbora alors un sourire plein de fierté tandis que tout le monde autour de la table la regardait, interloqué.

« – Excuse-moi Mally mais... De quelle cible parles-tu ? En fait, qu'est-ce que tu nous raconte ? » demanda timidement le Valet de Cœur.

« – De la fée de Peter Pan bien évidemment ! »

« – La... Fée ? De Peter qui ? » la pauvre Reine Blanche et toute l'assemblée étaient perdues.

« – Mais oui ! L'autre fois vous avez dit que nous avions besoin de la fée de Peter Pan pour notre prochaine Tea Party ! Alors je suis allée chercher la fée de Peter Pan avec Thackery ! » expliqua Mally en regardant les autres avec ses yeux perçants.

« – C'est donc pour ça que ces deux-là ont disparu pendant un moment... » chuchota le Chapelier à Alice qui se retint de pouffer; il est vrai que presque personne n'avait remarqué leur absence.

Finalement, après plusieurs minutes de délibération, tout le monde se mit d'accord sur le fait qu'il valait mieux aller voir cette fameuse fée; ensuite ils pourraient bien mieux réfléchir à la situation présente. Quand ils se retrouvèrent face au bocal, tous furent très étonnés de son apparence; ici, au pays des Merveilles, il n'y avait pas de fées. Alors, mis-à-part celles qu'Alice leur avait montré jadis dans son livre d'image, il n'en n'avait jamais vues. La chose se présentait ainsi: elle était fortement ressemblante à Alice mais en dix fois plus petite, avec une robe verte, des chaussons de la même couleur mais ornés de pompons et deux petites ailes transparentes et toutes brillantes. C'était un spectacle très beau à regarder mais, malheureusement pour eux, ils n'en avaient pas le temps ! Alice attrapa délicatement le bocal et ils retournèrent dans la salle du conseil.

Enfin réinstallés autour de la table, ils observèrent la fée qui tapait violemment contre les parois de sa prison de verre. La douce Reine Blanche décida alors de faire un tour de table pour savoir ce qu'il adviendrait de leur "invitée".

« – Je propose qu'on lui coupe les ailes ! » s'exclama Mally avec un sourire victorieux. Bien évidemment, tous refusèrent sa proposition.

« – Et si-si on en faisait une serveuse ? Pour le thé ? Ça do-doit être vachement pratique avec ces ailes... » balbutia Thackery en regardant pensivement la fée.

« – Ne pourrions-nous pas tout simplement la tuer ? Lui trancher la tête ? » suggéra le Valet de cœur avant de se taire face aux regards un peu secs des autres.

« – Et si nous recherchions sa signification profonde ? » proposa Absolem avant de reprendre la lecture d'un livre très gros.

« – Pourquoi ne pas la relâcher et lui montrer le pays ? » la voix fluette d'Alice se fit un chemin parmi les chuchotements mais son idée ne resta pas longtemps en suspend.

« – Vous pensez qu'elle pourrait ramener le temps ? » demanda alors le Chapelier en rapprochant son visage de celui de la fée. Cette dernière se recula au maximum et finit par trébucher contre la parois.

« – Pourquoi ne pas tout simplement lui demander son avis et essayer de la ramener chez elle ? » trancha Cheshire en passant sa langue sur ses lèvres pour les humidifier.

« – Sinon je veux bien me proposer pour la manger. » finit-il par dire en affichant un sourire carnassier, près à reprendre sa forme originale et à lui sauter dessus. Mirana lui lança un regard autoritaire puis secoua pensivement la tête; elle avait délibéré de ce qu'il arriverait à cette si jolie créature.

« – Mally, je te charge d'écrire un mot d'excuse au Pays Imaginaire et de les convier à venir récupérer leur amie ici-même. » le loir acquiesça et partit en trottinant avec Thackery à ses côtés.

« – Pourquoi est-ce Mally qui doit écrire la lettre alors que c'est sa faute si nous avons ce soucis ? » demanda Alice, sans aucune mauvaise pensée.

« – Celui qui est en tort doit apprendre à réparer ses erreurs. » répondit simplement la Reine Blanche avant de se retirer dans ses appartements en compagnie du Valet, de McTwist et d'Absolem.

Dans la salle de conseil ne restaient plus qu'Alice en compagnie du Chapelier, de Cheshire et de la fée. Les trois amis décidèrent donc de faire connaissance avec leur étrange invitée d'infortune.

« – Bonjour. Je sais que tu dois être en colère ou apeurée et j'en suis désolée. Je m'appelle Alice. Le monsieur au chapeau se prénomme tout simplement Chapelier et le garçon qui se lèche les doigts et se gratte le crâne constamment c'est Cheshire. Comment t'appelles-tu ? » la jolie blondinette s'était délicatement emparée du bocal et le portait à hauteur de son visage pour qu'elle puisse bien comprendre la fée. Cette dernière s'était relevée et lissa un peu sa robe avant de se racler la gorge; sauf que quand elle se mit à parler, aucun des trois compère ne comprit un traître mot de ce qu'elle avait dit.

« – Peut-être que ces drôles de pigeons ne parlent pas notre langue ! » suggéra le Chapelier et se grattant le nez.

« – C'est assez embêtant. » ricana Cheshire en louchant sur la fée; il voulait vraiment la manger. Ou du moins, la goûter.

« – Ses paroles et ses gestes ressemblent à des grelots. Je propose de l'appeler Clochette ! » s'exclama l'homme au chapeau en s'emparant du pot. Alice tenta tant bien que mal de le récupérer mais fut interrompue par des cris qui venaient du couloir.

« – Mais non ! Je te jure que c'est ce que la Reine voulait que j'envoie ! » s'énerva Mally en sautillant partout.

« – No-non ! Elle ne voulait pas d'une déclaration de guerre ! » Thackery était au bord de la crise de nerf.

« – Comment ça, une déclaration de guerre ? Mais qu'as-tu encore fait Mally ? » le Chapelier, Alice et Cheshire venaient de débouler dans le couloir et regardaient les deux amis qui se criaient encore dessus.

« – Mally a envoyé ceci au Pays Imaginaire ! » il tendit une feuille tout froissée à Cheshire qui la prit, la lissa un peu puis se racla la gorge.

« – J'accuse le Pays Imaginaire d'une haute trahison. Nous vous déclarons la guerre, sans retour sur cette décision. »

C'est alors que tous comprirent que Mally Umkin avait fait une énorme bêtise.

Trois jours plus tard, tous se torturaient encore l'esprit pour trouver une solution sans causer d'incident diplomatique. Le loir fauteur de troubles était sous la surveillance totale de Thackery et du Valet de cœur; ils avaient tous peur que ce petit rongeur impétueux ne se rende au Pays Imaginaire et cause encore d'autres dégâts. Alice était en charge de la fée Clochette et avait trouvé en elle une bonne amie; même si elles ne se comprenaient pas, elles parvenaient à se comprendre. La jolie blonde avait sortit la fée du petit bocal dans lequel elle était avec la permission de la Reine Blanche à l'unique condition que la minuscule personne soit dans l'incapacité totale de voler; le Chapelier avait alors cousu un tout petit manteau pour couvrir les ailes de Clochette.

« – Pourquoi ne pas essayer de se rendre au Pays Imaginaire et de leur rendre la fée ? Nous pourrons leur expliquer la situation et Clochette sera la preuve de notre bonne foi. » l'idée d'Alice apparut soudainement comme la meilleure proposition jamais faite et tous sautèrent de joie à l'entente de ces mots.

Ce fut donc en étant totalement épuisés mais soulagés qu'ils se mirent en route. Clochette fut replacée dans son bocal et Mally attachée et bâillonnée; ainsi, aucune des deux ne pourrait s'enfuir et compliquer encore plus la situation.

Mirana marchait en tête, épaulée par le Valet de Cœur et Absolem. Derrière eux trottinaient Thackery qui portait Mally et McTwist qui ne cessait de jeter des coups d'œils sur sa montre en répétant inlassablement qu'ils seraient en retard alors qu'aucun rendez-vous n'était convenu. Tout à l'arrière, Alice marchait en "discutant" avec Clochette et le Chapelier. Il y avait aussi Cheshire qui s'amusait à disparaître et réapparaître au milieu de la troupe du Pays des Merveilles.

Au bout de deux heures de marche, tous étaient assez tendus et plus personne ne riait ou même parlait. Ils avançaient en silence, leurs mines graves et leurs pas lourds. Dans son bocal, Clochette s'ennuyait énormément; mais son visage s'illumina quelque peu quand elle entendit la voix de Peter Pan, son sauveur.

« – Clochette ! » s'écria-t-il en voyant son amie dans ce pot. Il n'était pas seul mais accompagné par plusieurs de ses... amis ? Mirana s'arrêta et tous firent de même. Alice s'avança de quelques pas mais personne n'eut le temps de dire quoi que ce soit que déjà le garçon tout habillé en vert qui semblait être ce fameux Peter Pan se mit à hurler.

« – Pourquoi détenez-vous Clochette ? » la question que tous redoutaient. Mirana ouvrit la bouche mais ce fut une autre personne qui prit la parole. Pas Mally, pas Alice, pas le Chapelier. Ce fut Cheshire. Et chacun sait que ce vilain félin adorait causer des ennuis.

« – Comment osez-vous nous poser cette question, traîtres ! C'est vous qui avez volé dans notre univers. Nous n'avons fait que de rendre la pareille. » déclara-t-il sur un ton mielleux avant de s'effacer pour apparaître aux côtés de Peter. Il lui tapota délicatement la tête et disparu à nouveau. Que ce soit Mirana, Mally, McTwist ou Alice, tous furent effarés. Le Chapelier quant à lui pouffait dans son coin.

« – Quel idiot ce matou... » pensa-t-il intérieurement.

« – C'est faux ! Nous n'avons rien volé dans votre pays ! » s'exclama Peter. Alors de chaque côté, les cris et discussions s'enflammèrent. Tous hurlaient que personne n'avaient rien volé mais aucun n'entendait. Ce fut la Reine Blanche qui mit fin à ces piaillements incessants.

« – Silence ! Moi, Mirana, Reine Blanche de ce pays vous ordonne à tous de vous taire ou je vous condamne à mort pour outrage à la royauté de ce pays ! » leur faire peur était donc la seule solution ? La si douce et délicate Reine avait dû hurler. Comme l'avait fait sa sœur jadis, elle avait menacé et elle n'aimait pas ça.

Et malheureusement pour elle, les habitants du Pays Imaginaire n'avaient rien comprit. Ils n'étaient pas effrayés comme se trouvaient l'être ceux du Pays des Merveilles. Non. Une fillette qui devait être plus jeunes qu'Alice de quelques années seulement se plaça devant Peter Pan et prit la parole.

« – Écoutez ! Nous allons montrer que nous ne sommes pas des voleurs ! Vous êtes avec moi ? » plusieurs cris fusèrent.

Il était bien trop tard pour reculer désormais. La guerre était déclarée et ni la Reine Blanche ni ses subordonnés ne pourraient rien faire mis à part se battre.

Mirana se tourna vers le Valet de cœur et McTwist, une étincelle inconnue dans le regard.

« – Valet. Cours donc au château et donne l'ordre à tous les gardes de se préparer au combats. Quant à toi McTwist, attrape-moi ce fichu chat et amène-le voir l'animal de compagnie de ma chère sœur. Je suis persuadée que le Jabberwocky doit s'ennuyer fermement. » ils acquiescèrent et s'en allèrent, prêts à se battre pour leur Reine bien aimée et pour leur merveilleux pays.

Ce fut accompagnés par toute la carde du château et les plus vaillants habitants du Pays que le Valet de cœur revint. Mais avant même que leur retour ne fut annoncé, Neverland avait déjà attaqué. Tous fonçaient les uns contre les autres, frappant, tranchant, tuant. Alice avait déchiré le bas de sa robe pour être plus libre de ses mouvements, le Chapelier se servait de son chapeau comme d'une arme et tous les autres donnaient du meilleur d'eux-mêmes. Les coups fusaient de part et d'autres et tout le monde donnait le meilleur de lui-même. Mais malgré tout, malgré toutes les personnes qui tombaient au combat, aucun habitant de Wonderland ne voulait blesser leurs adversaires. Cette guerre n'était-elle pas complètement vaine ?

Un rire se fit entendre au loin et un sourire malsain apparu, flottant dans les airs. Cheshire avait réapparu, assit tranquillement sur une branche d'arbre. Ce que personne ne savait parmi ceux qui se battaient, c'est que c'était lui qui avait tout organisé; du kidnapping de Clochette jusqu'à la déclaration de guerre de Mally. Et pour quelle raison ?

« – Ce pays est ennuyeux à mourir. »

Et en un sourire, il disparut à nouveau tandis qu'en bas, la bataille prenait fin.