Elle n'était pas invisible, mais c'était tout comme. Et ni sa petite taille, ni sa voix fluette ne l'aidaient à s'imposer. Dans la vie de tout les jours, elle se taisait et n'était que spectatrice. Même dans son lycée, les professeurs l'oubliaient parfois. Tout le monde l'appelait « le fantôme ». Elle pensait que cela l'aiderait à ne pas avoir de problèmes. Qui voudrait donc embêter une personne invisible ? Mais les gens de sa classe ne pensaient pas la même chose.
« Vu que c'est un fantôme, il n'y a qu'à l'embêter. »
Ils la connaissaient: jamais elle n'irait se plaindre aux professeurs et c'était ça, sa faiblesse. C'était une fille très intelligente, douée en sport et en musique mais sa timidité la bloquait complètement.
Un jour d'avril, alors qu'elle rentrait chez elle après les cours, deux garçons l'accostèrent. Elle les connaissaient: ils étaient dans le même cours de maths qu'elle. Le premier, un blondinet, la fixa, le regard dans le vide, et lui barra la route. Le second, un rouquin, attrapa son sac d'école et le jeta à terre.
– Oups, désolé ! déclara-t-il en ricanant; il n'était absolument pas désolé.
– Vous agissez comme ça parce que vous êtes des faibles et que, pour vous sentir forts, vous vous attaquez à des personnes encore plus faibles que vous ! Laissez moi tranquille ! s'exclama-t-elle mais c'était comme si personne ne l'avait entendue.
Les deux adolescents continuaient de répandre ses affaires sous la fine pluie qui s'était mise à tomber. Le blondinet se tourna vers elle, son regard avait changé. Il était plus doux. Mais son ami continuait son affaire et se démenait avec le livre de math donc, il en fit autant.
– Les adolescents sont pitoyables... murmura-t-elle.
Des larmes commencèrent à rouler sur ses joues, se mêlant à la pluie et ses genoux cédèrent. Elle tomba sur le trottoir froid et mouillé et, même en essayant de se relever, elle n'y parvenait pas. La situation dura encore cinq bonnes minutes avant que les deux garçons ne s'en aillent enfin. C'était dans ces moments là qu'elle aurait voulu avoir des amis. Ne plus être cette fille fantôme. Elle se sentait si seule, perdue. Elle sécha ses larmes mais la pluie avait redoublée, noyant ses livres et ses cahiers. Elle poussa un cri de rage et tenta encore une fois de se relever. Tout son corps tremblait. Elle avait froid, elle avait faim, elle était fatiguée, elle était énervée mais, n'avait personne avec qui le partager.
Soudain, un garçon s'approcha d'elle. Elle ne distingua pas directement son visage mais elle sembla le reconnaître. Le garçon lui tendit une main froide qu'elle attrapa et se remit sur pieds.
« - Merci... » elle esquissa un sourire faible et se dépêcha de ramasser les affaires les plus importantes.
Le garçon ouvrit un parapluie et le plaça au dessus de sa tête avant d'enlever sa veste pour la passer sur ses épaules. Elle tressaillit. Personne n'avait jamais été aussi gentil avec elle.Le garçon lui plaça le parapluie dans la main, récupéra encore quelques affaires à elle puis s'en alla sans dire quoi que ce soit. Elle se demanda qui il était. Pourquoi l'avait-il aidée ? Comment l'avait-il vue ? Elle n'en avait aucune idée mais elle savait qu'elle lui serait reconnaissante pour toute la vie.
Quand il rentra chez lui, le couvre feu était dépassé. Il savait que sa mère avait dû s'inquiéter et que son beau-père devait s'en ficher. Quand il pénétra dans la maison, personne ne broncha. Même pas le chien qui le regarda dédaigneusement. Il détestait ce cabot avec son air hautain et sa manie de faire pipi n'importe où. Le garçon monta dans sa chambre sans faire attention à sa mère qui s'approchait de lui, passant nerveusement ses doigts crochus dans ses cheveux emmêlés dont elle ne prenait plus aucun soin. Il la trouvait pitoyable; comment pouvait-on se laisser mourir comme ça ? Sans faire attention aux autres ? Certes, elle avait perdue une fille. Mais lui, il avait perdu une sœur. Et il ne se laissait pas aller pour autant.
***
De son côté, la jeune fille était rentrée chez elle. Sa mère était encore au travail, son père dormait. Il dormait tellement qu'elle en avait l'habitude. Elle avait l'habitude d'être seule. Elle l'avait toujours été. Elle repensa alors au garçon de la pluie pendant qu'elle posait ses affaires sur le radiateur pour qu'elles sèchent.
« - Astrid ? Chérie ? » C'était sa mère. Elle rentrait de son travail d'avocate. La jeune fille plaqua un sourire sur son visage, un de ces masques qu'elle savait manier à la perfection, et alla voir sa mère qui se déchaussait dans l'entrée.
« - Bonsoir maman, tu as passé une bonne journée ? » Elle lui avait demandé cela tout en l'aidant à enlever son manteau. Sa mère lui expliqua alors qu'elle était éreintée et qu'elle prendrait volontiers un café. La jeune fille se pressa de préparer la boisson tandis que sa mère allait dans le salon. Ça avait toujours été comme ça entre elles. Astrid s'occupait de sa mère comme elle avait toujours su le faire et sa mère ne se préoccupait pas tellement de ça, beaucoup trop fatiguée pour encore devoir s'occuper de sa fille. Leurs rôles s'étaient inversés et ce ne les embêtaient nullement. Astrid y trouvait même un réconfort, elle avait l'impression d'exister.
***
« - Alors, James, comment s'est passée ta journée ? Tu t'es bien amusé ? Les cours étaient intéressants ? » Le blondinet ne faisait pas du tout attention à sa mère et préparait le dîner. Ce n'était pas son incapable de beau-père et sa pitoyable génitrice qui allaient s'en occuper. Après la mort de sa sœur, cette dernière avait pété un câble et complètement perdu ses repères. Elle n'allait plus au travail —ayant obtenu un congé maladie— et passait ses journées à déambuler dans la maison tel un zombie.
« - Lâche-moi. Va prendre une douche, fais du sport mais fiche-moi la paix ! » S'énerva-t-il alors qu'elle le fixait comme un animal sur qui on venait de lever la main. Elle avait rentré légèrement la tête dans les épaules et plié les genoux. Elle lui fit un sourire las et sortit de la cuisine en reniflant.
« - Si je la retrouve encore dans sa chambre à pleurer, je fais un meurtre... » Il s'était adressé à la casserole de pâtes qui cuisait devant lui. Puis, alors qu'il mettait la table, il repensa à la fille. Astrid, qu'elle s'appelait. Enfin, il n'était plus sûr. Son ami, Octave, lui avait dit de venir l'embêter avec lui, que de toute façon, ils n'auraient pas de soucis: c'était un fantôme. Tout le monde se moquait d'elle quand ils ne l'oubliaient pas. James trouvait ça vraiment injuste mais il avait suivit Octave, pour être comme les autres, pour ne pas être seul.
« - Vous agissez comme ça parce que vous êtes des faibles et que, pour vous sentir forts, vous vous attaquez à des personnes encore plus faibles que vous ! Laissez moi tranquille ! » Avait-elle dit. Et jamais il n'avait entendu des paroles autant vraies que celles-ci. Jamais.
Le lendemain, à l'école, Astrid se fit encore plus invisible que les autres jours pour aller déposer le parapluie et la veste de l'inconnu dans la caisse des objets trouvés. Elle savait à qui ils appartenaient grâce à une étiquette cousue à l'intérieur du manteau, marquée par le nom du propriétaire; James Kane. Elle savait de qui il s'agissait. Il était dans son cour de maths, il l'avait embêtée la veille et déchiqueté son manuel de français. Astrid se demandait vraiment pourquoi il l'avait aidée par la suite mais s'était résignée à ne pas avoir de réponse.
Elle fut alors surprise de se retrouver face à James à la fin de la matinée. Il la regardait, tout sourire, et demanda à lui parler.
Elle accepta.
***
Ce matin-là, James s'était levé du mauvais pied. Il était en retard, avait oublié ses devoirs et reçut une punition. Alors, quand il vit son parapluie rouge et sa veste d'uniforme dans la caisse des objets trouvés, cela lui redonna un coup de fouet: elle savait qui il était. Il décida d'aller la voir après le dernier cour de la matinée, quand tous les élèves se rendent à la cantine ou rentrent chez eux. Il la trouva, suivant le flot des étudiants pour aller prendre le bus et parvint à la bloquer avant qu'elle ne monte dans le véhicule.
« - Je peux te parler ? » Demanda-t-il avec un grand sourire. Astrid le regarda, méfiante mais accepta tout de même et il l'entraîna sous un arbre de la cour.
« - Qu'est-ce que tu me veux ? » Murmura la noiraude avec une lueur étrange dans les yeux.
« - Je... Je voulais tout simplement m'excuser pour hier. Ce qu'on a fait, avec Octave, c'était vraiment pas sympa et je tenais à m'excuser ! » Expliqua James en la regardant dans les yeux. Elle se sentait intimidée par son regard sombre, comme si elle était inspirée par la noirceur de ses yeux chocolat. Elle ouvrit la bouche puis se retint et couru jusqu'à son bus pour éviter de le rater. James la regarda partir avec un pincement dans la poitrine.
***
L'après-midi de ce jour-là, Astrid ne revint pas à l'école et personne ne le remarqua mis-à-part James qui se demandait où elle était passée.
« - Eh mec, on va embêter le fantôme ? C'était trop marrant hier ! » Ricana Octave en rejoignant le blondinet à la sortie des cours, cherchant sa cible favorite du regard.
« - Non. J'aimerais que tu la laisse tranquille, s'il te plaît. » Demanda James sèchement. Le rouquin éclata de rire à nouveau, lui donna un coup dans l'épaule et courut vers d'autres amis à lui. Le blondinet serra les poings et enfonça ses écouteurs sur ses oreilles avant de sortir un papier de la poche de sa veste: l'adresse d'Astrid. Il l'avait trouvée la veille sur un morceau de page déchirée, d'un des cahiers de la noiraude. C'était son plan B; allez voir Astrid et lui faire comprendre qu'elle avait enfin un ami. Il ne savait pas pourquoi mais il avait besoin de la protéger. Ce n'était même pas une envie, il en ressentait le besoin. Et ce soir-là, quand il sonna chez elle et qu'une femme hautaine, presque méprisante, vint lui ouvrir la porte, il en fut persuadé: Astrid avait besoin de quelqu'un pour la protéger des autres.
La jeune fille était tranquillement assise dans sa chambre, lisant un livre quand quelqu'un sonna à la porte d'entrée. Elle entendit les pas rapides de sa mère et une voix qui lui rappelait vaguement quelque chose. Elle posa son livre sur la commode et descendit les escaliers, se trouvant face à sa mère et James. Ce dernier semblait vouloir expliquer quelque chose à madame Butcher.
« - Laisse, maman. Je m'en occupe. Va te reposer. » Ordonna-t-elle gentiment avant de faire face au blondinet qui lui lança un sourire un peu hésitant.
« - Tu me veux quoi ? Et comment est-ce que tu a eu mon adresse ? » Demanda Astrid, les yeux remplis de colère.
« - Je... Je m'inquiétais pour toi. Vu que... Que tu n'es pas venue en cours cet après-midi et... » Répondit James en cherchant ses mots.
« - Arrête de bégayer, c'est fatiguant. Et je ne vois pas pourquoi tu t'inquiètes pour moi; je vais très bien. Alors maintenant, pars de chez moi et ne reviens pas. C'est compris ? Je ne veux rien avoir à faire avec toi. » Ses paroles étaient sèches. Elle ne laissa même pas le temps à James de répondre et lui claqua la porte au nez.
***
Le blondinet resta quelques minutes devant la porte d'entrée d'Astrid avant de planter ses mains dans ses poches et de se rendre dans un parc, juste en face. En effet, il n'avait pas envie de rentrer chez lui. L'état de sa mère commençait sérieusement à l'énerver. Sans parler de son beau-père qui ne faisait jamais rien et n'aidait pas. La tête penchée vers l'arrière, examinant les étoiles qui se faisaient de plus en plus présente, il ne vit pas arriver Octave et d'autres amis.
« - Et bah, on te cherchait partout Jamesynou ! » S'exclama le roux en s'asseyant à côté de lui. L'intéressé releva la tête et le fixa, sans vraiment l'envie de le voir.
« - Dégage Octave. Je veux pas te parler. » Marmonna-t-il, se remettant à observer les étoiles.
« - Eh les gars, vous voyez ça ? C'est un gars qui est tombé amoureux. » Ricana Octave, entraînant les autres avec lui. Un noiraud s'appelant Melvin s'arrêta de rire et donna un coup dans l'épaule de James.
« - Sérieux, mec... Me dis pas que t'es amoureux ! Ça craint... »
« - Allez, dis nous qui est l'heureuse élue ? Eva, la blonde du cours de français ? Ou alors c'est Mathilde ? »
« - Imaginez, il est amoureux du fantôme ! » S'exclama Octave, mort de rire. Le blondinet soupira et se leva du banc, laissant la bande de garçons derrière lui.
« - Comment elle s'appelle déjà ? Astrid Butter ? Mais... C'est proche de chez elle, ici ! Tu va la rejoindre ? » Octave avait crié cela dans le silence de la nuit. James tressaillit.
« - Comment tu sais ça... » Marmonna-t-il en se retournant. Le roux le fixait, un regard mauvais et un sourire étrange collés sur le visage.
James sentit la colère monter en lui et il courut sur Octave avant de le rouer de coups. Le noiraud les rejoignit et tenta de les séparer mais il se prit un coup de poing dans la mâchoire et abandonna. La bande regardait les deux adolescents se battre, partagés par l'envie de les séparer et celle de les laisser continuer.
« - Arrêtez ça tout de suite ! » Hurla quelqu'un, à l'autre bout du parc.
Astrid s'avança, les poings serrés et l'air fâché. Une fois n'est pas coutume, personne ne l'avait entendue alors quand elle arriva au milieu de la bagarre et qu'elle sépara les deux garçons, tous furent étonnés.
« - Toi, t'es vraiment trop débile ! Et toi, tu dégages. Compris ? » Elle attrapa James par le bras et l'emmena chez elle pour soigner ses blessures.
Voyant que James partait en direction du parc, Astrid avait décidé de le suivre. Elle avait passé une jaquette par dessus des vêtements et chaussé des chaussures avant de sortir dans la rue. Sa mère somnolait devant la télé et son père n'était même pas sortit de sa chambre. Quand elle vit Octave et sa bande s'approcher de James, elle se planqua derrière un arbre et les épia discrètement. Quand la bagarre éclata, elle décida d'intervenir. Comme personne ne l'avait ni entendue approcher, ni vu arriver, l'effet de surprise était total. Elle attrapa James par le bras et décida de l'emmener chez elle pour soigner ses plaies.
« - T'es en mauvais état. » Remarqua-t-elle alors qu'ils montaient dans sa chambre. Contrairement à ce qu'il s'attendait, la chambre d'Astrid était assez petite et très peu éclairée. Comme si elle était faite pour se fondre dans l'ombre. Néanmoins, il y avait une sorte de couchette sur le bord de la fenêtre, le seul endroit de la pièce qui semblait avoir été utilisé récemment. Tout était si ordonné que cela le mettait mal à l'aise. Comme si personne ne vivait réellement là.
« - Euh... ta chambre est très bien rangée... » Hasarda le blondinet, ne savant pas où se placer.
« - Merci. » Elle lui montra la couchette et il s'y installa bancalement tandis qu'elle sortit de la pièce. Astrid revint rapidement, portant dans sa main droite une petite boîte blanche peinte d'une grosse croix verte. La noiraude prit sa chaise bureau et l'installa face à la couchette puis sortir un désinfectant.
« - Ça va piquer un peu. Si tu te met à pleurnicher, tu sors. Par la fenêtre. » James acquiesça devant le regard froid d'Astrid et se laissa faire. La jeune fille désinfecta les plaies puis posa un pansement sur le nez, arrêta le sang s'écoulant l'arcade sourcilière et de la lèvre. Elle rinça aussi les jointures de la main gauche.
« - Merci ! C'est très gentil ! » S'exclama le blondinet alors qu'Astrid rangeait sa boîte à pharmacie.
« - De rien. C'est normal. »
***
Après être rentré chez lui, James prépara le dîner pour lui et sa famille et emporta une assiette dans sa chambre. Ni sa mère, ni son beau-père n'avaient remarqué ses blessures. Cela le faisait rager intérieurement et, sans qu'il puisse se retenir, il balança son assiette contre le mur.
« - Jam' ça va mon chéri ? » Demanda alors sa mère, ayant entendu le bruit depuis le couloir. Le blondinet ne répondit rien et alla ramasser son assiette.
Étrangement, cela l'avait apaisé même si il était toujours en colère. En colère contre qui ? Contre ses parents qui n'étaient même plus capables de s'occuper de lui, d'Octave et de sa bande qui disaient qu'il était amoureux d'Astrid et de cette dernière qui était trop... trop bizarre pour se laisser aider. Sans qu'il n'y fasse attention, il avait serré sa prise autour des morceaux d'assiette brisée et du sang coulait. Il hurla, lâcha les débris et alla dans la salle de bain à la recherche d'un pansement. Il trouva une bande et entoura sa paume avec puis se laissa tomber sur le sol froid de la pièce. Avant, c'était sa sœur qui le soignait. Ou sa mère. Lily était douce et toujours gentille avec lui. Elle se comportait comme une mère et il adorait ça. Mais depuis sa mort, il se sentait étrangement seul. Des larmes coulèrent sur ses joues et il se recroquevilla sur lui-même, dans le silence pesant de la nuit.
Astrid s'était endormie peu après que James soit partit et sa mère l'avait retrouvée assoupie sur sa couchette.
Quand elle se réveilla, aux alentours de cinq heures du matin, Astrid soupira et décida de faire ses devoirs qu'elle n'avait pas pu faire la veille. La noiraude termina donc son travail de français puis alla prendre une douche. Elle passa devant la cuisine et sentit une douleur dans l'estomac mais ne se risqua pas dans la petite pièce carrelée. Une main se glissa sur son épaule et une voix rassurante lui glissa à l'oreille:
« - Cela fait trois jours que tu n'as pas mangé plus qu'un bout de pain. Tu n'as donc pas faim ? » Elle se retourna alors vivement pour se retrouver face au couloir silencieux et désespérément vide. Astrid haussa les épaules et prépara son sac de cours avant de s'habiller et de partir.
Ce matin-là, le temps avait décidé d'être contrariant et la pluie tombait à grosses gouttes mais cela ne semblait pas embêter la noiraude qui marchait tranquillement, sans se soucier le moins du monde du fait qu'elle soit trempée. Quand elle arriva devant le bâtiment grisâtre, les retardataires couraient se mettre à l'abri tandis qu'elle continuant d'avancer lentement. En réalité, ce n'était pas parce qu'elle ne se souciait pas de la pluie ou autre, son estomac lui faisait juste du tort.
Depuis quelques temps, sa mère était trop occupée pour faire les courses et mangeait souvent à l'extérieur. Ce mode de vie obligeait Astrid à se servir des restes mais souvent, son père finissait les boîtes de conserves avant qu'elle ne soit rentrée. La jeune fille, ayant trop peur d'ennuyer sa mère avec ses problèmes, se contentait de grignoter ce qu'il restait, attendant que sa mère aie le temps de faire les courses. Mais cela n'était pas la seule raison. Astrid avait entendu un groupe de fille dire qu'elle était grosse, comme une sorte de baleine mais en pire et, inconsciemment, cela l'avait blessée. Elle avait peur de grossir encore plus et d'entendre à nouveau leurs moqueries car même si elles étaient rares, elles étaient très souvent méchantes à souhait et Astrid n'était pas assez forte pour les supporter.
***
James s'était réveillé en retard et n'avait pas eu le temps de déjeuner. Il avait oublié son parapluie et avait mît une veste sans capuche ce qui l'obligea à courir sur le chemin de l'école, ce qu'il détestait. Dès qu'il vit Astrid entrer dans le vieux bâtiment, il la rejoignit à grandes enjambées.
Elle affichait ce visage détaché qu'elle avait toujours mais pourtant, James était persuadé que quelque chose avait changé chez elle. Il la salua d'un signe de la main, oubliant la bande qui ornait celle-ci. Astrid le regarda puis fixa sa main, elle semblait curieuse mais ne dit rien, comme à son habitude, et entra dans la salle de maths, James à sa suite. Le blondinet se dépêcha de glisser le billet qu'il avait soigneusement préparé sur son banc et alla à sa place avant que le cour ne commence. Astrid ne toucha pas au bout de papier avant la fin du cour où, enfin, elle le déplia soigneusement. Dessus, James la remerciait de l'avoir soigné et d'être intervenu la veille. La jeune fille lança un regard vers le concerné qui la fixait avec attention. Elle hocha de la tête, comme pour dire « de rien » et se remit à travailler. James se demandait vraiment pourquoi elle était toujours autant détachée.
Pendant son heure d'étude, il tenta de trouver la réponse et décida de faire une enquête plus approfondie sur Astrid.
« - Déjà, elle se fiche qu'il pleuve. Elle doit donc se ficher du regard des autres. Ensuite, elle est très mature et sait soigner les plaies. Elle est assez courageuse et sûrement sûre d'elle. Alors pourquoi est-elle autant invisible ? » il marmonnait dans son coin quand Octave et sa bande entourèrent sa table. Le roux arborait fièrement un coquard à l'œil gauche.
« - Ma mère veut parler à tes parents. Elle veut les rencontrer et pour savoir qui sont les gens qui ont élevé un garçon autant méchant. » déclara Octave avec un sourire en coin. Le blond serra les points. Sa mère, incapable de s'occuper d'elle, et son beau-père, si idiot qui préférait le chien à lui, ne pourraient jamais rencontrer la mère d'Octave. James l'avait déjà vue au début de l'année. Tellement bien habillée dans son tailleur chic avec ses talons hauts et son chignon bien fait. Non, jamais sa mère ne pourrait rivaliser avec elle. Il eut alors les paroles les plus horribles qu'un enfant puisse avoir, des mots horribles et durs.
« - Mes parents sont morts. Je doute qu'ils puissent encore rencontrer ta mère. » prononça-t-il, se haïssant au plus profond de lui. Le roux parut quelque peu décontenancé et partit rapidement en direction de la cafétéria.
***
« - Pourquoi as-tu menti à Octave ? » lança alors Astrid qui avait tout entendu. Sa voix surprit James qui se tourna vers elle, étonné qu'elle lui adresse la parole.
« - Tes parents ne sont pas morts. Ta sœur l'est mais pas tes parents. Pourquoi lui as-tu menti ? » elle insistait et cela mettait mal à l'aise James. Comment diable savait-elle pour sa sœur ?
« - Tu te demandes comment je sais pour ta sœur ? » demanda-t-elle comme si elle lisait dans ses pensées. James, toujours muet, opina du chef. La noiraude leva les épaules nonchalamment.
« - L'année passée, j'étais dans ta classe. Les professeurs nous l'ont dit. Et je sais que tes parents ne sont pas morts. Ma mère travaille avec ton beau-père. Tu es un menteur, James. Et, désolée pour toi, mais je ne traine pas avec les menteurs. » elle tourna les talons, prête à partir.
« - Il faudrait déjà que tu traines avec quelqu'un ! » s'exclama alors James, boulversé par ses paroles. Directement, il se claqua mentalement. Il était vraiment trop stupide ! La noiraude se retourna et le fusilla du regard avant de partir en courant. Elle alla se réfugier dans les toilettes pour filles du troisième étage. Astrid se mît côté de la cuvette et déglutit avant d'enfoncer deux de ses doigts dans sa gorge. Rapidement, la bile monta et ce qui devait arriver arriva. Pourtant, elle n'était toujours pas mieux. Elle avait un mal de ventre horrible et des lancements dans la tête en plus d'un goût désagréable dans la bouche.
« - Tu es pathétique. Réellement. » Nota alors la voix tandis qu'elle se relevait. L'adolescente fit comme si de rien n'était et sortit des toilettes pour rejoindre un coin tranquille dans la cour. Comment osait-il lui dire ça ? Comment osait-il ? Au fond, il était comme les autres.